Retranscription - Comment sait-on qu’on est ami.e avec quelqu’un ?

Adélie Pojzman-Pontay : Qu’est-ce qu’on ressent quand on est ami.e avec quelqu’un ? Comment on sait qu’on est vraiment ami.e.s ? 
Voici Zoé. 

Zoé : quatre ans ! 

Adélie : Et Marcel. 

Marcel : Moi j’ai quatre ans aussi. 

Discussion enfantine 

Adélie : Tout n’a pas toujours été simple entre eux. Et pourtant, c’est un âge auquel il est incroyablement facile de devenir ami avec quelqu’un…

Marcel : Je ai lui dit : “Eh ! Tu veux être mon ami ?”. 

Adélie : Quand j’avais 4 ans, pour moi aussi l’amitié c’était très simple. J’ai des souvenirs assez limpides de la cour de mon école maternelle. Il y avait une marelle au sol, un rondin de bois sur lequel on faisait semblant d’être funambules. Je me souviens des enfants que j’aimais bien : il y avait Guillaume, un petit blond, Louise, qui avait une très longue natte dans le dos, et Sarah, une petite brune avec une frange. Je me souviens même du jour où pendant la récré, Guillaume et moi on s’est rentrés dedans, et on est tombé. On avait les genoux en sang, et même si la cloche venait de sonner et qu’on risquait d’être en retard en cours, on s’est aidés, on s’est soutenus, clopin-clopant, on s’est pas laissés tomber, pour aller trouver une grande personne qui allait pouvoir panser nos plaies. J’ai toujours la cicatrice sur mon genoux droit, ça avait dû quand même faire un petit peu mal. 

Zoé chante 

Adélie : Sauf que voilà, et je souhaite à Marcel et Zoé que ce ne soit pas le cas pour eux, mais après la maternelle pour moi, ça c’est un petit peu gâté. En grandissant, j’ai commencé à trouver ça compliqué l’amitié. 
Je suis bien d’accord avec l’avis général : l’amitié, c’est beau, c’est important, c’est enrichissant. Mais surtout : c’est flou. C’est flou et on ne sait jamais où on en est. Enfin moi, je ne sais jamais où j’en suis. Les histoires d’amour, elles, ont des étapes bien définies : on se regarde, on se tourne autour, on se séduit. Il y a le premier baiser, la première nuit, le premier je t’aime. Même si parfois les débuts peuvent nous laisser un peu confus, une fois qu’on en arrive au fameux “je t’aime”, là, on sait où on en est. Et quand la relation se termine, on sait que c’est fini. Les ruptures amoureuses, ça a l’avantage d’être évident. Mais j’ai l’impression qu’en amitié, on n'est jamais vraiment sûr. 

Cette sensation de flou, autant vous dire qu’elle n’est pas très agréable. A l‘intérieur, c’est un peu comme si j’avais un zébulon sur ressort qui venait me dire : “Ah mais elle a pas répondu à ton texto, t’as dû la souler… T’as vu Théophile et Théodule ils sont allés boire un verre sans toi, si ça se trouve ils en ont marre de toi ? Et elle, vous avez bu un café mais ça fait deux semaines que t’as zéro nouvelle, est-ce que ça veut dire que ce moment que vous avez partagé c’était vraiment de l’amitié ?”. J’aimerais bien être un peu plus sûre des émotions que l’amitié est censée provoquer. Comme ça je pourrais dire à Zébulon “OUI, c’est bon, on est amies, ciao bye !”. 

J’aimerais bien pouvoir répondre à cette question une bonne fois pour toute : qu’est-ce qu’on ressent quand on sait qu’on est ami.e avec quelqu’un ? Sur quoi je pourrais m’appuyer pour me dire : “Ah là c’est bon on est amies” et pour faire disparaître ce grand flou ?

Je m’appelle Adélie Pojzman-Pontay, bienvenue dans Émotions

GÉNÉRIQUE 

Adélie : Pour sortir de ce brouillard, j’ai demandé à plusieurs personnes de m’expliquer ce qu'elles ressentent. J’ai commencé par aller voir quelqu’un qui me connaît par coeur et qui a écouté mes questions, mes râleries et mes inquiétudes sur l’amitié depuis des années. 

Sophie : Alors c'est sûr que c'est un sujet de conversation qu'on a eu très régulièrement depuis assez longtemps.

Adélie : Cette personne, c’est Sophie, c’est ma mère. 

Sophie : Je pense que tu as maintenant des amitiés fidèles et profondes mais que t'es toujours dans ce point d'équilibre. Et qui dit point d'équilibre dit déséquilibre très proche où tu te poses beaucoup de questions, tu cherches à comprendre et tu analyses des détails de ce que tu ressens de votre relation et souvent à ton désavantage, à ton détriment.

Adélie : Comment ça ?

