Pour un égoïsme généreux

“Il y a quelque chose dans le sacrifice de profondément féminin, écrivait Anne Dufourmantelle dans son essai La Femme et le sacrifice - dix ans exactement avant de mourir noyée, en sauvant de la noyade la fille d’une de ses amies…

Mais quel poids ce sacrifice fait-il porter? À la mère bien sûr, mais à l’enfant ensuite?

Dimanche, de toutes les mères qui recevront des dessins aux traits divagateurs, des colliers hideux et des gâteaux tordus, pensez à celles «pour qui le sacrifice est un lieu de jouissance». Anne Dufourmantelle poursuit: « La perversité consiste alors à se dire sacrifiée pour mieux prendre l’autre aux rets de son désir, et l’y soumettre entièrement. Certaines mères ont ainsi assigné leur enfant au règlement d’une dette infinie».

Ce sacrifice sublime - renoncer à soi pour l’autre - apogée mythifié de la maternité, est un enfermement tragique. Pour soi et pour l’autre pour lequel on renonce à soi.

N’y aurait-il pas un bonheur multiplié par l’autre à assumer ses propres désirs pour enseigner ensuite à l’enfant : écoute les tiens. Ne pas s’enfermer dans la jouissance sacrificielle qui consiste à se priver pour espérer être vue se privant et enfin considérée («une femme sacrificielle met en scène son sacrifice pour qu’enfin sa voix soit entendue, pour ébouler des siècles de silence et tous les coups reçus sans rien dire»). Et enseigner à l’enfant: ne pense pas en dettes. Pense en élan, en joie et en futur. Pense en plaisir. Pense à ce que tu te dois d’accomplir et non pas à ce que tu me dois.  

Lors de la fête des mères, ces mères sacrificielles pourraient décider de ne penser qu’à elles - peut-être 24H, peut-être pour le reste des temps - et peut-être s’agirait-il même de l’égoïsme le plus généreux qui soit. Pour rompre le «[sortilège] de la violence archaïque».”

Charlotte Pudlowski, cofondatrice de Louie Media.