Assieds-toi près de moi, Coco

À la mort de Gisèle, Hanaë, sa petite fille, est désarçonnée. Gisèle avait toujours dit qu’elle rejoindrait son mari au cimetière Saint-Pierre de Marseille, où elle avait même acheté une parcelle. Pourtant, dans la dernière ligne droite, elle fait volte-face et choisit de se faire incinérer à la pagode de Marseille, de revenir à ses racines bouddhistes et vietnamiennes. La famille d’Hanaë assiste à une cérémonie dont elle ne comprend ni les rites, ni la langue. C’est ça, être intégré.e.s ? Découvrir son aïeule à sa mort et ne pas avoir les codes pour lui dire adieu correctement ? Hanaë Bossert décide de partir en quête pour comprendre pourquoi sa grand-mère a gardé ses origines, sa culture et son histoire distantes si longtemps. Et en tirant le fil de l’histoire de Gisèle, Hanaë fait pour la première fois face à la grande Histoire et à ses amnésies. 

Pour tenter de combler les trous dans l’histoire trouble et fragmentée de Gisèle, Hanaë Bossert décortique le contexte historique dans lequel sa grand-mère a grandi. Elle cherche à comprendre ce que c’était que d’être une adolescente orpheline qui devient la compagne d’un militaire français au moment de la guerre d’Indochine. C’est Kim, née “pupille de la nation”, qui l’aide à reconstruire ce récit. Hanaë Bossert rencontre également Christopher Goscha et Alain Ruscio, historiens, qui nous aident à comprendre pourquoi les mémoires de l’une des guerres de décolonisation les plus violentes du XXe siècle peinent à émerger. 

En 2018, quelques mois après le décès de Gisèle, Hanaë Bossert et sa mère vont au théâtre voir “Saïgon”, une pièce de Caroline Guiela Nguyen. Sur scène, un des personnages, une femme vietnamienne, fait un ictus amnésique : elle ne sait plus si elle est à Saïgon ou à Paris, et elle parle en vietnamien, alors que ses enfants français, complètement perdus, n’en comprennent pas un mot. 

Les ictus amnésiques sont l’une des conséquences de l’exil. On a essayé d’enfouir le passé pour avancer, mais parfois, il rejaillit sans crier gare. Qu'est-ce qui s'est joué au moment de l'arrivée en France, pour que tout soit mis sous le tapis ? Et comment est-ce que les descendants ont appris à vivre avec ?  

Est-ce que les mémoires d’Indochine peuvent encore être sauvées ? C’est ce à quoi travaillent les descendant·e·s d’exilé·e·s vietnamien·ne·s. Les questionnements identitaires des descendant·e·s sur plusieurs générations ouvrent des espaces de discussions qui, par ricochet, permettent de faire tomber le siège de l’oubli, et de tisser des appartenances multiples. Dans ce dernier épisode de Ma Tonkinoise, Mélanie Hong, fondatrice d’Asiattitudes, Caroline Guiela Nguyen, metteuse en scène, mais aussi Kim et sa fille Maeli, parlent de la nécessité et du soulagement d’être enfin raconté·e·s.

Ma Tonkinoise est une saison du podcast Injustices de Louie Media. Les épisodes ont été tournés et écrits par Hanaë Bossert. Anna Buy en a fait la réalisation. La musique est de Michael Liot, avec la participation de Saigon Soul Revival. Louise Hemmerlé est à la production, accompagnée d’Elsa Berthault, de Kiana Von Schoen, de Natacha Avram, Mélissa Bounoua et Charlotte Pudlowski. 

Cette série documentaire a reçu l'aide sélective aux autrices et auteurs de podcasts et de créations radiophoniques du Ministère de la Culture. 

Découvrez Ma Tonkinoise, la nouvelle saison d'Injustices

"Ma Tonkinoise", reprise par Joséphine Baker, c'est la chanson que fredonnait souvent Gisèle, la grand-mère de Hanaë. Cette chanson, qui est censée être la chanson d'amour de jeunesse de Gisèle, raconte en fait la réalité coloniale de la relation entre un homme français et sa conquête vietnamienne. En tirant le fil de son histoire familiale, de Saigon en 1954 à Marseille en 2024, Hanaë se confronte à l’amnésie et ses conséquences, comme l’oubli de la langue, des rites, de la culture et finalement des mémoires historiques et intimes. Alors est-il encore possible de sauver les mémoires de l'Indochine française ? Injustices revient avec une nouvelle saison, Ma Tonkinoise, de Hanaë Bossert, dès le 1er février 2024.