Sophie :Souvent quand une amie n'est pas assez présente, ou s’il y a longtemps qu'elle ne t'as pas donné de nouvelles, ou si elle t'a pas assez écouté à un moment donné où tu avais une difficulté particulière, t'as l'impression que c'est un manque d'intérêt ou c’est un manque d'amitié justement, ça se traduit très rapidement par un doute sur la qualité de cette amitié. 

Adélie : J’ai voulu savoir depuis quand ces questions et ces doutes étaient apparus et si elle qui m’avait vu grandir avait des réponses. 

Sophie : T'es toujours allée vers les autres.

Adélie : Ah ouais ?

Sophie : Oui oui t'es toujours allée vers les autres, avec prudence, avec envie. Mais t'es souvent allée vers des personnes qui avaient un fort caractère, qui étaient très leader d'opinion ou très perturbateurs, et qui avaient un côté très sarcastique et très sûrs d'eux mêmes. Alors je ne sais pas pourquoi tu es allée plus particulièrement vers ce type de personnalités. Mais du coup toi qui avais besoin de plus d'analyse, de plus d'isolement, tu étais beaucoup plus dans une réserve. Ce sarcasme te mettait peut être plus mal à l'aise que nous ne l'avons perçu réellement.

Adélie : Moi non plus je ne sais pas pourquoi je suis allée vers ce genre de personnes, mais en tous cas, ces relations m’ont laissé des souvenirs en demi-teinte. Pas des souvenirs malheureux, mais l’impression de ne jamais vraiment être à l’aise, ni de pouvoir être moi-même. Je n’osais pas trop dire ce que je pensais par exemple car on risquait de se moquer de moi. Est-ce qu’on est vraiment ami.e si la personne d’en face nous met mal à l’aise ? Et si on a l’impression qu’on n’est pas libre de s’exprimer ?

Aujourd’hui, je me dis que déjà au primaire, je devais avoir du mal à décrypter ce qu’on est censé ressentir quand on est ami avec quelqu’un. 

Sophie : Je me souviens que ta classe au niveau ambiance n'a pas forcément été une des classes les plus agréables, les plus apaisantes, les plus réjouissantes, et même les professeurs le soulignaient pendant les conseils de classe.

Adélie : À 13 ans, j’ai quand même fini par trouver trois amies, dont je suis devenue vraiment très proche, et avec qui je me souviens d’avoir joué pendant des heures à Mario Kart et d’avoir emprunté des films d’horreur à Vidéo Futur les soirs de pyjama party. 

Sophie : Moi je me souviens de crises de fou rire dans ta chambre. Je me souviens vraiment de moments extrêmement joyeux et ces trois copines auxquelles je pense, je pense qu’on pense aux mêmes...

Adélie : Ouais, je n'en avais pas 25...

Sophie : Mais en même temps les amis on n'en a pas non plus une kyrielle. C'est vrai qu'ensuite tu as pris la décision de partir vivre très jeune un an à l'étranger, que cette rupture a malheureusement fait que quand tu es revenu tu ne les a plus retrouvés et je pense que ça a été ta première rupture extrêmement douloureuse qui a sans doute marqué du sceau du manque de confiance vis à vis des potentielles relations suivantes. 

Adélie : Ah oui, il faut que je précise. A la fin de ma troisième, je suis partie vivre un an aux Etats-Unis dans une famille d’accueil. A l’époque, j’étais fan du Seigneur des Anneaux et de Harry Potter et je ne rêvais que de deux choses : partir n’importe où à condition que ce soit l’aventure, et apprendre l’anglais. Et si cette année m’a apporté pleins de choses par ailleurs, ça a un peu été un point de rupture dans ma vie d’ado. 
Ma mère n’a pas tort sur ce coup là, mes amitiés de collège ont été comme le jardin d’Eden de l’amitié, une période d’insouciance et de confidences. Mais après, ça a été la traversée du désert. Au lycée et au début de mes études, j’étais vraiment toute seule ou alors, je traînais avec des gens qui ne voulaient pas vraiment de moi. Et ça ne s’est arrangé que pendant ma deuxième année d’études, où j’ai rencontré les personnes qui encore aujourd’hui sont mes amies. 

Si je vous fais l’historique de mes relations amicales, ce n’est pas seulement parce que ça fait longtemps que j’ai l’impression que l’amitié et moi, on n’est pas vraiment copines. C’est aussi parce que j’ai rencontré Saverio Tomasella, qui est psychanalyste et docteur en psychologie. 

Saverio Tomasella : Nos relations d'enfants et d'adolescents sont vraiment des modèles, ou en tout cas des repères pour nos relations d'adulte. Et si nous n'avons pas connu l'amitié en tant qu'enfant, nous risquons d'en douter, de ne pas être sûrs de pouvoir connaître vraiment l'amitié en tant qu'adulte, et alors à ce moment là nous poser des questions et demander si c'est vraiment une amitié et craindre que ça ne le soit pas ou craindre qu'elle puisse s'arrêter ou mal tourner.

