Retranscription - Désobéissance religieuse

Musique de générique

Maureen Wilson

Est ce que vous vous souvenez de la première fois quand, adolescent adolescente, vous avez fait un choix vestimentaire qui s'écartait des goûts de vos parents? Le regard d'horreur de votre mère, quand vous avez pointé du doigt l'énorme père de Buffalo, compensée dans la vitrine du magasin de chaussures. Et la déception dans les yeux de votre père, quand il a compris que la période où vous étiez leur poupée à lui et votre mère était terminée. Qu'avez vous ressenti? Avez vous eu le sentiment de les décevoir avec ce choix de chaussures inattendu? Peut être même de les trahir...  En osant affirmer des goûts différents des leurs et ce jour, vous avez annoncé à toute la famille que vous, vous feriez de la batterie alors que toute votre famille joue du piano ou du violon à la limite.

Que se passe t'il quand un des membres d'une famille décide de prendre une autre route que celle déjà tracée? Comment fait-on pour trouver son identité sans casser l'équilibre familial et toutes les croyances sur lesquelles il se fonde? Cette semaine, dans Passages, une histoire de famille et d'identité. Et pour plus de clarté, je vous en présente les personnages principaux : Emmanuelle d'abord, Christine, sa mère. Elisabeth, la sœur de Christine et la tante d'Emmanuelle donc . Ces deux dernières, Christine Zabeth ont des voix assez semblables, mais vous allez vite le voir, elles n'ont pas exactement le même discours. Cet épisode est de Léna Coutrot.

Je suis Maureen Wilson.

Charlotte Pudlowski

Je suis Charlotte Pudlowski

Bienvenue dans Passage.

Christine

Emanuelle est une personnalité très entière. Quand elle est dans un projet, elle y est totalement. C'est une femme très passionnée qui s'investit à fond dans les hommes qu'elle aime.

Zabeth / Elisabeth

Elle tombe amoureuse d'un garçon qui travaille avec les sans papiers. Elle se lance dans la défense de sans papiers, d'associations.

Christine

Un aristot, elle passe son permis de chasser. Elle chasse. Un garçon très investi dans l'activité de théâtre, elle laisse tomber ses études pour (rire) faire du théâtre.

Zabeth / Elisabeth

C'est quand même un enthousiasme qui peut parfois même mettre mal à l'aise tellement il est fort.

Christine

Elle cherche à s'épanouir en collant à la réalité des autres. C'est une magnifique capacité d'adaptation

Zabeth / Elisabeth

Mais en même temps, je pense qu'il faut aussi faire attention à ne pas se fondre dans ce nouvel environnement.

Emmanuelle

Enfant, ado ou adulte, ma mère Christine valorise toujours la capacité de s'adapter. Pour une bonne compréhension, d'où on est et de qui on a en face de soit. Et donc de la façon dont il faut se comporter.

Je grandi dans un immeuble situé dans le quartier Montparnasse, rue Boissonade. Un immeuble dans lequel une grande partie de la famille vit. En tout cas, ma grand mère Mia, ma mère, mes frères, mon père et mes tantes.

Zabeth / Elisabeth

Quand Emmanuel naît, j'ai 12 ans et je demande à Christine si je peux être sa marraine.

Christine

Je suis chrétienne et catholique parce que je suis née dans une famille catholique. La religion, c'est l'armature de la personnalité. Le jour de mon mariage, c'est un mariage religieux. Ça ne se conçoit pas de se marier autrement que religieusement. Et Elizabeth est la lectrice ce jour-là.

Zabeth / Elisabeth

On va à la messe tous les dimanches. Un foulard sur les cheveux. Catéchisme heu...Mon frère est en forme de cœur et qu'on est vraiment une famille pratiquante, assez... Asse forte.

Emmanuelle

Zabeth, c'est la petite sœur de ma mère, christine. Elle a épousé la Ligue communiste révolutionnaire plus que (rires) le catholicisme.

Zabeth / Elisabeth

A 14 ans, il y a des lectures qui font que je commence à réfléchir sur la signification de la religion. J'ai des copines communistes. Je vis dans un autre monde que ma sœur, c'est certain. Plus rebelle que ma sœur

Emmanuelle

J'ai un souvenir. Adolescente, je suis malade. Je garde le lit pendant une semaine et maman travaillant, je suis chez Zabeth et elle s'occupe de moi, me prépare des repas. Toutes les générations se mélangent, se croisent. J'y passe donc toute mon enfance.

Zabeth / Elisabeth

Je garde beaucoup Emanuelle et Mia aussi était présente. Sa mère est encore étudiante. Une situation pas facile du tout.

Emmanuelle

Je me confie énormément à ma grand mère, à Mia. Un jour, elle me prend entre quatre yeux et elle m'explique que si je dois avoir un copain et que ça doit aller plus loin, (rires) il faut d'abord que j'aille au Planning familial, prendre un contraceptif, que c'est extrêmement important. Me protéger. Sans tabou.

Je quitte l'immeuble lorsque je commence à travailler. Je suis à l'époque avocate, jeune avocate. En 2000, je rencontre mon futur mari avec qui je vais avoir deux enfants : Gustave et Léonard. Deux, deux garçons jumeaux. Henri vient d'une famille aristocratique attachée aux traditions. Donc à huit mois, Gustave et Leonard sont baptisés . On se sépare en 2007. Gustave et Léonard ont cinq ans et moi, j'ai 37 ans.

