Les gens qui doutent

Il y a mille manières de faire des compliments. Je me souviens d’une amie me racontant qu’un homme qu’elle voyait les dispensait toujours comme des faits, des évidences. Il disait «tu es vraiment très belle» sans sourire, sans gigoter, sans chercher de réponse, s’impatientant même si la conversation flottait un instant, comme s’il venait simplement d’énoncer un fait, la météo, quelque chose qui ne mérite en rien qu’on s’y arrête. Et ça la bouleversait. Mais sans qu’elle ne sache bien pourquoi.

Grâce à l’épisode d’Émotions cette semaine, dans lequel Marie Misset se demande pourquoi les compliments nous mettent si mal à l’aise, je crois que j’ai compris. Il n’attendait rien ce type (enfin, il attendait sans doute plein de choses, mais pas via ces compliments). Elle m’a dit oui, c’est ça, je crois qu’il semblait ne rien demander en retour et ne laissait pas d’espace pour la réponse, ni pour la gêne. Ses compliments n’étaient pas un échange, une attente de contre-don.

Peut-être qu’il y a dans les plus beaux silences les compliments contenus, ceux qui tiennent dans l’avant-mots, et s’entendent sans se dire.

Charlotte Pudlowski, cofondatrice de Louie Media.

Une voix différente

Quelles sont les questions dont vous auriez aimé avoir les réponses, ado?

Cette semaine dans Faut que je te dise (notre podcast construit pour répondre aux jeunes femmes sur leurs questions intimes justement) on s’interroge sur Pourquoi c’est toujours aux filles de s’occuper des autres? Et ça m’a donné envie de replonger dans les travaux d’une des féministes les plus passionnantes que je connaisse: Carol Gilligan. Philosophe et psychologue, elle a conceptualisé l’éthique du care.

Dans Une Voix différente (1982) elle relate notamment différents travaux sur les jeux des filles et des garçons à l’école et souligne combien «les garçons sont plus préoccupés par les règles du jeu que les filles qui, elles, le sont par les rapports avec autrui, souvent au détriment du jeu». Elle explique notamment que lorsqu’une dispute survient, les garçons débattent et réinventent les règles (ne s’interrompent jamais «plus de 7 minutes») et se remettent à jouer. Et que les petites filles abandonnent plus facilement la partie, trop inquiètes de se heurter les unes les autres. Et je me suis revue avec mon élastique orange et noir, je me suis vue dans la cour de récréation rue de la Croix-Bosset et sur le balcon avec ma soeur, les frustrations et les arrêts. Et je me suis dit: c’était possible de ne pas être bouleversé par les disputes? Il y avait d’autres êtres sur d’autres balcons et à l’autre bout de la cour, qui ne rentraient pas chez eux dévastés parce qu’une dispute avait eu lieu? Et c’était possible aussi de ne pas penser que j’étais susceptible, sensible, fragile, que simplement j’étais éduquée à être: une fille.

Carol Gilligan retient surtout qu’il est possible de repenser notre définition de ce qui est juste et de ce qui est moral: les filles ne sont pas intrinsèquement incapables d’accéder à l’abstraction de la justice de la même manière que les garçons, mais plutôt éduquées de telle sorte qu’elles sont en permanence attentives aux autres. Et Gilligan propose de refonder une éthique qui tienne compte de ces valeurs. C’était dans les années 80 et ça n’a pas eu lieu. Mais ses travaux restent. Et la possibilité - en s’informant, en posant des questions - de se souvenir que les choses pourraient être autrement que ce qu’elles sont. C’est le seul interstice nécessaire aux révolutions.

Ce que nous avons perdu sur ce terrain là nous l’avons gagné sur l’éthique du care.

Charlotte Pudlowski, cofondatrice de Louie Media.

Elle a envie de fessées. Moi de vancances

En créant Louie, je me suis découvert un problème. (Plein, en fait. Mais on va rester sur un seul aujourd’hui, je paye cher mon psy pour les autres). À savoir : un étonnant rapport au sacrifice.

