Retranscription - Ce blues qui mine nos dimanches soirs
Brune Bottero : C’est quoi le jour de la semaine que vous préférez ? Si vous posez la question à quelqu’un il y a assez peu de chance pour qu’il dise le lundi, en général on a plutôt tendance à préférer le samedi : c’est le début du week-end. Il y a le vendredi aussi, l’excitation de la semaine qui s’achève, on voit apparaître sur les réseaux sociaux les TGIF “thanks god it’s friday”, en français “dieu merci c’est vendredi”. Les enfants, eux, choisissent souvent le mercredi, ce jour de pause au milieu de leur semaine d’école. Celui où ils ont le droit à un dessin-animé, à un cours de danse, à manger des crêpes au goûter. Mais le dimanche, le dimanche est très rarement un jour préféré. Pourtant sur le papier, le dimanche a tout pour être une journée tranquille et apaisante : les commerces sont fermés, on est souvent libérés des contraintes professionnelles, on se retrouve en famille, on se ressource seul⸱e...Oui, mais il y a le dimanche soir et avec lui ce fameux coup de déprime qui arrive sans crier gare.
Dans cet épisode, la journaliste Marion Bothorel se demande d’où vient le blues du dimanche soir et pourquoi beaucoup d'entre nous en font l’expérience chaque semaine. Je suis Brune Bottero, bienvenue dans “Émotions à emporter”.
Marion Bothorel : On est dimanche soir, il est 18h et vous savez que déjà, dans moins de 14h, ça sera le retour du lundi.
En pensant à ce moment, que l'on vit chaque semaine, comment vous sentez-vous ? Est-ce que vous faites partie de cette moitié de Français et de Françaises ? Celle qui, prostrée par l'angoisse, ne peut plus bouger de son canapé, tétanisée par la semaine qui recommence.
Moment que l'on appelle communément, le blues du dimanche soir.
Mais ce blues du dimanche soir, de quoi exactement est-il le nom ? Pourquoi sommes-nous si nombreux et nombreuses à y être sensibles ? Est-ce qu'il existe des solutions pour l'atténuer, ce blues ?
Autant de questions auxquelles le docteur Florian Ferreri m’a donné des réponses.
Il est psychiatre à l'hôpital Saint-Antoine, un hôpital universitaire parisien spécialisé dans la prise en charge des troubles dépressifs et anxieux.
Florian Ferreri a par ailleurs écrit un livre, Vaincre le blues du dimanche soir. A quatre mains avec Gautier Bouchaud, un professeur des écoles particulièrement atteint par le blues du dimanche. Ensemble, ils ont tenté de définir ce phénomène pour proposer des solutions.
Docteur Florian Ferreri : Alors, je me suis intéressé au blues du dimanche soir parce que je me suis aperçu qu'un certain nombre de personnes s'en plaignaient.. Sans forcément venir consulter pour ça, mais s'en plaignaient. Et puis, dans mon réseau amical...personnel, j'ai commencé à poser la question et j'ai je me suis rendu compte que c'était une réalité . C'est-à-dire sans être forcément grave, il y avait pour certaines personnes une réelle souffrance à supporter le dimanche.
Marion Bothorel : Le blues du dimanche est très répandu, si l'on en croit plusieurs sondages. Il toucherait la moitié de la population française. Tandis que de l'autre côté de l'Atlantique, c'est près de 80% des Américains et des Américaines, actifs, qui seraient concernés.
Il y a donc beaucoup de sondages... mais peu d'études. C'est ce qu'a constaté le docteur Ferreri. Le psychiatre a du coup interrogé des amis, des patients, des confrères… Le plus de monde possible pour mieux cerner ce vague à l'âme.
Docteur Florian Ferreri : Ce qui m'a beaucoup étonné, c'est le fait que ça parle ou ça ne parle pas. C'est à dire ben il y a des personnes à qui on explique le phénomène et ça ne leur dit rien du tout parce que ça ne correspond pas à un sentiment qu'ils ont. Et ils trouvent même ça assez curieux de s'intéresser à ce ce ce phénomène.
Et ça, c'est en contraste avec les personnes qui disent "alors moi, c'est terrible. Je me rappelle quand j'étais au collège, le dimanche, c'était horrible. Dès que mes parents mettaient cette émission, je savais que c'était la fin du week-end. Moi, j'étais prêt à en pleurer le soir. Je ne pouvais plus rien faire. Je n'arrivais plus à profiter. C'était atroce"... Donc, une description cataclysmique de cette problématique. Et entre ces deux, ces deux extrêmes, on voit que certains week-ends sont particulièrement difficiles, que ça dépend de de comment on s'est organisé pour qu'il se passe bien, pour qu'il se passe pas bien que derrière le syndrome, il y a de multiples causes. Il y a moyen un peu de se comprendre et de résoudre un peu certaines difficultés.
Marion Bothorel : Le terme de "sunday neurosis " - littéralement : la névrose du dimanche - a été pour la première fois posé… en 1946. Par Victor FRANKL, un psychothérapeute autrichien.
Presque 70 ans plus tard, il n'y a pas d'études épidémiologiques sur le sujet. Car en fait on ne peut pas qualifier le blues du dimanche soir, de pathologie, de maladie, ni même de trouble. Alors, comment le définir ?