Je rencontre Maurice lors d'une soirée organisée par une de mes amies qui est artiste plasticienne pour présenter son travail. C'est lors d'une de ces soirées que je rencontre Maurice qui me fait un effet, un effet fou ! (rires) On passe toute la soirée à discuter ensemble, à se découvrir.

Alors je n'ai pas de nouvelles tout de suite de Maurice. C'est seulement quelques jours plus tard que l'ami plasticiennes chez qui on s'était rencontrés m'appelle et me dit Est ce que tu veux venir à déjeuner chez Maurice? Je suis au bureau, je n'ai rien prévu pour le déjeuner et je suis extrêmement contente de cet appel. Donc je réponds que oui, je me précipite chez moi pour me préparer et je déjeune chez Maurice avec notre Julieta. On échange nos numéros de téléphone et là, je m'attends à ce qu'il m'appelle très rapidement. Mais il se passe une dizaine de jours et donc moi, je reste sur cette impression qui s'est vraiment passé un truc fort entre nous, mais que rien ne se passe.

Après dix jours, il me rappelle enfin. En fait, Maurice est parti en Israël. Il est persuadé avoir parlé, mais en fait, il n'a pas du tout parlé et il me propose d'aller dîner le soir même. On décide de se retrouver à la Closerie des Lilas, qui entre chez lui et chez moi. Depuis ce dîner, on ne se quittent plus. Tout va très vite avec Maurice. Au bout de quelques semaines, on décide de se marier, d'avoir des enfants, de construire notre vie ensemble.

Il me précise que pour lui, c'est très important que ses enfants soient juifs. Il vient d'une famille très attachée au judaïsme, donc il n'est pas question que des enfants ne fassent pas partie de cette tradition. Le judaïsme passe par la mère. Donc il faudrait que je me convertisse. On va voir un rabbin qui m'explique ce à quoi il faut que je me plie pour me convertir au judaïsme. Pour être reconnue par le Consistoire comme juif, c'est deux années d'apprentissage. L'histoire du peuple juif, ses traditions, les fêtes qui rythment le calendrier toute l'année, la liturgie, l'hébreu moderne, transformer complètement son mode de vie, s'engager à continuer à étudier après la conversion et kachériser sa maison. Je lui pose la question "et est ce que le fait de ne pas croire en Dieu est un obstacle à la conversion?" Et là, il me répond "Bien sûr que non, vous n'avez pas besoin de croire en Dieu pourtre juive". Sa réponse me surprend et peut être soulage aussi.

La première personne à qui il faut que je parle est ma mère, Christine. On déjeune à côté de son bureau, au Cercle Interallié, rue du Faubourg-Saint-Honoré, un lieu dans lequel on déjeune régulièrement ensemble. C'est le mois de mai. Il fait très beau, donc on décide de déjeuner sur la terrasse qui surplombe ce jardin magnifique. On s'installe à une table, sous  un parasol, et il faut que je me lance. Mais ce n'est pas évident, c'est pas facile. Je pressens qu'elle ne va pas être très enthousiaste à l'annonce. Elle va évidemment trouver que cette décision de se marier est très précipitée et qu'on va beaucoup trop vite. Et j'ai le pressentiment aussi que le fait que Maurice soit juif ne lui plaise pas.

On commande des asperges, des asperges avec une sauce hollandaise et je me lance. Je lui annonce qu'on a décidé de se marier à la mairie avec Maurice au mois de septembre suivant.

Christine

Non, je n'ai pas de souvenir particulier de l'annonce de son mariage. Qui me, enfin qui ne me fait pas plaisir. Son mari est assez sombre et ce n'est pas quelqu'un avec lequel j'ai une empathie immédiate. Mais c'est sa vie et je respecte. Je m'abstiens de tout jugement ou de tout commentaire.

Emmanuelle

Et là, elle me répond : "et pour la religion, comment vous allez faire?" Je suis hyper surprise ! Je ne pensais pas du tout qu'elle allait mettre ça en avant comme ça. Je réponds "on a été voir un rabbin qui m'a expliqué que il fallait que je me convertisse au judaïsme parce que Maurice est importante, les enfants que nous aurons soient juifs". Et là...

Zabeth / Elisabeth

Je lui dit "Il n'y a aucun problème, tu es aussi juive que lui. Voilà...Si tu as besoin de dire que tu es juive, tu peux très bien le dire sans aucun problème".

Emmanuelle

Elle m'en dit pas plus... Ce qui m'interdit en fait ! Ce qui m'interdit de lui poser plus de questions. Je me sens interdite...

Après ce déjeuner, je prends un taxi pour la gare du Nord parce qu'il doit retrouver Maurice qui est à Londres pour le boulot. Je prends mon téléphone et j'appelle Maurice pour lui répéter ce que ma mère vient de me révéler. Maurice est hyper surpris. Je monte dans l'Eurostar, une place un peu à l'écart, parce que j'ai vraiment besoin de faire le point sur ce que signifie cette information dans l'histoire de la famille et dans comment lire cette histoire... Ma mère est juriste et si ma mère me dit "tu es juive", ça veut dire qu'elle l'est, que ma grand mère l'est. Elle sait.

Christine

On la toujours su ! C'est quelque chose d'inné. C'est quelque chose qu'on porte en nous depuis toujours.

Emmanuelle

Penser que ma grand mère est juive et ne me l'ait pas dit, ça me parait invraisemblable.