Je veux dire, je savais que j’avais la culpabilité facile, tenace. Un besoin abyssal de validation. Mais je ne mesurais pas combien, en devenant cheffe d’entreprise, le problème se décuplerait. Soudain, personne ne peut décider pour vous. Il n’y a personne à qui, par exemple, demander des vacances, une augmentation, dire : trop relou cette boîte en ce moment. C’est la vôtre. Et quand vous avez besoin de validation et la culpabilité facile, il devient si facile de dire : pas de problème, si la boîte est dans une période raide, je baisse mon salaire. S’il y a beaucoup de travail, je fais l’impasse sur mes vacances.

C’est là que j’ai compris le sens du BDSM.

Repensez au succès du roman d’E.L. James “Fifty Shades of Grey”. Si Anastasia Steele a été jalousée par tellement de femmes dans le monde entier –selon mon humble avis– c’est parce qu’agenouillée devant Christian, à obéir à ses ordres, elle accède à un luxe inouï : jouir sans en avoir la moindre responsabilité (donc sans la moindre culpabilité) (on ne peut être coupable sans être responsable). Il lui dicte ses faits et gestes – après avoir bien pris soin de s’assurer de ce dont elle avait envie ou non, puisqu’ils ont parlementé, évoqué telle ou telle pratique, tel geste et tel accessoire. Il lui impose donc ce dont elle a envie.  Et il y a sur cet éventail des désirs scandaleux, des choses qu’elles n’auraient pas osé demander, des pratiques subversives pour Ana (vierge quand l’histoire commence). Il prend en charge pour elle son désir. Elle a envie de fessées. Moi, de vacances.

C’est là que j’ai compris (moins, je dois avouer, en lisant E.L. James que Manon Garcia, merveilleuse philosophe qui analyse Beauvoir et le BDSM comme personne) : il nous faut à tous un Christian Grey intérieur. (Ce qui n’empêche pas d’avoir aussi un Christian Grey extérieur. Mais au travail, c’est moins utile).

Mais d’autres personnes ont trouvé d’autres sources de réflexion. Vous pourrez les entendre dans l’épisode d’Émotions (au travail) de cette semaine : Comment lever le pied quand on est son propre patron?

N’hésitez pas à nous écrire pour nous : Comment lever le pied quand on est son propre patron?

Charlotte Pudlowski, cofondatrice de Louie Media.

La fin de la récré

On doit se mettre en rang deux par deux devant le préau et je ne sais ni quelle file rejoindre, ni quelle main serrer. Je la vois et je sais à sa manière de rigoler, à l’allure de ses canines pointues, que c’est avec elle que je veux être amie. Comment j’ai su?

Comment j’ai su, à 8 ans, dans la terrorisante cour de récréation de la rue de Longchamp que cette personne deviendrait ma famille, un morceau de moi-même, mon déclencheur de fou-rire, un aiguillon pour vivre? Comment on sait à 8 ans que les points communs que l’on se trouve, une fratrie du même nombre, des origines bretonnes, des métiers paternels, le vote de nos parents, se transformeront en points communs réels: les silences qui débordent, les malédictions factices, et une éthique commune? Est-ce que ce sont toutes ces heures à se parler, par carte postale, sur des cahiers de texte, dans des cabines téléphoniques, allongées sur la moquette de nos chambres le téléphone filaire à l’oreille, et puis sur nos portables, par note vocale, en vidéo? Est-ce que ce sont tous ces mots en commun qui construisent nos envies communes, une amitié indestructible, quelque chose qui nous faisait nous dire, encore hier après midi, trente ans et quelques mois après notre rencontre, combien on avait de la chance de s’être trouvées? Peut-être aussi était-ce la sociologie, la patience et le hasard. La chance.

Ce sont ces questions-là, qu’explore Élodie Font cette semaine dans Émotions. Marie Misset lui laisse le micro le temps d’un double épisode consacré à l’amitié et à sa longévité. Peut-on garder ses amies d’enfance toute la vie, interroge-t-elle?

Il y a des oui possibles. Doit-on encore les appeler des ami.e.s d’enfance? L’enfance n’était que le point de départ. Le chemin est d’une tendresse infinie.”