Adélie : Et donc quelqu'un qui aurait eu peu d'amis ou en tout cas des relations amicales pas très satisfaisantes étant enfant, comme moi, pourrait éventuellement du coup avoir du mal.. enfin ça pourrait venir de là, potentiellement..?

Saverio Tomasella : Alors on peut toujours tout transformer, c’est-à-dire qu’on peut avoir des expériences amicales décevantes quand on est enfant et adolescent, puis être super amis et avoir de super amis quand on est adulte. Donc ce n’est pas du tout une fatalité. Néanmoins, c'est un repère et donc ça peut amener, soit à être beaucoup plus attentif, soit à donner beaucoup plus de signes d'amitié, soit au contraire à se poser la question est ce que c'est vraiment une amitié. De toute façon ça va venir colorer, ça va venir influencer notre façon d'être en amitié.

Adélie : Ce serait peut-être plus simple pour moi aujourd’hui, si j’avais eu des amitiés plus satisfaisantes étant enfant. Ou alors, si j’étais née au XVIIIe siècle. Enfin plus exactement, noble au XVIIIe siècle. Si si je vous assure, restez avec moi. C’est Anne Vincent-Buffault qui me l’a dit. Elle est historienne des sensibilités et elle a écrit deux livres sur l’histoire de l’amitié. Et au XVIIIe, on n’hésite pas à déclarer sa flamme amicale justement. 

Anne Vincent-Buffault : Les gens n'hésitent pas effectivement, non seulement à dire qu'ils s'entendent bien, mais qu’ils se font des déclarations d'amitié tout à fait chaleureuses et c'est assez proche aussi d'un vocabulaire amoureux. Donc on n'hésitait pas effectivement à se dire qu'on s'aimait, à dire que l'on attendait la lettre.. enfin, je veux dire, Mirabeau avait des lettres avec Chamfort et il disait qu'il tremblait quand Chamfort était malade et qu'il attendait sa lettre comme si c'était la lettre d'une amante. Enfin bon, il y a le transport amical au même titre que le transport amoureux. Alors est ce que c'est purement rhétorique ? Mais en tout cas on peut dire que voilà, ils n'hésitent pas à exprimer de façon très intense leur amitié quoi.

Adélie : Vous vous imaginez, vous, dire à un pote que vous tremblez d’angoisse dans l’attente de son prochain texto ?

Anne Vincent-Buffault : Voilà c'est une expression très sentimentale. C'est la figure un peu de l'homme et de la femme sensible du 18e siècle. 

Adélie : Il y a même des époques où on a essayé d’institutionnaliser l’amitié. Prenez la Révolution française, où là c’était moins cool d’être un noble du XVIIIe. Saint-Juste, un soutien indéfectible de Robespierre, avait proposé qu’on déclare officiellement ses amis. Ça fait un peu froid dans le dos si vous voulez mon avis. 
Mais même avant ça, d’autres propositions moins radicales, et qui perdurent aujourd’hui, ont pu donner un cadre à l’amitié. Par exemple, à partir du 2e siècle, l'Église crée le statut de parrain et de marraine. Si certains parents choisissent plutôt des protecteurs plus puissants ou le prêtre du village, beaucoup d’autres vont chercher parmi leurs amis proches pour aider à l’éducation de l’enfant et le recueillir en cas de décès. C’est une manière de formaliser le lien d’amitié, et je me demande si c’est pas toujours le cas ! Le baptême républicain, d’ailleurs très en vogue, a été inscrit dans la loi en France en juin 2016. Et si demain on me demande d’être marraine, je me dirais : "Ça y est ! Bim ! Ça c’est de la vraie amitié !”. Bon, mais avant d’être adoubée “ami éternel” avec comme garantie Dieu le père ou la République, comment on sait ? Comment vous avez choisi, vous, les parrains et les marraines de vos enfants ? J’imagine que pour en arriver là, il y a bien des choses –des émotions, des signes– qui viennent avant nous confirmer qu’on est bel et bien amis.

J’ai donc voulu reprendre les choses depuis le début pour refaire pas à pas le chemin de l’amitié. Retournons à ce qu’il se passe dans ces premiers moments où l’amitié se noue. Comment on devient ami ? Saverio Tomasella, le psychanalyste, m’a expliqué qu’il y avait trois scénarios possibles. 

Saverio Tomasella : La première façon c'est le coup de foudre...