Zabeth / Elisabeth

Déjà bon... sa famille, elle n'en parlait pas. Et à partir de la mort de mon père, on ne parlait pas de mon père ! Malgré sa volonté toujours affichée de parler de tout et de ne pas avoir de tabou. En fait, elle l'était quand même la reine de la non-communication

Emmanuelle

En fait, j'ai très, très peu d'informations sur les parents, mais surtout sur les grands parents de Mia. Aucune idée de leurs origines, du lieu où ils vivaient, de leur religion, du milieu. Ce qui est sûr, c'est que si ma mère m'a dit ça, c'est que... C'est que c'est vrai.

Dès mon retour de Londres, je suis invitée à déjeuner chez Mia. Donc j'arrive rue Boissonade. Je sonne. Elle m'ouvre. Je ne vois personne en haut des escaliers. Je monte les escaliers. Je rentre dans l'appartement. Personne non plus. Et là, je l'entends, elle est sur la mezzanine, au dessus. Une mezzanine aménagée en petit salon. Et elle m'attend assise sur le canapé. Je monte et je m'installe en face d'elle, dans un petit fauteuil. On est assez proche du sol. On se fait face. Il fait très beau. Je me sens bien. C'est le petit salon dans lequel on regarde la télévision. J'y ai passé beaucoup de temps. Là, je lui annonce qu'on a décidé de se marier au mois de septembre qui suit. Et elle me dit "Mais, mais pourquoi se marier si vite? Pourquoi se marier?" Je lui réponds "Je suis sure de moi", que Maurice est l'homme de ma vie et on veut avoir des enfants ensemble et donc qu'on a décidé de se marier rapidement. Et enfin, je lui demande de me faire un arbre généalogique et elle me dit "J'ai très peu d'informations sur mes grands parents. Mes parents m'en ont très, très peu parlé. Ce que je sais, c'est que ma grand mère, Alice Kuppenheim, est née à Lyon dans les années 1860 et quelques et elle est catholique. Je me sens déçue... De cette réponse qui ne concorde pas avec ce que Christine m'a dit.

Je ne peux pas rester devant ces incohérences. Il faut que je sache. J'ai le sentiment très fort à ce moment là que les réponses, il va falloir que je les trouve. Seule la résistance de Mia, elle, est palpable.Je sais que ça ne va pas être simple. J'ai la certitude qu'elle me dira rien de plus. On déjeune et je retourne chez moi... Je vois Maurice, je lui propose de regarder le film qui avait été tourné à l'occasion des 80 ans de Mia. C'est une forme de mémoire au format vidéo. On visionne le film.

Archive Mia

Mes parents ont très peu parlé de leurs propres parents. Je ne sais pas grand chose et je n'ai jamais posé de questions. Alors pourquoi? Je ne sais pas.

Emmanuelle

Il y a seulement quelques très courtes minutes au cours desquelles Mia raconte qui étaient ses parents et ses grands parents.

Archive Mia

Si on me dit est ce que tu as eu des origines juives? Je dis peut être, mais ça ne m'a jamais marqué. Je n'ai jamais été marqué par ça.

Emmanuelle

Elle dit que très probablement, du côté paternel, il y a des origines juives, mais que ces grands mères sont catholiques et protestantes.

Archive Mia

Et ça, c'est quelque chose qu'il m'est difficile de faire comprendre à mes enfants. C'est que pour moi, le mot juif n'existait pas. C'est pour ça que j'ai du mal. Mais bon, ça ne m'était pas... Bon, alors ça je voudrais le dire parce que c'est quelque chose qui est un peu particulier, peut être à ma famille voilà.

Emmanuelle

Ce qui marque, c'est le nombre d'approximations. "Je ne sais pas". "Ça n'a pas marqué", "etc". Ce qui n'est pas du tout sa façon de s'exprimer d'habitude. Donc on sent une résistance très forte.

Quatre mois après ce déjeuner, on se marie à la mairie du 6ème arrondissement avec Maurice. Donc on est au mois de septembre et au mois de novembre, je suis enceinte d'une petite fille, Hannah, qui va naître au mois d'août 2008. J'ai mis de côté mes recherches. Je n'étais pas encore prête à braver l'interdit, à désobéir, m'attaquer à un tabou transmis depuis au moins une génération.

Zabeth / Elisabeth

Mia m'a jamais parlé de ses origines familiales juives. Moi non plus, je posais pas tellement de questions parce que je n'avais pas de doute ou de curiosité là dessus. Mais même mes sœurs aînées n'ont jamais parlé directement avec elles de ça.

Christine

L'origine juive de famille, c'est quelque chose dont on ne parle pas. Mais ce n'est pas quelque chose qui est caché.

Zabeth / Elisabeth

Il n’y a vraiment qu'Emmanuelle qui ait mis les pieds dans le plat de façon... Spectaculaire !

Emmanuelle

Dans un carnet rédigé par le mythe Maia, le père de ma mère Christine. Il écrit que Christine a 10 ans, demande à sa mère, à Mia, si c'est vrai qu'ils sont juifs. Son père répond à la place de Mia que ce n'est pas une question qu'on pose et qu'elle n'a pas à creuser le sujet. Christine a sans doute intégré que ses origines devaient rester tues.

Christine

Personne n'a honte d'une origine quelconque. Personne n'est là à vouloir se voiler la face de quelque chose qui serait inavouable. C'est absurde.

Emmanuelle

Donc, Hannah nait et trois mois après sa naissance, je suis à nouveau enceinte, mais cette fois ci d'un garçon. Lorsque j'apprends que c'est un petit garçon, il devient urgent de savoir si je suis ou pas juive.

Suivant la tradition juive, pour ce petit garçon soit circoncis, j'ai deux solutions : soit je me convertis, ce qui n'est pas une option pour moi. Soit je fais des recherches et je fais reconnaître mon statut par le Consistoire. Me convertir, c'est renier une partie de l'héritage qui m'a été inculqué et transmis par ma mère.