Charlotte Pudlowski, cofondatrice de Louie Media.

Comment regarder le monde

Cette semaine dans Passages, Bruno Lus nous fait entendre l’histoire d’Alice: elle entre dans une colocation, à Paris, près de Charonne. Elle vit cette vie de coloc: la joie du groupe, de trouver sa place, de l’entrain permanent (de trouver un loyer décent dans Paris…). Jusqu’à ce qu’elle se rende compte que l’un des colocataires filme des femmes à leur insu.

Cet épisode de Passages nous a fait penser au scandale récent dans les piscines parisiennes. Affaire dévoilée par Laurène Daycard, formidable journaliste spécialisée dans les violences sexistes et sexuelles, elle-même victime d’un voyeur la filmant dans des vestiaires juste après une baignade; et nous découvrions tous et toutes combien sont fréquents les actes de voyeurisme - délit institué en 2018.

«Je pense au procès des viols de Mazan », écrivit ensuite Laurène Daycard dans Le Monde. «À l’origine, Dominique Pelicot a été interpellé, en septembre 2020, parce qu’il filmait sous la jupe d’une femme dans un supermarché. Il était aussi actif sur le site Web Coco.gg, un repaire de pédocriminels et de violeurs dont la fermeture a été ordonnée par la justice en juin 2024. Que comptait faire mon agresseur de sa vidéo ? Quand, quelques heures plus tôt, il s’est barricadé dans sa cabine, a-t-il eu aussi le temps de la partager dans l’un de ces groupes Telegram qui fédèrent des dizaines de milliers de voyeurs ?»

Est-ce là, dans nos regards, que commence la violence? Dans la manière de s’autoriser à ne regarder l’autre que comme un objet?

Le voyeur de la piscine, comme Dominique Pélicot, filmait. Mais c’est un facteur aggravant; le délit ne nécessite pas de filmer, seulement «d'user de tout moyen afin d'apercevoir les parties intimes d'une personne que celle-ci, du fait de son habillement ou de sa présence dans un lieu clos, a caché à la vue des tiers, lorsqu'il est commis à l'insu ou sans le consentement de la personne». Un an d'emprisonnement; 15 000 € d'amende.

Que regarde-t-on, que filme-t-on sans avoir besoin de demander l’autorisation si ce n’est une chaise, un pot ? Est-elle déjà inscrite dans nos regards, la violence qui consiste à faire de l’autre un pot? Jusque dans la banalité de ces regards insistants dans la rue, dans un rendez-vous professionnel, sur nos fesses, sur nos seins, ces regards qui disent peu importe ce que tu ressens (est-ce qu’un pot ressent?).

Dans Le regard féminin (2020), l’essayiste Iris Brey, spécialiste du genre au cinéma, théorise le female gaze, non simplement comme un regard porté par des femmes, mais comme regard proposant autre chose que l’objectification de l’autre, comme «un régime d’images qui appellent à désirer autrement, à explorer nos corps, à laisser nos expériences nous bouleverser».

Elle analyse un certain nombre d’oeuvres, de cinéastes hommes et femmes, qui proposent d’autres manières de regarder le monde, d’envisager les corps, les liens. Et  postule que le «female gaze est un geste conscient. Il produit de ce fait des images conscientisées, politisées.» C’est presque une proposition politique, une invitation à regarder autrement: «Le regard féminin n’est pas le fruit du hasard, dit-elle, c’est une manière de penser». Sans écraser l’autre et sans le réifier.  

Charlotte Pudlowski, cofondatrice de Louie Media.

Pour un égoïsme généreux

“Il y a quelque chose dans le sacrifice de profondément féminin, écrivait Anne Dufourmantelle dans son essai La Femme et le sacrifice - dix ans exactement avant de mourir noyée, en sauvant de la noyade la fille d’une de ses amies…

Mais quel poids ce sacrifice fait-il porter? À la mère bien sûr, mais à l’enfant ensuite?

