Qu’est-ce qui est grave?
/Je pense souvent à ce paradoxe: plus un son est grave, plus il est difficile de l’entendre. Mais un fait? Est-ce que plus un fait est grave, plus il est difficile de l’entendre? Et une fois qu’on l’entend, une fois qu’il est audible, parce qu’il est audible, semble-t-il moins grave? S’il peut être écouté, est-ce le signe que l’on a tamisé sa gravité, pour pouvoir le digérer précisément? Comment concilier ça: la gravité et le fait de dire?
Après deux mois d’auditions, la commission d’enquête parlementaire créée dans le sillage de l’affaire Bétharram, pour évaluer les dysfonctionnements dans le rôle de l’État, établit qu’ils sont immenses. Et les auditions, qui ont permis notamment d’entendre d’anciens élèves d’une dizaine d’établissements, ont permis de dénoncer des violences physiques, sexuelles, psychologiques, des scènes d’humiliation…
Peut-être faut-il, pour continuer d’entendre le grave, faire ce que l’on ferait pour affiner son ouïe: tenter d’échapper au bruit (aux sons qui s’accumulent, aux agrégats), se concentrer. Soit: réunir en un point (ce qui était dispersé). Quel point? Celui d’un individu. D’un seul enfant. Revenir à l’individualité de la violence, à ce qu’elle provoque cette simple gifle, ce coup, dans le cerveau d’un enfant, dans le corps d’une personne.
Charlotte Pudlowski, co-fondatrice et présidente de Louie