En janvier 2010, je suis enceinte de trois mois. Je m'installe dans mon bureau devant mon ordinateur et je tape sur la barre de recherche Google. Etat civil, ville de Lyon.

Léonard

A l'époque où maman commence ses recherches avec Gustave, on a entre 7 et 9 ans. Moi, je ne suis pas du tout croyant. Aucun intérêt pour la religion, aucune croyance. On ne s'intéresse pas vraiment au pourquoi de l'histoire. C'est des choses qui ne nous parlent pas vraiment à cet âge là. C'est des histoires de religion. On la voit travailler tous les jours sur la même chose. Je ne comprends pas vraiment

Emmanuelle

Alors que je cherche cette Alice Kuppenheim, j'ai un sentiment partagé. Je crains autant de la découvrir catholique que juive. Parce que cette judaïté ne m'a pas été révélée par Mia, qui, j'allais dire qui s'en est défendue, mais oui.. Qui s'en est défendue et qu'on n'a pas envie de contredire une autorité morale, affective. Je n'ai pas envie de la décevoir. Je n'ai pas envie de lui manquer d'estime. Donc je suis dans cette ambivalence mais je cherche. Donc, après plusieurs heures à parcourir commeça, cet état civil, j'ai les yeux rougis, je suis fatiguée. La position assise devient pénible. Et là, enfin, je tombe sur Kuppenheim. Je zoome sur l'acte de naissance et je lis. "Le 5 décembre 1863, à deux heures du soir, par devant nous, a comparu le sieur Joseph Kuppenheim, négociant à Lyon, lequel a présenté un enfant du sexe féminin né de lui comparant deux Jenny Levy, 29 ans, sans profession, son épouse auquel, enfant, on a donné le prénom d'Alice Valérie".

Jenny Levy, je réalise combien c'est fou. Avec ce patronyme de Levy. Plus de doute possible, c'est le premier pavé dans la mare. Je vais pouvoir monter un dossier pour faire reconnaître ma judéité. Je clique sur l'icône Imprimer. Je relis, je relis, j'en reviens pas.

Léonard

Ce dont je me souviens clairement, c'est ma mère qui me dit "on a des racines juives" et ma grand mère qui essaie de nous orienter vers une réponse différente.

Christine

Enfin moi, je n'ai aucun désaccord avec Emmanuelle ! Emannuelle vit sa vie, vit ses fantasmes, heu... Fonce dans la direction qu'elle veut mais... Non seulement c'est moi qui lui dit ce qu'elle va trouver, je lui dit qu'il n'y a aucun problème sur le judaïsme de la famille. Si elle est en conflit avec moi, moi, je ne suis jamais en conflit avec elle !

Léonard

Même du haut de nos sept ans, on se rend compte qu'on est pris entre deux feux et qu'on essaie de nous nous faire rentrer dans un camp.

Christine

Mais les jumeaux, c'est pas leur problème. Les jumeaux, ils s'en fichent !

Léonard

On se rend compte que tout le monde est en train de juger notre mère. On nous fait rentrer dans la tête que notre mère, elle, a une lubie pour le judaïsme. Donc qu'un peu... On la fait un peu passer pour une folle auprès de nous quoi. Je pense que c'est à ce moment là que ça commence vraiment à nous travailler avec mon frère. On a l'impression d'être des instruments.

Zabeth / Elisabeth

J'entends parler des recherches d'Emanuelle par ma sœur. Ça m'agace un petit peu. Pour moi, c'est la démarche d'une personne qui se soumet aux desiderata de son mari et une volonté très patriarcale du père qui veut que ses enfants soient juifs et sans tache et sans reproche. Et que pour cela, la mère doit être juive. Je pense que c'est surtout ça qui m'agace fortement.

Emmanuelle

Au delà de la nécessité de monter un dossier pour le Consistoire, l'enjeu à ce moment là est surtout de mieux connaître cette famille. J'ai envie d'en savoir plus. Pourquoi la famille s'est éloignée du judaïsme? J'ai envie de comprendre. Parce qu'il y a eu silence. Il y a une chape de plomb. Et sur le site internet de la Grande synagogue de Lyon, il y a tout un article sur Joseph Kuppenheim, qui a été président du Consistoire pendant 16 années.

Speaker 4

Il s'agit d'une lignée rabbinique qui remonte au 18ème siècle. Je me rends compte donc que mon trois fois arrière grand père est le fondateur d'une communauté juive extrêmement importante à Lyon. C'est aussi l'un des fondateurs de cette grande synagogue. Ce qui me surprend beaucoup à ce moment là, c'est qu'une famille aussi impliquée dans la communauté ait pu laisser si peu de traces.

Le Consistoire prend quelques semaines pour instruire le dossier et me convoque tout de suite pour un entretien. Je me rends au consistoire et là, je suis reçue par un rabbin qui m'explique qu'il n'y a pas de problème. Le certificat de judéité est prêt, mais qu'il voudrait, avant de me donner ce certificat, que je me mette à l'apprentissage de l'hébreu. Alors là, je suis enceinte jusqu'aux dents, épuisée par deux grossesses successives, et je lui répond "il n'en est pas question. Je ne suis absolument pas capable aujourd'hui de mettre à l'apprentissage de l'hébreu" et là, il me dit "c'est le prix à payer" et je lui réponds "Ma famille a suffisamment payé comme ça. Donnez moi ce certificat". Les choses se sont finalement très bien passées et je suis repartie avec un certificat de judéité en poche.

