Elle a envie de fessées. Moi de vancances
/En créant Louie, je me suis découvert un problème. (Plein, en fait. Mais on va rester sur un seul aujourd’hui, je paye cher mon psy pour les autres). À savoir : un étonnant rapport au sacrifice.
Je veux dire, je savais que j’avais la culpabilité facile, tenace. Un besoin abyssal de validation. Mais je ne mesurais pas combien, en devenant cheffe d’entreprise, le problème se décuplerait. Soudain, personne ne peut décider pour vous. Il n’y a personne à qui, par exemple, demander des vacances, une augmentation, dire : trop relou cette boîte en ce moment. C’est la vôtre. Et quand vous avez besoin de validation et la culpabilité facile, il devient si facile de dire : pas de problème, si la boîte est dans une période raide, je baisse mon salaire. S’il y a beaucoup de travail, je fais l’impasse sur mes vacances.
C’est là que j’ai compris le sens du BDSM.
Repensez au succès du roman d’E.L. James “Fifty Shades of Grey”. Si Anastasia Steele a été jalousée par tellement de femmes dans le monde entier –selon mon humble avis– c’est parce qu’agenouillée devant Christian, à obéir à ses ordres, elle accède à un luxe inouï : jouir sans en avoir la moindre responsabilité (donc sans la moindre culpabilité) (on ne peut être coupable sans être responsable). Il lui dicte ses faits et gestes – après avoir bien pris soin de s’assurer de ce dont elle avait envie ou non, puisqu’ils ont parlementé, évoqué telle ou telle pratique, tel geste et tel accessoire. Il lui impose donc ce dont elle a envie. Et il y a sur cet éventail des désirs scandaleux, des choses qu’elles n’auraient pas osé demander, des pratiques subversives pour Ana (vierge quand l’histoire commence). Il prend en charge pour elle son désir. Elle a envie de fessées. Moi, de vacances.
C’est là que j’ai compris (moins, je dois avouer, en lisant E.L. James que Manon Garcia, merveilleuse philosophe qui analyse Beauvoir et le BDSM comme personne) : il nous faut à tous un Christian Grey intérieur. (Ce qui n’empêche pas d’avoir aussi un Christian Grey extérieur. Mais au travail, c’est moins utile).
Mais d’autres personnes ont trouvé d’autres sources de réflexion. Vous pourrez les entendre dans l’épisode d’Émotions (au travail) de cette semaine : Comment lever le pied quand on est son propre patron?
N’hésitez pas à nous écrire pour nous : Comment lever le pied quand on est son propre patron?
Charlotte Pudlowski, cofondatrice de Louie Media.