Adélie : Le coup de foudre amical ! Ça, je vois très bien ce que c’est. J’ai rencontré une de mes meilleures amies comme ça. C’était un jour de rentrée scolaire, je devais avoir 23 ans. J’arrive dans un amphi de 500 personnes plein à craquer et je cherche une place pour m’asseoir, pas trop au fond, pas trop au milieu, pas trop devant. Et mes yeux tombent sur une fille que je trouve hyper impressionnante. Je la trouve belle, elle a un style bien à elle, elle se démarque et elle porte au poignet droit une manchette en argent très large qui lui prend presque la moitié de l’avant-bras. J’ai descendu les marches de l’amphi et je lui ai demandé si la place à côté d’elle était libre, je lui ai dit qu’elle avait un super beau bracelet et voilà. Depuis, on est amies. 

Saverio Tomasella : La deuxième façon plus classique, peut être beaucoup plus répandue aussi, c'est le fait de se voir régulièrement, soit tous les jours à l'école ou au travail, et petit à petit de sentir que l'autre est intéressant qu'on a envie d'en savoir un peu plus, que finalement on le trouve bien sympathique ou il y a des choses qui nous intriguent et qui stimulent notre curiosité. Petit à petit, une relation différente de la première relation, beaucoup plus banale, beaucoup plus basique, une relation plus amicale se développe et progressivement cette amitié va se conforter comme étant juste, comme étant une bonne idée, et correspondant aux deux personnes. Donc ça c'est la façon la plus classique d'entrer en amitié. 

La troisième façon que j'ai découverte concernant le fait de commencer une amitié est surprenante, mais néanmoins elle existe. C'est la confrontation. C'est-à-dire la rencontre est très rapidement un conflit, une bagarre, une joute verbale ou un débat qui fait rage, ou une négociation quand ça se passe dans le domaine du travail, et à l'issue de ce conflit, ou de cette confrontation, on se rend compte que finalement l'autre a de grandes qualités malgré les désaccords qui a fait naître ce conflit. Et ça nous donne une espèce d'assurance, que puisqu'on a connu la personne dans une situation difficile, dans une situation tendue qui demandait de s'exposer. Finalement qu’on sait à qui on a affaire.

Adélie : Et dans ces trois manières de tomber en amitié, qu'est ce qu'on sait de l'autre, ou en tout cas de notre relation avec l'autre qui soit le point commun de ces trois manières extrêmement différentes de tomber en amitié ? 

Saverio Tomasella : Le point commun de ces trois façons de tomber en amitié, c'est le désir. C'est-à-dire que notre désir se manifeste d'une façon passionnée et immédiate, ou de façon très progressive, ou par la colère, la révolte ou le combat. Il n'empêche que l'autre devient intéressant, suffisamment intéressant pour stimuler ma curiosité et que je sens que quelque chose peut être intéressant même voire important du point de vue de la relation, quelque chose d'unique que je n'ai pas avec d'autres ou je vais peut être pouvoir aller plus loin dans cette relation.

Adélie : Il se trouve que j’ai dans mon entourage deux personnes extrêmement amies, dont je vois l’amitié au quotidien. Ces deux personnes, ce sont mes cheffes chez Louie, Charlotte Pudlowski et Mélissa Bounoua. Elles, elles sont devenues amies par mélange d’habitude et de confrontation, soit les scénarios 2 et 3 de Saverio Tomasella. En 2008, elles partent toutes les deux étudier un semestre dans le Missouri aux Etats-Unis. Et par le plus grand des hasards, elles répondent toutes les deux à la même annonce pour une coloc et elles se mettent donc à habiter ensemble. 

Charlotte Pudlowski : Et donc on commence à être colocs, et on se connaissait à peine. A ce stade, on était dans la même promo, mais on n'avait jamais pris un verre toutes les deux quoi, on était jamais allées bouffer toutes les deux. On se connaissait comme tu connais les 30 personnes de ta promo quoi, on ne faisait pas partie du même groupe de potes et tout ça. Et donc c'était un semestre assez génial parce que c'était au moment de la première campagne présidentielle d'Obama, il allait être élu, les Etats-Unis étaient en pleine effervescence. Il y avait tous ces hommes et ces femmes politiques qui venaient sur le campus où on était pour faire des meetings et tout ça...

Un jour y’a.. c'est Obama qui vient sur le campus avant d'être avant d'être élu et donc..

Mélissa Bounoua : La suite va vous étonner. (rire)
Le cours de photos c'était vraiment un cours hyper important pour nous...

Adélie : Pendant leur semestre, Charlotte et Mélissa suivent un cours de photojournalisme qui les passionne. Pour pouvoir travailler, les élèves peuvent emprunter à l’école des appareils qui coûtent très cher et qui font des photos incroyables.

Charlotte : Et on aimait le même appareil photo, le même modèle. Et au moment où Obama arrive, évidemment tous les appareils photo sont partis, sauf un. Le même modèle qu'on aime. Donc Melissa l'empreinte, (rire). Et on se dit, on va le partager…

Adélie : Je vois venir le drame, je vois venir le drame… (rire) 

Mélissa : J'ai vraiment l'impression d'être la pire connasse. 