Dimanche, de toutes les mères qui recevront des dessins aux traits divagateurs, des colliers hideux et des gâteaux tordus, pensez à celles «pour qui le sacrifice est un lieu de jouissance». Anne Dufourmantelle poursuit: « La perversité consiste alors à se dire sacrifiée pour mieux prendre l’autre aux rets de son désir, et l’y soumettre entièrement. Certaines mères ont ainsi assigné leur enfant au règlement d’une dette infinie».

Ce sacrifice sublime - renoncer à soi pour l’autre - apogée mythifié de la maternité, est un enfermement tragique. Pour soi et pour l’autre pour lequel on renonce à soi.

N’y aurait-il pas un bonheur multiplié par l’autre à assumer ses propres désirs pour enseigner ensuite à l’enfant : écoute les tiens. Ne pas s’enfermer dans la jouissance sacrificielle qui consiste à se priver pour espérer être vue se privant et enfin considérée («une femme sacrificielle met en scène son sacrifice pour qu’enfin sa voix soit entendue, pour ébouler des siècles de silence et tous les coups reçus sans rien dire»). Et enseigner à l’enfant: ne pense pas en dettes. Pense en élan, en joie et en futur. Pense en plaisir. Pense à ce que tu te dois d’accomplir et non pas à ce que tu me dois.  

Lors de la fête des mères, ces mères sacrificielles pourraient décider de ne penser qu’à elles - peut-être 24H, peut-être pour le reste des temps - et peut-être s’agirait-il même de l’égoïsme le plus généreux qui soit. Pour rompre le «[sortilège] de la violence archaïque».”

Charlotte Pudlowski, cofondatrice de Louie Media.

Où est le bonheur ?

Dans son dernier numéro, le New York Times Magazine consacre sa une au bonheur, et un long article à l’évolution des recherches sur le sujet. Depuis les premières incursions dans le domaine dans les années 60 (où l’on considérait que la jeunesse et des aspirations modestes étaient la clé du bonheur) à aujourd’hui (où le bonheur s’est transformé en industrie), les travaux se sont considérablement étendus. Mais la réponse la plus fiable est finalement assez intuitive: il faut entretenir des relations fortes.

«Les mariages et les relations familiales solides rendent les gens plus heureux» remarque dans l’article la chercheuse Sonja Lyubomirsky, docteur en psychologie, professeure émérite de psychologie à l'université de Californie et grande spécialiste du sujet. Mais «ce qu'elle a trouvé de plus surprenant, c'est à quel point le fait d'avoir de petits points de contact tout au long de la journée peut être efficace pour le bonheur - et à quel point c'est réalisable, si seulement les gens pouvaient surmonter leurs propres hésitations. « Si quelqu'un me demandait quelle est la seule chose que vous pourriez faire demain pour être plus heureux, je répondrais : avoir une conversation avec quelqu'un - ou une conversation plus approfondie que d'habitude ».

Si cela rejoint les réflexions et suggestions de Marie Misset dans l’épisode d’Émotions intitulé “Faut-il se forcer à parler à des inconnus ?” (oui, forcez-vous), il me semble que cela pose aussi une autre question: comment avoir des conversations approfondies? Comment se parler véritablement? Pas simplement pour se dire des banalités mais sans torsion du langage, en essayant d’écouter, véritablement.


Charlotte Pudlowski, cofondatrice de Louie Media

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Le langage est une peau

Il a fallu se taire. Depuis toujours. Ne pas prendre trop de place, ne pas penser trop fort, ne pas trop exister. Pas de je. Il a fallu se taire, et dans ce silence-là nos désirs sont devenus fantômes.

Comment savoir ce que l’on veut si l’on ne peut le prononcer à voix haute ?
Comment connaître ses désirs si l’on n’est pas autorisées à les penser ?
Comment les inventer sans les formuler ?
Les vivre, dans le flou de soi-même ?

Il faut bizarrement des mots pour avoir un corps ; les femmes vivent coupées en deux. La maman ou la putain. Pantins sans tête, ou têtes sans corps.

Une femme écrivant ses désirs, c’’est l’antidote et la preuve des possibles, la réparation à l’or des dislocations passées.