Léonard

Cette culture juive qui vient mixer à nous. En fait, je me rends compte en en parlant que cette infusion de judaïsme, ce virage culturel, ça nous a emotionnellement beaucoup secoué en fait.

Emmanuelle

À l'occasion de l'anniversaire de Mia, maman, Christine, nous invite, Mia et moi, à déjeuner au parc de Bagatelle. À Neuilly sur Seine. On s'attable. Il fait très beau. On est sur une table à l'extérieur. Très rapidement, dans la conversation, je fais état de la découverte de l'acte de naissance d'Alice Kuppenheim. Moi, je suis confiante et heureuse d'avoir fait ces découvertes. Et là, je sens une sorte d'agressivité.

Christine

Elle est dans une période d'apprentissage. Elle a des cours, des leçons, des commentaires de textes et ça, moi, je trouve ça formidable. D'approfondir la Torah, ça ne peut être qu'intéressant et nous sommes une civilisation judéo chrétienne. Là où je suis très gêné, c'est quand on m'explique que les juifs sont un peuple élu.

Emmanuelle

L'agressivité que je perçois chez ces deux femmes qui sont pour moi les deux personnes les plus importantes au monde... Me paralyse. Une fois de plus, j'ai le sentiment de désobéir, mais je n'ai pas le choix. Je n'ai pas le choix si je veux poursuivre cette quête, comprendre, comprendre qui je suis et d'où je viens. Ce qui passe forcément aussi par d'où elles viennent.

Christine

On est chrétien, on est catholique, on va à la messe tous les dimanches, on est, on est des gens qui sont investis dans la vie... On ne va pas parler d'un truc qui n'existe pas pour nous. C'est absurde !

Emmanuelle

J'ai le sentiment d'une vraie solitude, un rejet de l'implication de cette famille dans le judaïsme et un rejet de mon implication. Je sens qu'elles ne se reconnaissent pas dans cette histoire. Comme si ces découvertes remettaient en question leur identité.

Christine

Mia, à l'époque, elle est malade. Emmanuelle nous reproche à Mia comme à moi, comme toute la famille, de ne pas avoir fait d'elle une juive primaire, secondaire et tertiaire. Mais bon, c'est parce que nous, on n'est pas comme ça et c'est très dur pour sa grand mère, qui est en état de grande faiblesse à ce moment là.

Emmanuelle

Après avoir découvert que Joseph Kuppenheim avait été le président du Consistoire de Lyon, je décide de prendre contact avec le grand rabbin de Lyon. Donc je me procure son numéro de téléphone et je l'appelle. Je me présente comme étant descendante de Joseph Kuppenhei. À ma grande surprise, il m'accueille très chaleureusement. Il est extrêmement ouvert et intéressé et très rapidement, il me propose de venir le rencontrer à Lyon. C'est ce qu'on décide de faire avec Maurice, d'aller passer un shabbat à Lyon avec le grand rabbin. Donc, on arrive à Lyon, le grand rabbin de Lyon nous reçoit dans son bureau à la synagogue, un bâtiment très, très imposant sur les rives de la Saône.

Je suis extrêmement touchée par son accueil. C'est un moment très, très fort, très fort. Il y a un office. Le grand rabbin explique notre présence qui je suis et nous qualifie d'hôte d'honneur pour ce shabbat. Le grand rabbin nous invite à dîner chez lui et le lendemain, on se promène avec Maurice dans Lyon. Et là, je lui dis il faut qu'on se marie religieusement ici. On doit se marier dans cette synagogue. Il est partant sur le principe, donc je m'imagine déjà me mariant à la grande synagogue de Lyon.

J'ai une très forte impression de reconnaissance. Neuf mois après, on se marie à la grande synagogue de Lyon.

Zabeth / Elisabeth

Je ne vais pas au mariage d'Emmanuelle. Bien que je sois sa marraine, je ne sens pas du tout du tout cet événement. Bon, habituellement, je ne suis pas du tout fane des mariages, mais là encore moins quoi... Grands mariages, déplacements à Lyon, dans la synagogue qui avait été financée par l'aïeule de la famille. Tout cela me paraît une sorte de cinéma auquel je n'ai pas du tout envie d'adhérer. La joie des gens qui se marient et de l'entourage me paraît toujours complètement déplacée. Quand je vais à un mariage, je pense toujours au moment où ils vont divorcer, et c'est quand même la majorité, très grande majorité des cas. Et ça me paraît tellement futile et inconséquent que non, ça ne dit rien. Alors quand, en plus, il faut aller à Lyon, prendre le train, aller à l'hôtel, voir des gens, tu connais pas, se réjouir pour un truc que tu trouves pas forcément réjouissant. Bah non, j'ai préféré me réfugier dans ma Bretagne.

Emmanuelle

Dans son discours, le grand rabbin qualifie notre mariage de miracle. En entrant dans la synagogue. Ma mère Christine à ma gauche, et Roselyne Cohen, notre professeure de judaïsme, à ma droite, nous remontons cette allée centrale, je suis en train de faire ce que je dois faire. D'être à ma place.

Christine

Je suis accueilli par le rabbin qui dit que je suis chez moi dans cette synagogue. Alors que moi, je ne me sens pas du tout chez moi dans cette synagogue et que c'est très loin de tout ce que je suis et de tout ce qui est ma famille et de tout ce que j'ai fait pour mes enfants. Donc, pour moi, c'est un décor historiquement intéressant. Mais ça ne va pas plus loin.