Et donc on arrive sur…

Adélie : Donc elles se rendent à la soirée et c’est Charlotte qui a l’appareil en premier.

Charlotte : Je prends deux photos, je file l'appareil à Melissa, et là je ne retrouve plus Melissa de toute la soirée, la meuf s'était barrée avec l'appareil photo !! (rire)

Melissa : Si si, moi je te voyais ! Toi tu me voyais aussi vu que tu me faisais des gros yeux. (rire) Et à un moment, je me souviens de l’imagine, je me retourne et vraiment t'étais là : “Non mais quoi !”, avec tes yeux, que tu peux faire quand t'es énervé quoi. Et j'étais là genre :"J'arrive", je sais pas ce que j'ai fait d'ailleurs à l'époque. 

Charlotte : Mais elle a fait genre ‘j'arrive’, et puis elle s'est barré quoi. C'est absurde. Moi qui suis sujette à la colère, tu vois, après là j'ai vraiment fait la gueule, ça faisait longtemps que j'avais pas fait la gueule à quelqu'un, parce que je suis une adulte qui aime bien parler, quand je suis énervée je le dis, mais là vraiment j'ai fait la gueule. J'ai arrêté de lui parler. On était colocs donc le lendemain matin, au moment de partir en cours, je me barre, on partait normalement tous les deux jours ensemble, on fermait la porte ensemble.. et donc là je me barre sans Mélissa, au bout d'un moment on se retrouve dans la journée : “T'es fâchée ? Qu'est ce qui a ?”, j'ai pété un câble quoi. Je ne sais pas ce que j'ai dit.. autant je suis colérique, autant tu me dis pardon c’est fini. Donc on l’avait réglé par une discussion qui a dû durer à peu près dix minutes max.

Adélie : Ah oui, donc c’était pas une engueulade qui a duré deux heures… 

Mélissa : J’ai vraiment l’impression d’être une mauvaise personne dix ans plus tard quoi ! Tout le monde va croire que je suis méchante. 

Adélie : Mais non t'étais juste vraiment fan de Barack Obama et de cet appareil photo ! Et genre t’as oublié l’heure et t’as oublié le temps qui passe. 

Mélissa : Je me souviens, je me disais que ça allait m’arriver qu’une fois dans ma vie, que c’était fou et je n’avais pas LA bonne photo, je voulais LA bonne photo. Du coup j’étais là : “Je l’ai pas, je l’ai pas, je l’ai pas…”. 

Charlotte : Mais en quoi c'est intéressant cette histoire ? Parce que c'est une engueulade comme une autre, ou Mélissa a été une connasse tu vois, ce qu'elle n'a plus jamais été depuis. (rire) C'est la bonne nouvelle de l'affaire ! C'est que quand tu sais que tu peux t’engueuler pour de vrai avec quelqu'un et que la personne ne va pas se barrer, et qu'elle est capable de s'excuser, que tu peux lui dire les choses que t'as vraiment besoin de lui dire et que ça va pas vous séparer et que ce n'était pas vraiment une connasse puisqu'elle admettait qu'elle s'était effectivement mal comportée et que ce n'était pas bien de faire ça. Du coup il y a une espèce de confiance et de solidité dans la fondation de votre amitié, ou tu sais après que tu peux compter sur la personne et que tu peux te dire les choses.

Adélie : Ça me rassure un peu d’entendre ça, parce que s’il y a un critère que j’ai réussi à trouver pour savoir si je suis amie ou non avec quelqu’un, c’est : est-ce qu’on est capable de s’engueuler ? Et vraiment, c’est devenu un critère hyper important pour moi. Il y a des gens avec qui j’ai été en désaccord profond, des gens qui le jour où il y a eu un blocage, le jour où je me suis sentie vexée par quelque chose et que j’ai voulu en parler, ont juste refusé d’en parler. Ils ont fui. Et ça veut pas dire que ce sont des gens que je ne revois plus du tout, que je n’apprécie plus, ou qui me déplaisent. Mais ce sont des gens avec qui j’ai lâché. Si c’était impossible de parler des moments où les choses n’allaient pas, pour moi c’était le signe qu’il y avait quelque chose de bancal de cette relation. Ou en tous cas quelque chose qui pour moi l’était. 

Et c’est bien un des problèmes de l’amitié je trouve. C’est que c’est difficile de savoir si on la vit de la même manière, si on la vit avec la même intensité avec la même réciprocité. Quand je pense à ce critère de l’engueulade, je me dis qu’il est pas mal. Mais franchement, il doit bien y avoir d’autres manières de savoir qu’on est amie avec quelqu’un. Déjà parce qu’attendre que l’engueulade pointe le bout de son nez, c’est un peu déprimant comme perspective. Et aussi parce qu’il doit bien y avoir des signes positifs de l’amitié en train de se consolider. 