Pour que l’on redevienne entières, non pas maman ou putain mais une maman qui baise, une putain qui pense, pour que nos désirs sortent de terre, assouvis, pour que jaillisse le plaisir, il faudra écrire nos corps.
Réinventer un langage.

C’est comme ça qu’a été créé Steamy, série de récits audio érotiques.
Aller chercher des mots là où ils s’inventent, dans le corps des écrivaines, sous leurs doigts et dans leur ventre. Des romancières cartographiant le feu des renaissances.

Et cela fut incroyablement joyeux. À chaque enregistrement en studio, nous écoutions béatement une comédienne porter en sons des énoncés nouveaux, des histoires de mères trop longtemps abstinentes, de garçons moches follement désirables, d’adultères renversés.

Et de les entendre ainsi, à voix haute, c’était comme découvrir une chorégraphie inédite, percée vers un monde dans lequel les femmes ont le droit d’exprimer leurs désirs.

Nous avons voulu dessiner ce monde, imprimer le langage de ces nouveaux possibles. Par l’écrit, rendre la permanence de ces désirs.

Vous trouverez dans ce livre six récits érotiques, six points de vue féminins, six écritures distinctes. Celle des romancières qui construisent un monde
dans lequel les femmes sont entières, corps et verbe. Et la littérature au cœur de sa dimension charnelle.

Emparez-vous de ces mots,
répétez-les,
mangez-les,
mélangez-les aux vôtres,
jubilez de leur réalité.

Jouissez.

Que nos corps dansent
sur les tombes des vieux mondes de silences.

- Charlotte Pudlowski

Ami·es pour la vie ?

Deux de mes meilleures amies attendaient leur premier enfant. C’était un 20 août et l’anniversaire de l’une quand la deuxième a perdu les eaux. La sage femme a dit: prenez votre temps. Alors elles sont venues au restaurant, comme prévu. On les a vues arriver derrière le Sacré Coeur, sur cette terrasse qui nous accueillait à la fois hilares et fébriles, émus face à la minuscule immensité de ce qui allait arriver: une nouvelle vie.

Zack est né, cela fera trois ans cet été et rien n’a changé.

Les emplois du temps bien sûr - et leur niveau de fatigue. Les déjeuners du weekend requièrent une chaise supplémentaire. Et le monde évidemment: il contient une merveille de plus.

Est-ce que c’est temporaire? Un hasard singulier ? Le fruit d’une géographie simple, de tempéraments souples? Est-ce qu’un deuxième enfant rendrait cet équilibre caduc? Les parents peuvent-ils rester, être, de bons amis?

C’est ce que Marie Misset (qui présente Émotions) et Marine Revol (Faites des Gosses) explorent dans un épisode commun aux deux podcasts cette semaine. Une question fondamentale qui en contient une autre: comment fait-on pour ne pas laisser les normes engloutir les joies dissidentes?”

Charlotte Pudlowski, co-fondatrice et présidente de Louie

Qu’est-ce qui est grave?

Je pense souvent à ce paradoxe: plus un son est grave, plus il est difficile de l’entendre. Mais un fait? Est-ce que plus un fait est grave, plus il est difficile de l’entendre? Et une fois qu’on l’entend, une fois qu’il est audible, parce qu’il est audible, semble-t-il moins grave? S’il peut être écouté, est-ce le signe que l’on a tamisé sa gravité, pour pouvoir le digérer précisément? Comment concilier ça: la gravité et le fait de dire?

Après deux mois d’auditions, la commission d’enquête parlementaire créée dans le sillage de l’affaire Bétharram, pour évaluer les dysfonctionnements dans le rôle de l’État, établit qu’ils sont immenses. Et les auditions, qui ont permis notamment d’entendre d’anciens élèves d’une dizaine d’établissements, ont permis de dénoncer des violences physiques, sexuelles, psychologiques, des scènes d’humiliation…


Peut-être faut-il, pour continuer d’entendre le grave, faire ce que l’on ferait pour affiner son ouïe: tenter d’échapper au bruit (aux sons qui s’accumulent, aux agrégats), se concentrer. Soit: réunir en un point (ce qui était dispersé). Quel point? Celui d’un individu. D’un seul enfant. Revenir à l’individualité de la violence, à ce qu’elle provoque cette simple gifle, ce coup, dans le cerveau d’un enfant, dans le corps d’une personne.