Zabeth / Elisabeth

Ce mariage pour Emmanuel, c'est l'entrée dans la communauté juive. Je pense que c'est vraiment le déclic qui fait que elle se sent réellement accueillie. Pour elle, c'est un moment vraiment fondateur. J'en ai des retours par Mia. Elle est très mal à l'aise pendant tout ce mariage. Tout d'un coup, elle se retrouve accueillie dans la communauté juive de Lyon. C'est surréaliste. Pour elle, c'est surréaliste.

Emmanuelle

Trois mois après notre mariage à Lyon, Mia est très malade et affaiblie. Elle est sous oxygène chez elle et je lui rend visite. On est installé dans son petit salon. Elle, elle retire son son masque à oxygène. Il me dit "Alors qu'est ce que tu vas faire dans les prochains mois?" Je lui réponds "Je vais écrire l'histoire de la famille" et là, elle me dit "je n'ai plus le temps, mais si je l'avais eu, j'aurais aimé le faire". Je lui demande "par quel bout tu auras appris ça ?" Et elle me répond "Intéresse toi aux femmes". C'était une manière de me permettre d'écrire l'histoire tout en me donnant une direction. Effectivement, j'interroge la lignée maternelle.

Léonard

Quand elle finit d'écrire le livre, Je me souviens très bien. Elle nous propose à Gus et moi d'être les premiers lecteurs. Livre qu'elle nous avait dédicacé en plus. C'est un peu paradoxal parce qu'on a envie de faire plaisir à notre mère en lisant le livre. C'est on travaille ça, ça nous concerne aussi. Et avec Gus, on n'a pas du tout envie de lire le livre parce qu'on sait que si on lit le livre en fait, on pourrait peut être avoir un pied dans un pied dans l'embrouille.

Christine

Pour l'instant, moi, ce que j'en ai vu, c'est uniquement un récit romancé dans une famille bourgeoise juive à la fin du 19ème siècle. On ne peut pas dire que ce soit des racines. On ne peut pas dire que ce soit une identité. On ne peut pas dire... C'est c'est c'est... Un récit.

Zabeth / Elisabeth

Quelques mois après le mariage d'Emmanuelle. Je suis en train de travailler sur un logo. Je galère depuis deux heures dessus à faire des essais de couleur, etc. Je reçois un PDF sur mon ordinateur. Emmanuelle nous envoie un PDF. Je découvre pour la première fois une généalogie familiale que j'ignorais totalement. Historiquement, c'est intéressant. Tout ça commence un peu à devenir plus concret.

Mia à meurt le 1er mai 2011, donc c'était deux mois après le mariage d'Emmanuelle à Lyon.

Emmanuelle

Quelques semaines après sa mort, je récupère des lettres et des documents d'identité, des photos, je tombe sur une enveloppe. Une écriture très, très élégante. Une encre violette. 'Papier important". J'ai ouvert l'enveloppe et je tombe sur le certificat de baptême d'Yvonne, la mère de Mia. Elle avait 7 ans lorsqu'elle a été baptisée catholique. Alors 1898. C'est le pic de l'affaire Dreyfus. Une réaction de protection d'une mère vis à vis de sa fille à un moment très particulier, qui est marqué par l'antisémitisme. La nouvelle information, c'est que la famille s'est éloignée du judaïsme à ce moment là. Si Mia a transmis quelque chose, c'est peut être ça qu'elle a transmis, entre autres : la peur d'être considéré comme juif.

Zabeth / Elisabeth

Après avoir vidé, la maison de Mia reçoit un mail de ma sœur qui m'envoie quelques extraits d'un agenda de notre mère, qui est aussi son journal intime et qui raconte brièvement ce qu'elle a fait au moment de la déclaration de 39/45. "Samedi 25 mai 1940 arrivée à Casa. ["Casa" c'est Casablanca.] Ville blanche moderne. Lundi 27 mai 1940 était en classe assez sympathique. Lundi 10 juin 1940, on nous annonce que le bac est dans 8 jours. Mauvaise nouvelle de la bataille" Elle part, sa mère l'embarque sous le bras avant même qu'elle ait passé son bac. Bon, c'est quand même un départ précipité. Grosse panique,

Archive Mia

J'ai un peu honte à le dire mais cette année du début de la guerre était pour moi une année très amusante. J'avais un petit flirt. Ah c'était formidable ! On s'amusait beaucoup.

Zabeth / Elisabeth

Pour moi, c'est étonnant de voir que Mia, en tant que jeune fille d'origine juive, qui estme  quand mêconsciente, je pense un petit peu quand même consciente des enjeux de l'époque. Elle a une vie insouciante de jeune fille.

Christine

Mia part à Casablanca, parce que son père était travaillait déjà là bas et elle rejoint son père avec sa mère. Il n'y a pas de fuite devant le nazisme.

Zabeth / Elisabeth

Environ trois ans après son mariage, Emmanuelle m'invite à déjeuner chez elle, dans son magnifique hôtel particulier de la rue Vavin. Je vais la voir parce que ça m'intéresse qu'elle me parle plus précisément de son travail. On monte à l'étage, elle me montre son installation, son bureau et elle me sort les photos qu'elle avait récupérées après la mort de Mia.Elle me montre une photo d'Alice Kuppenheim. Et là, je suis vraiment intriguée sur pourquoi cette aïeule a fait un choix tellement tellement décisif et tellement incroyable. L'effroi dans lequel elle doit être pour décider de couper ses racines et de faire baptiser ses enfants qui avaient plus que l'âge de raison. Donc là bin, on n'est plus dans une histoire patriarcale. On est dans une histoire d'une femme qui prend des décisions énergiques et tout à fait étonnantes. Bon à partir du moment où je comprends que pour elle, ce n'est pas juste une posture, mais que c'est vraiment un enjeu presque existentiel, je suis beaucoup moins agacée. Et en fait, c'est Mira qui s'est tue sur son passé familial. Pourquoi? ... 