Saverio Tomasella : Ce qui fait que dans l'amitié, c'est un peu comme dans une relation amoureuse, on sent que l'autre envoie des signes qui confirment que cette sympathie naissante, que cet intérêt, que cette curiosité, que ce désir d'être ensemble, il est partagé. Alors ça peut être par des micros signes non verbaux : le corps, le regard etc. Ça peut être aussi par des mots qu'on dit : “Ah oui super sympa”. Il y a des choses qui vont venir confirmer, qui vont venir valider que l'intérêt est partagé, et ses validations elles vont être de plus en plus fortes, et de plus en plus nettes au fur et à mesure que l'amitié se développe, se concrétise et puis jusqu'au jour où on peut dire : “Ah toi tu es vraiment un super ami pour moi ou une super amie pour moi”. 

Adélie : Des signes non-verbaux me dit Saverio Tomasella… C’est un peu comme les chevaliers du Moyen-Âge qui s’embrassaient sur la bouche avant de partir à la guerre pour symboliser leur amitié et le fait qu’ils étaient prêts à mourir l’un pour l’autre sur le champ de bataille. C’est Anne Vincent-Buffault, l’historienne de l’amitié qui m’a parlé de ça. 

Anne Vincent-Buffault : Donc on est prêt à effectivement risquer sa vie pour sauver l'ami. Et c'est une grande joie que de risquer sa vie pour sauver l’ami. Mais on s'aperçoit aussi qu'il partage tout, ils partagent le lit, partagent le couvert etc. Ils ont une vie commune quoi.

Adélie : Bon évidemment j’exagère, je sais bien qu’en 2018, je ne vais pas aller embrasser mes amis pour dissiper le flou. Mais Anne Vincent-Buffault m’explique quand même que ce qui prime au Moyen-Âge dans les liens d’amitié, et qui continue d’ailleurs par la suite dans les couches populaires de la population, c’est l’entraide. Un ami, c’est quelqu’un qui vous aide. Quand vous avez un coup dur, quand vous devez prendre une décision importante, ou quand vous avez une question existentielle qui vous taraude… 

Comme ça a été le cas pour Charlotte, ma cheffe, et son amie Coline.

Charlotte : J'ai toujours eu peur de ne pas être normale, chacun ses névroses. Donc un jour, je trouve un string dans le dressing de ma mère et je n'avais jamais vu de string dans la maison. Donc évidemment au lieu d'en parler à ma mère, je me mets à faire des cauchemars la nuit et à me dire que ma mère est une prostituée.

Adélie : T'avais quel âge ? 

Charlotte : J'avais, j'sais pas j'avais 10 ans, j'sais pas.. 10 ans. Un truc comme ça. Et donc au bout d'une semaine de malaise total, mais vraiment de terreur absolue face à l'étendue du gâchis qu'était ma vie avec une mère prostituée sans que je le sache tu vois, je vais voir Coline en lui disant : “J'ai trouvé un string dans le dressing de ma mère”. Et Coline me dit : "Ouais ?", je dis genre :”Bah, c'est horrible non ?”. Et là on va dans le dressing de sa mère, on chope des strings et elle me dit : “Il y en a aussi dans le dressing de ma mère. Moi je suis normale, donc c'est que toi aussi t'es normale”. En fait, le principe de Coline c'est : “Je suis une personne humaine donc tout ce qui se rattache à moi est humain et donc normal”.

Adélie : Très bien je t'ai déjà entendu dire cette théorie. 

Charlotte : C'est la théorie de Coline, elle me sauve la vie chaque instant et donc en gros je m'étais dit “Okay ma mère est normale”. Et de coup, entre mes 8 et mes 26 ans, j’avais quand même ce petit truc de : “Est-ce que je suis normale ? Est-ce que c'est normal de penser à ça ? Est ce que c'est normal si machin ? Est-ce que si je suis amoureuse comme si, mais pas comme ça nanana ?”, et à chaque fois je vais voir Coline et elle me disait genre : “Moi aussi j'ai déjà ressenti ça. Donc c’est normal”.  Et vraiment c'est quelqu'un qui m'apaise depuis 25 ans. 

Adélie : Je crois que c’est typiquement le genre de questions et de doutes que je ne me serais jamais sentie à l’aise d’évoquer avec les gens qui étaient mes amis à 10 ans.

Saverio Tomasella : Il y a cette fiabilité qui fait que c'est un espace de tranquillité où c'est comme une île dans un monde agité. L'amitié c'est vraiment ça pour moi, cette image de refuge, de relations refuge où on peut être complètement soi-même, on peut être authentique sans prendre de risque.