Charlotte Pudlowski, co-fondatrice et présidente de Louie

C'était pour rire

Un enfant par classe. C’est le chiffre donné par l’Éducation Nationale en matière de harcèlement scolaire. Un enfant victime par classe, c’est déjà trop. Mais on regarde rarement le contrechamp. Combien sont ceux qui harcèlent les autres ? Si cette estimation est plus difficile à établir, une chose est sûre : ce sont les autres enfants de la classe. Et ces autres enfants, ces petits êtres qui parfois sucent encore leur pouce dans l’obscurité de leur chambre, ce sont les nôtres. Nos fils surtout, plus rarement nos filles. Mais ce sont nos enfants. Cette réalité là, est dure à affronter lorsque l’on est parent.

Serait-il possible, bien que cela paraisse inimaginable, qu’harceler les autres, leur apporte tout simplement de la joie. Qu’il n’y ait rien de caché, rien à creuser, aucun silence sous la violence.

C’est la question que je pose cette semaine à Emmanuelle Piquet, thérapeute française spécialiste de la thérapie brève stratégique selon l'École de Palo Alto. Qui sont vraiment les élèves harceleurs, et puisque ce sont nos enfants, que faire, quand la famille est confrontée à la violence de l’un des siens ?”

Marine Revol, journaliste et host du podcast Faites des gosses

De la douceur

Alors que les jours s’allongent et que les températures remontent doucement, nous vous avons préparé une sélection de podcasts à écouter au soleil, casque sur les oreilles, que vous soyez en terrasse, derrière la fenêtre de votre salon, en voyage ou simplement la tête ailleurs :

🧠 Et si on vous aimait plus que ce que vous ne le pensiez ? : Pour comprendre pourquoi, en pleine saison des apéros et des barbecues, on ressort souvent d’une rencontre en se persuadant qu’on a été “nul·le”… alors que pas du tout. À écouter dans Émotions.

💒 Pas avant le mariage : Pour écouter l’histoire d’une jeune femme qui pensait avoir tout prévu, jusqu’à ce que l’amour vienne bousculer ses certitudes.  À écouter dans Il était une (toute) première fois du ELLE.

🌴 La mini-série de Passages avec Max : Pour rester dans l’univers de la série “The White Lotus” en écoutant Stella embarquer dans une croisière hors norme, Bertrand voir son escapade paradisiaque tourner au drame ou encore Julia accepter l’invitation d’une de ses clientes milliardaires à partir en vacances aux Seychelles avec elle. À écouter dans Passages.

✈️ Kalindi & Christine : Maman où t’es ? : Pour voyager tout en découvrant une relation mère-fille unique, tissée au gré des voyages et des séparations. À écouter dans Entre elles du ELLE.

En thérapie (au travail)

Un rôle flou, une reconnaissance insuffisante, un management brutal, des réorganisations à répétition, des conflits entre collègues… Autant de facteurs qui peuvent peser lourdement sur notre bien-être. Mais la souffrance n’est pas une fatalité : il existe de nombreuses façons de prendre soin de soi. Encore faut-il pouvoir nommer ce que l’on traverse pour mieux le comprendre et agir. Les avancées scientifiques, notamment en thérapies cognitivo-comportementales, mettent l’accent sur la psychoéducation : apprendre à comprendre pour mieux traverser les épreuves.”

“Dans le podcast Émotions (au travail), je reçois des salariés confrontés à des situations humaines complexes. Ce podcast ne s’adresse pas seulement aux personnes que je reçois au micro : il résonne avec toutes celles et ceux qui, un jour, ont ressenti le besoin de comprendre ce qu’ils traversent.”

Adrien Chignard, psychologue du travail

L'Amour et les forêts

“J’ai vu une amie perdre sa joie, se remettre en question sans arrêt, me raconter à demi-mots des situations où elle était dégradée – et puis ne plus le faire, parce que chaque fois, je m’alarmais, m’emportais contre son copain, lui disais de s’en aller.