Emmanuelle

En février 2015, avec Maurice on se trouve à Tel-Aviv pour le mariage d'un cousin dans la famille de Maurice. Je m'y sens bien et pour la première fois, je me projette dans ce pays. J'ai l'impression d'être chez moi. J'ai un sentiment de liberté, de légèreté aussi. On discute beaucoup de cette possibilité de venir s'installer à Tel-Aviv. Un dîner est organisé par les cousins pour présenter la fiancée à la famille. Et au cours de ce dîner, alors qu'on n'avait pas pris formellement la décision et encore moins fixé un calendrier, Maurice annonce à toute la famille qu'en septembre prochain, on sera là avec les enfants. Qu'on a décidé de venir s'installer à Tel-Aviv. Moi, je suis extrêmement surprise, mais je suis pas fâchée qu'ils aient pris les devants. La seule chose qui risque d'être compliqué, c'est de savoir si Gustave et Léonard vont pouvoir suivre.

Léonard

On a 13 ans lors de son départ, on est en quatrième. À Ce moment là, on sait qu'il y a un désir de partir chez notre mère et chez Maurice, mais plus profond chez notre mère. C'est un voyage qui est très important pour un juif et donc c'est encore plus pour ma mère à ce stade, parce que, elle se découvre juive et elle veut, elle veut absolument qu'on vienne avec elle. Mais nan nan, on n'a pas envie. On a toute notre vie, toute ma vie à Paris, nos copains, etc. Notre père ! Et qui plus est, pour aller dans un pays qu'on ne connaît pas du tout. On demande à votre mère "si tu veux qu'on vienne avec toi, pourquoi est ce que tu restes pas à Paris ?" Et donc c'est là que c'est là qu'elle nous dit que Paris, c'est plus, c'est plus chez eux quoi. Et donc nous, à ce moment là, on est, on est, on est assez remonté parce que bon, on a le sentiment qu'elle nous abandonne.

Emmanuelle

On part s'installer à Tel-Aviv au mois d'août 2015. Lorsque j'annonce cette décision à Gustave et Léonard, ils sont absolument furieux. Ils ne veulent pas venir. Ils veulent rester à Paris. Ils veulent rester dans leur école, avec leurs amis. Ils ne veulent surtout pas que leur vie soit bousculée. Et leur père, de la même manière, refuse. M'oppose qu'Israël est un pays en guerre que c'est dangereux, qu'il est hors de question que ses fils partent vivre là bas.

Ma plus grande crainte à ce moment là est que Gustave est Léonard aient un sentiment d'abandon ce qui.. Mais c'est très difficile de leur faire passer que je ne les abandonne pas. Je vais discuter beaucoup avec eux et je leur dis combien, combien j'espère que, qu'un jour, ils viendront peut être nous retrouver.

Léonard

On commence à se dire, à se dire que notre mère elle est tout simplement égoïste. On a besoin de croire à quelque chose qu'on peut comprendre et là, on n'arrive pas à comprendre. En fait, elle choisit bien évidemment ce pays parce que en tant que juif, ils seront acceptés et il n'y aura pas de. Il n'y aura pas de problème sur ce plan là. À Tel-Aviv. Ils ont réussi à s'intégrer, à se faire des amis, etc. Ils ont une vie qui est beaucoup mieux qu'à Paris. Et en fait, moi, je commence à me dire que je vois le résultat de ce départ et je la vois plus heureuse et je ne vois pas pourquoi on devrait continuer à trouver trouvé du mal quelque part.

Emmanuelle

Le jour de Kippour à Tel-Aviv, est un jour chômé. Aucune voiture. Je sors avec les enfants et je découvre que les rues sont envahies de familles avec des enfants à vélo, en trottinette. On retrouve des amis de l'école. On entend les prières sortir par la porte des synagogues. Ça illustre bien ce qui me plait à Tel-Aviv. Être juif va de soi et chacun l'est à sa manière. La grosse différence entre Israël et la France le jour de Kippour, c'est que c'est que tout le monde est concerné en Israël, ce qui n'est pas le cas en France. Et j'ai le sentiment d'être plus légitime à le fêter aussi. C'est sans doute pour ça que je me sens mieux en Israël qu'en France, plus légitime et plus libre, avec un très fort sentiment d'appartenance, contrairement à ce qui se passe à Paris. Contrairement à ce qui se passe dans la famille.

Christine

ELle part avec ses deux plus jeunes enfants et elle revient deux ans après. Le fait qu'elle ne trouve pas sur place tous les accomplissements qu'elle recherche.

Emmanuelle

Après notre retour d'Israël, notre couple avec Maurice bat de l'aile. J'ai du mal à me réadapter à Paris. On divorce en 2020. Est ce que si je n'avais pas rencontré Maurice, je me serais posé les mêmes questions? Sans doute pas. Mais il me semble que ça n'a été qu'un déclencheur.

Christine

Elle a eu plusieurs grandes passions. Actuellement, c'est cette passion là qui peut être qui s'étiole un peu. J'en sais rien encore.

Emmanuelle

La fin de mon mariage avec Maurice n'est pas la fin de mon histoire avec le judaïsme.