Adélie : Donc dans cette histoire de string, il y a la question de la confiance en l’autre et celle de l’entraide. Ça nous fait déjà deux critères. 

Saverio Tomasella : Sinon il y a quelque chose de l'ordre de l'évidence, c'est-à-dire qu'on ne se pose pas de questions, on peut être simple. Voilà peut-être le troisième critère. Ce serait “évidence”, ou “simplicité”, qui vont ensemble. Les choses se passent assez naturellement finalement et on n'a pas tellement à calculer comment je vais dire ça et comment je vais faire ça. Est ce que.. non on peut vraiment se laisser aller à sa spontanéité. 

Adélie : Avoir envie de voir quelqu’un, se sentir en sécurité, libre d’être soi-même, savoir que les choses sont simples… C’est vraiment des choses que j’arrive à identifier dans les relations amoureuses, et finalement, c’est peut-être pas si différent dans les relations amicales. Quand je discutais avec ma mère de tous ces critères, elle me parlait aussi d’intention. 

Sophie : Moi je me souviens d'une période extrêmement stressante dans ma vie professionnelle, et d'ailleurs de deux périodes à dix ans d'écart à peu près où c'était des personnes différentes qui se sont manifestées, et où j'ai perçu des regards et uniquement des regards. Et quand j'ai fini de traverser ces moments de difficulté, je suis allée vers ces personnes et je les ai remerciées pour leurs regards qui m'avaient aidé à traverser cette période douloureuse. Et cet échange de regards, et le fait de l'avoir dit, fait que ce sont des gens que je ne vois pas forcément très régulièrement, mais où je sens qu'il y a quelque chose de solide parce qu'il y avait cette profonde bienveillance, cette profonde envie d'être auprès de moi et de me soutenir. L'intention, c'est quelque chose que l'on ressent. Ce n'est pas quelque chose que l'on analyse forcément de manière extrêmement formelle, rigoureuse, et en détails, mais l'intention de l'autre croisé à mon intention fait que je ressens des choses au plus profond de moi même vis à vis de cette personne, et c'est ça qui noue l'amitié. Je ne sais pas si ça va t'aider ce que je viens de te dire.

Adélie : Je ne sais pas si ça m'aide mais ça me fait réfléchir. Oui parce qu’il y a une question qui me taraude encore. Ressentir tout ça –la fiabilité, la simplicité, la sécurité –, percevoir du soutien dans un regard, ça reste des signes qu’il faut savoir lire. Ils sont souvent de l’ordre de l’implicite, du tacite, comme ce regard échangé dont parle ma mère. Et mon problème c’est justement ça, lire les signes qu’on m’envoie. Et puis ce sont des choses qu’on ressent en soi, ça nous dit des choses sur le lien qu’on est train de tisser avec l’autre, sur notre attachement à lui. Pas sur ce que cette personne ressent pour nous. 
Or, pour être ami il faut bien que ça soit réciproque ! On ne peut pas être amie toute seule. Si la personne en face ne ressent pas cette amitié envers vous, bah vous êtes pas amis, point. C’est pas comme être transi d’amour pour quelqu’un tout seul dans son coin. Comment est-ce qu’on peut être sûre qu’elle est réciproque cette amitié ? 

Saverio Tomasella : Alors on peut faire une toute petite pause? Mais une pause par rapport à vous, c'est-à-dire que vous me demandez des choses extrêmement difficiles qui à mon avis correspondent à votre tempérament. Alors c'est intéressant, mais il y a peu de gens qui essaient autant que vous d'être sûr. 

Adélie : Alors c’est probablement vrai, j’ai peut-être une légère obsession. L’amitié n’a pas de cadre, pas d’étapes délimitées, et ça me perturbe. C’est ce qui m'amène encore aujourd’hui -alors que j’ai bientôt 30 ans- à faire des déclarations d’amitié. Exactement comme au XVIIIe. Quand j’ai raconté ça à Charlotte et Mélissa, elles étaient un peu surprises. 

Charlotte : Et du coup il y a des gens que tu connais depuis des mois ou des années à qui tu dis : “Est-ce que tu crois qu'on est amis ?”
Adélie : Oui.

Charlotte : attends, et ils répondent quoi en général ? 

Adélie : (rire) Ils me répondent oui. 

Charlotte : Mais ils ne trouvent pas ça bizarre ?

Adélie. Probablement. Je crois que si, ils trouvent ça bizarre, parce que j'ai une de mes meilleures amies, Laura.. et il paraît, moi je n'en ai aucun souvenir, que je suis allée la voir en lui disant : “Salut j'ai pas d'amis, tu veux pas être mon amie ?”. 

Mélissa : (rire) C'est beau. 

Charlotte : Mais du coup, c'était au tout début. Vous étiez pas encore copines ? 