Je me demandais sans arrêt : comment faire pour qu’elle sorte de cette situation ? Quelle aide lui apporter ? Quels mots employer ?

Aujourd’hui, elle n’est plus avec cette personne qui l’a abîmée. Mais elle n’est pas tout à fait délivrée.

🎧 Cet épisode d’Émotions a été pensé comme une ressource pour toutes les personnes qui se demandent si elles sont le problème.

Et pour toutes celles et ceux qui veulent leur prouver que non.”


Illustration par Jean Mallard

Souffler maintenant

L’autre soir, j’étais sur Bluesky (vous savez l’équivalent de X), j’essayais de faire face à toutes les informations qui me parvenaient. Je me suis demandée dans l’obscurité de ma chambre si une petite “fatigue informationnelle” n’était pas en train de poindre le bout de son nez. Concrètement, c'est quand vous saturez d’informations que vous trouvez anxiogènes et qui vous débordent. En 2024, 54% des Français déclarent en souffrir, tous âges et classes sociales confondues.

Je suis journaliste de formation, je n’ai pas envie d’arrêter de lire l’actualité, je ne peux pas, je ne veux pas.

Et cela me ramène à ce que la journaliste Maud de Carpentier fait entendre dans Qui croit encore pouvoir changer le monde ? Face à tout ce qu’il se passe dans ce monde, Maud interviewe celles et ceux qui prennent un temps pour l’action sociale, militante, joyeusement souvent. Et elle est aussi joyeuse à écouter car Maud est comme nous toutes et tous, parfois elle n’a pas le temps, ne prend pas le temps, mais en l’écoutant on a envie de le prendre.

Alors, si vous aussi, vous avez envie de souffler maintenant, découvrez nos épisodes qui mettent des mots là où il y a souvent du silence, avec notre playlist de la lutte :

🫂 Comment préparer les enfants au racisme ? : Entre nécessité d’avertir et volonté de protéger. À écouter dans Faites des gosses.

🤬 Que faire de sa colère ? : Comment gérer cette énergie explosive avant qu’elle ne devienne destructrice pour nous et pour les autres ? À écouter dans Émotions.

🥖 Le pain de Yaya : La lutte d’une boulangère pour la régularisation de son apprenti. À écouter dans Passages.

L’envie d’avoir envie : Comment franchir le pas et s’engager pour un changement durable ? À écouter dans Qui croit encore pouvoir changer le monde ?

💼 Moi, désobéir ? : Pour comprendre ce qu’il se passe quand un individu fait face à un ordre dont il questionne la légitimité. Une mini-série en 3 épisodes à écouter dans Émotions au travail.


Illustration par Hélène Blanc

Allumeuse et autres mythes

Quand j’avais 16 ans, j’étais persuadée que prendre la pilule du lendemain avait de fortes chances de me rendre stérile. Mais je l’avalais quand même, le boule au ventre, en croisant très fort les doigts avec mes copines pour que ce ne soit pas irréversible.

Je n’ai appris que très récemment que ce qui m’a fait culpabiliser pendant des années n’était qu’une légende urbaine.

J’ai aussi appris qu’avorter ne rend pas stérile.

illustration par Pénélope Bagieu / Louie Media

J’ai 31 ans, et aujourd’hui, mon bonheur est immense de savoir que des réponses existent pour les jeunes femmes, qui n’auront pas à entrer dans l’âge adulte dans la même ignorance que moi à l’époque. Que ces réponses sont accessibles dans des podcasts comme Faut que je te dise que Louie a sorti ce mois-ci.

On n’aurait pas cru, il y a quelques mois encore, que ce serait si subversif. Mais à l’heure où Donald Trump menace de geler les financements de la recherche si elle mentionne des mots comme “Femmes”, “injustices”, “LGBT” ou encore “égalité”, c’est bien le cas. Mais tant que nous continuerons à poser des questions, à chercher des réponses et à refuser le silence, nous serons moins seules. Et peut-être que Faut que je te dise pourra vous apporter quelques pistes.