Christine

Est-ce qu'Emmanuelle à une quête identitaire? En fait, non, Emanuelle était à la recherche de la preuve de sa judéité. C'est pas du tout l'avis de la famille qu'elle cherche à reconstituer ou à évoquer, c'est simplement de prouver, entre guillemets, prouver alors que personne ne dit le contraire, qu'elle est juive.

Zabeth / Elisabeth

Après avoir appris l'histoire d'Alicei Kuppenheim, je me dis qu'Emmanuelle n'est pas juste à la recherche d'une judéité de façade pour complaire à son mari, mais que c'est devenu une histoire beaucoup plus sérieuse et qui la touche plus profondément.

Emmanuelle

C'est comme si on m'avait transmis un diamant, ce que je pensais être un diamant. Et qu'en fait je découvre une émeraude. Alors, qu'est ce que je transmets ? Je transmets l'émeraude.

Léonard

C'est un peu comme si on avait eu un culte qui sort de nulle part et qui arrive dans notre famille et qu'il fout un peu la merde. C'est un peu une culture à apprendre comme comme une nouvelle matière à l'école. Donc en fait...

Christine

Quand les enfants ont 12 ans, on va faire un séjour à Ibiza et on amène les enfants manger des pizzas. L'un d'entre eux prend une pizza avec du jambon et Emmanuelle entre dans une colère tout à fait démesurée. 625 Interdiction dans la vie courante. C'est son choix. Elle impose ça à ses quatre enfants. Je ne suis pas contente du tout qu'elle le fasse pour les jumeaux parce que je pense qu'elle les met dans une situation très difficile.

Léonard

Le seul truc qu'on nous demande, c'est de faire rentrer de porc à la maison. On a peut être rechigné un peu au début parce que, par exemple, je te dis "mange pas de porc à la maison" et toi, t'est enfin, le porc t'aime même pas ça, mais tu vas quand même en manger juste parce que t'as envie de... par rebellion un peu. Enfin, on en n'avait rien à faire en vérité. On avait un peu le seum contre le judaïsme, en fait.

Emmanuelle

Je pense surtout qu'ils ont pas envie de se poser la question parce qu'ils ont 18 ans et qu'à 18 ans, on se pose pas ce genre de questions. Il me semble, non ?

Au delà de manger ou pas du jambon, ce que je transmets à mes enfants, c'est un sentiment d'appartenance qui se fonde sur une histoire et comment eux s'inscrivent dans cette histoire.

Léonard

Quand on nous annonce que la famille a des racines juives, on nous dit en même temps qu'on a un passé très sanglant durant la Seconde Guerre mondiale. Et ça, c'est quelque chose qui nous intéresse. Mais ça m'intéresse pas du tout de savoir si on vient d'une famille rabbins, d'une famille de prêtres, si on forme une famille de marchands, je n'en sais rien ! Mais on sait que la conclusion, c'est que l'on a des racines juives. On n'a pas le détail. En fait, on n'a pas vraiment envie de l'avoir.

Zabeth / Elisabeth

Est ce que c'est important de savoir d'où l'on vient heu ? ... J'aurais tendance à dire que non. Pour moi, ça n'a pas beaucoup d'importance. Ce qui est important, c'est ce qu'on vit. Mais ma position est aussi influencée par le fait que ma mère ne m'a jamais réellement parlé de mes origines familiales. Personne n'en parlait donc, ce n'était pas important. Et puis on vivait dans le présent et voilà. Et aujourd'hui, ça m'intéresse? Oui, parce que c'est une histoire qui est singulière. C'est toujours bien de savoir qu'on a dans sa famille, des femmes fortes. Tout le monde a été agacé dans la famille, tout simplement parce que Mia, elle a passé sa vie à ne pas en parler. Donc, c'était quand même pour elle plus ou moins tabou. Et Christine, de son côté, parce qu'elle a conservé la foi catholique. Et c'est une chose qui constitue son identité. De voir sa fille rompre complètement avec ça bin c'est quand même plus qu'agaçant. C'est bouleversant.

Emmanuelle

Je pense que si ces origines n'avaient pas été tues, je m'y serais moins intéressé. Lorsque je parle de transmettre une histoire, je parle de donner un éclairage plus complet à l'histoire de la famille, sans évidemment que cela ait une incidence sur la façon dont chacun se définit. A aucun moment, mon désir a été de changer les gens qui m'entourent. La chose importante pour moi est d'être acceptée tel que je suis aujourd'hui. Ce qui inclut le judaïsme, qui fait aujourd'hui partie de ma vie.

Zabeth / Elisabeth

En fait, ce que je souhaite réellement pour elle, c'est qu'elle arrive à s'épanouir dans une communauté si elle est juive, qu'elle soit juive, peu importe, mais d'être ouverte toujours aux autres. Mais ce que je souhaite à Emmanuelle aussi, c'est de ne plus avoir besoin d'avoir la reconnaissance de sa mère ou la reconnaissance de son mari ou de la reconnaissance de son amant ou la reconnaissance, mais de trouver vraiment une voie qui lui convienne et de se foutre un peu de ce que pensent les autres?.

Musique de générique

Maureen Wilson

Cet épisode de passage a été tourné et monté par Lena Coutrot. Maud Benakcha était à l'édition et à la coordination. Jean Thévenin a composé la musique et fait la réalisation de l'épisode. Jean-Baptiste Aubonnet en a fait le mix. Marion Girard est responsable de production. Mélissa Bounoua, directrice des productions, et Charlotte Pudlowski, directrice éditoriale. Le générique de passage a été composé par November Ultra Je suis Maureen Wilson et Passages est une production Louie Media. Vous pouvez vous y abonner sur toutes les plateformes de podcasts.

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À Très vite !