Adélie : Oui, mais il y a d'autres gens avec qui j'ai eu cette discussion après. Mais je l’ai fait y’a pas très longtemps. Je l’ai fait il y a un an ou un an et demi. 

Charlotte : ah ouais ? Avec qui ? 

Adélie : Je l'ai fait avec quelqu'un avec qui je travaillais, avec qui je m'entendais extrêmement bien, et on se voyait beaucoup au travail. Et à un moment où on buvait un thé dans l'après-midi, on était descendus chercher un thé. Et j’étais là : “Non mais en vrai, on est amis non ? Non parce que je veux dire, on n'est pas que collègue ?”, et il m'a répondu : “Oui”.  

Charlotte : Et elle t’a répondu : “Oui, mais t'es bizarre”. Ou elle a juste répondu : “Oui” ? 

Adélie : C'était un garçon mais.. mais il était mort de rire, mais il m'a répondu : “Oui”, mais après on a re-eu cette conversation deux trois fois parce que je n'y croyais pas trop.

Charlotte : Ah oui !

Mélissa : C'est fragile du coup.. 

Adélie : Alors oui ça reste fragile, mais c’est peut-être cette fragilité que je dois accepter, celle d’un sentiment sans cadre, sans institution. Donc moi qui suis à la recherche de critères faut que j'arrête d'en chercher.

Saverio Tomasella : Alors je dirai que dans tous les domaines, si on cherche des critères pour se rassurer, on ne sera jamais assez rassuré, parce qu'il n'y aura jamais les vraiment bons critères, ou suffisants critères qui nous permettront d'atteindre ce niveau de réassurance qu'on a besoin. Donc il vaut mieux avoir quelques critères qui nous font du bien. Et puis à certains moments on oublie nos critères et c'est encore mieux.

Adélie : Et c’est peut-être ce manque de cadre qui rend l’amitié aussi intéressante, aussi riche. 

Saverio Tomasella : Je dirais que quand une relation est forte, on est sûr de rien, et que c'est peut être un des paramètres à accepter dans une relation affective qu'elle soit amoureuse ou amicale. Une relation peut s’arrêter. Et donc finalement, on est sûr de pas grand chose dans une relation amoureuse ou amicale et je pense que ce n'est pas tellement la peine d'essayer de vouloir être sûr, de vouloir augmenter ses chances de certitude ou sa volonté de contrôle sur la relation, parce que finalement ça augmente l'angoisse ou en tout cas l'anxiété. Est-ce que ça se passe bien ? Est-ce que ça ne se passe pas bien ? Est-ce que ça va s'arrêter ou pas s'arrêter ? Et puis c'est un peu fatigant dans la mesure où ça nous demande de contrôler beaucoup plus de choses.

Adélie : D'accord et comment la liberté.. c'est quelque chose qu'on peut ressentir quand on est avec l'autre, ça aussi c'est un des ressentis de l'amitié ?

Saverio Tomasella : Oui c'est vrai que c'est un très bon repère d'amitié, ce ressenti où je perçois que je suis libre, que je peux dire ce que je pense vraiment, que je peux aussi dire ce que je ressens, que je peux être fragile. Je n'ai pas forcément besoin de montrer que je suis fort ou à la hauteur de tout. Je peux craquer, je peux je peux être dans le doute, tout ça tout ça existe dans l'amitié, de même que je peux être un jour particulièrement excité et dire des bêtises, m'amuser, ne pas être sérieux, c'est à dire que toutes les facettes de ma personnalité vont avoir leur place potentiellement dans une amitié 

Adélie : Bon, c’est ce que je vais essayer de faire alors : lâcher prise, oser me laisser aller à être moi-même, et arrêter d’essayer de faire rentrer mes amitiés dans des cadres. Et si on ne peut pas parler des strings de sa mère avec vos amis, bah c’est pas des amis. 


GÉNÉRIQUE DE FIN


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Les interviews ont été réalisées par Cyrielle Bedu et Adélie Pojzman-Pontay. Amel Almia et Maud Benakcha ont aidé dans les recherches. Jean-Baptiste Aubonnet, Claire Cahu et Nicolas Vercambre ont assuré la réalisation, la création sonore, l’enregistrement et le mixage de cet épisode. Nicolas de Gelis a composé la musique et Jean Mallard a réalisé l’illustration. Melissa Bounoua et Charlotte Pudlowski ont assuré la direction éditoriale et la production. Merci évidemment à tous nos interlocuteurs de nous avoir accordé de leur temps, vous pourrez retrouver leurs œuvres et leurs références sur notre site: LouieMedia.com


Émotions, c’est un lundi sur deux, là où vous avez l’habitude d’écouter vos podcasts: iTunes, Google podcast, Soundcloud, Spotify ou Youtube. Vous pouvez aussi nous laisser des étoiles et nous laisser des commentaires. Et si ça vous a plu, parlez de l’émission autour de vous !

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