Carla Bertone, responsable de la communication

Un podcast culotté

ça y est, Faut que je te dise est enfin disponible sur toutes les plateformes de podcasts depuis ce matin ! Mais ce n’est pas tout : pour la première fois, nous avons aussi franchi le cap de la vidéo. Vous pouvez désormais retrouver Faut que je te dise sur YouTube pour écouter les trois premiers épisodes sous forme d’animations, illustrées par Pénélope Bagieu.

Illustration par Pénélope Bagieu / Louie Media

Marine Revol a d’ailleurs pris le temps de répondre à quelques questions pour nous. Elle nous parle de son rapport à ces sujets lorsqu’elle était adolescente, de ce qui lui a manqué, et de ce qu’elle a appris en travaillant sur ce podcast.

Quelles sont les infos qui vous ont manquées, petite ? Qu'est-ce que vous auriez aimé savoir plus tôt ?

Qu’est-ce qui vous a frappée dans la manière dont les jeunes femmes s’informent aujourd’hui ?

La vie devant soi

En mars, Louie Media et le magazine Elle sortent un nouveau podcast : Faut que je te dise. Il a été imaginé pour les filles du monde entier, pour qu’elles puissent écouter entre elles, ou seules, sans rien dire à personne, avec toute la confidentialité qu’un podcast permet, les réponses fiables à leurs vraies questions. Marine Revol (que vous connaissez comme host de Faites des gosses) a fouillé toutes les réponses pour elles, et sa voix a été clonée dans neuf autres langues grâce à l’IA, pour permettre de toucher toutes les jeunes femmes d’Italie, du Brésil ou de Pologne.

Que faire lorsque l’on se demande si la forme de son sexe est normale ? L'avortement peut-il rendre stérile ? Comment savoir si l’on est amoureux ? Ou encore, que faire lorsqu’on doute du consentement dans une relation ?

Illustration par Pénélope Bagieu / Louie Media

Ce podcast sort le 4 mars, et nous comptons sur vous pour le relayer, le faire connaître.


Amour toujours

“ C’est quoi ce bordel avec l’amour là ? Comment ça se fait qu’on devient dingue à ce point ? T’imagines le temps qu’on passe à se prendre la tête là-dessus ?”

Si, comme Xavier, et alors que vous venez de passer, seul ou accompagné.e, la Saint-Valentin, vous vous posez mille questions, vous pouvez décider d’aller voir le dernier volet de Bridget Jones au cinéma ou bien (plus judicieux) écouter notre sélection d’épisodes qui explorent toutes ses nuances et ses formes, de l’amour familial à l’amour de soi.

💌 Les interdites de Lyon : Quand une relation prof-élève dépasse les cadres établis. À écouter dans Passages.

Illustration par Léa Taillefert

💔 Comment se sépare-t-on ? : Quand un amour à distance échoue à surmonter la vie à deux. À écouter dans La Maladie d’amour.

🌟 La confiance en soi, comment peut-on apprendre à la ressentir : Pour comprendre comment ça se passe dans la tête de celles et ceux qui entrent dans une pièce et captent l’attention immédiatement. À écouter dans Émotions.

🫂 God save nos mères : Quand l’amour maternel devient un refuge essentiel après la naissance. À écouter dans Faites des gosses.

Coup de foudre à Berlin

Imaginez : vous avez 17 ans, c’est votre voyage de classe à Berlin, et sans prévenir, le coup de foudre. Un·e élève d’une autre école, un regard échangé, une évidence. Mais la vie suit son cours, vous habitez loin l’un·e de l’autre et finissez par perdre contact.

⏳ Neuf ans passent. Vous avez chacun construit votre vie, trouvé quelqu’un d’autre. Puis un jour, la vie vous remet face à face. Et là, c’est comme si rien n’avait changé.

🎥 Ce n’est pas une scène de film, mais l’histoire vraie de Tristan et Clémence.

🎧 Pour la découvrir, écoutez le dernier épisode de Passages : “Coup de foudre à Berlin” sur votre application de podcast.