Docteur Florian Ferreri : Le blues du dimanche, c'est un sentiment d'ennui, de morosité qui nous envahit le dimanche, plutôt dans l'après midi, qui s'accompagne également d'un sentiment de lassitude, d'une difficulté à initier les choses et qui, chez certaines personnes, s'accompagne également d'une tristesse, d'un sentiment d'inutilité, d'impossibilité à faire les choses. Et ça, c'est pour le registre psychologique. Mais il y a aussi des manifestations qui peuvent être physiques, notamment une tension musculaire, un inconfort global, digestif, parfois même un peu douloureux. Où la personne qui ressent ça, se sent à la fois inconfortable au niveau psychique mais également en difficulté au niveau physique avec une sorte d'entre deux….un Moment dans cette journée où on se sent utile à rien et est capable de rien.
On se reproche de de ne pas faire des choses, la difficulté à profiter du moment parce qu'on est déjà envahis par des des ruminations, des préoccupations et finalement euh une, un moment dans le week end, où on n'est pas tout à fait soi même. On n'est plus disponibles à la fois pour soi, pour faire des choses et on n'est plus disponibles pour les autres. On se renferme un petit peu.
Marion Bothorel : Ce sont autant de symptômes qui rappellent la dépression mais sans l'être tout à fait. Ce sont des manifestations dépressives, c'est-à-dire qu'elles restent temporaires. Florian Ferreri parle donc plutôt de mélancolie passagère, d'anxiété anticipatoire avant le lundi… Et ça engendre beaucoup d'émotions simultanées qui peuvent venir nous paralyser, le dimanche soir.
Docteur Florian Ferreri : Alors, les émotions ressenties sont l'ennui, des fois, la tristesse, la morosité et le sentiment d'inutilité, d'incomplétude. Donc on voit que c'est énorme. Ce sont énormément d'émotions. Quand ces émotions nous envahissent, elles sont traitées par le cerveau qui déclenche un ensemble de phénomènes physiologiques. Et parmi ces phénomènes physiologiques, il y a la réponse à l'anxiété, la réponse au stress. Et on sait que le corps exprime aussi les difficultés du cerveau. Et elles l'expriment par toute une physiologie qu'on ne maîtrise pas : le transit, les maux de ventre, la fatigue, la tension, la crispation musculaire sont des phénomènes qu'on peut tout à fait avoir quand on est dans une situation de pression psychologique. Donc le corps et l'esprit sont souvent scindés quand on en parle, mais en fait, on est une seule et même personne. Et quand il y a une souffrance, l'expression est tout à fait générale ou en tout cas corps entier.
Marion Bothorel : Et sans forcément aller jusque là, on peut devenir subitement râleur.râleuse dès 16h ou bien à 20h, tous les dimanches ou seulement le 1er du mois. Bref, il n'y pas une seule façon de vivre le blues du dimanche.
Mais certains et certaines d'entre nous y sont plus exposés. Le docteur Ferreri a isolé des profils types.
Docteur Florian Ferreri : On s'est aperçu que c'était plus fréquent chez les personnes qui subissaient un petit peu leur agenda et les contraintes qu'elles avaient. Donc très clairement les enfants d'âge scolaire, collège, lycée où c'est vrai que le rythme est imposé par d'autres personnes que par eux mêmes. Donc c'est à ce moment là où on est à la fois plus autocentré, c'est-à-dire on pense à soi et à à son avenir. Et en plus, on ne maîtrise pas l'emploi du temps.
Le week-end est attendu toute la semaine mais au sein de ce week-end, certaines personnes le gèrent différemment. Et on se retrouve acculés en cette fin de week-end mais authentiquement on ne va pas bien parce qu’il y a des raisons de ne pas aller bien c’est que tout ce qui nous reste à faire sur cette fin de week-end n’est pas faisable, globalement.
Les parents, l'environnement, les contraintes des repas de famille, les repas qui durent, la nécessité de faire du sport...font que le temps on l'a pas forcément. Et on l'a plus en tout cas, en fin de dimanche. Et ça, ça peut oppresser.
Marion Bothorel : Et certains traits de notre personnalité peuvent aussi favoriser l'arrivée de cette mélancolie passagère.
Docteur Florian Ferreri : Donc, oui, il y a des personnes qui sont plus à risque. Les personnes anxieuses sont des personnes à risque. Les personnes un peu obsessionnelles qui apprécient de bien maîtriser leur environnement, de tout prévoir, de tout planifier, vont avoir tendance à se projeter assez loin dans l'avenir et de se projeter avec une vie, une vision, enfin une connotation un petit peu préoccupée de l'avenir. Ces personnes là sont sujettes le dimanche, à commencer à faire tout le planning de la semaine et à avoir un ensemble de difficultés à surmonter plutôt qu'un ensemble de choses à faire classiques.
Il y a aussi les personnes qui sont on va dire plus autocentrées, certains diraient même narcissiques, et qui vont à ce moment là du week end, commencer à se comparer, à regarder les photos postées sur les réseaux sociaux d'Untel et d'Untel et commencer à mal vivre le fait qu'un Untel a eut un week end super, Untel est à tel endroit, Untel a une vie bien meilleure que soi même...et vont avoir des difficultés d'ajustement qui va les plonger dans une forte de morosité, de jalousie inconsciente.
Marion Bothorel : Ce que je comprends, c’est que la manière d'occuper nos week-ends, et nos modes de vie d’ailleurs, peuvent nous prédisposer à ce blues du dimanche.
Docteur Florian Ferreri : Les Profils type, sont, chez l'adulte, la personne qui attend beaucoup son week end, qui va avoir envisagé son week end sur un mode assez festif de loisir, de sport. Et ça, c'est très bien. Et qui va avoir en fin de week-end deux choses : d'une part, les contraintes qu'il a repoussé, qu'il va devoir faire et également l'espèce de nostalgie et de deuil de tout ce qu'on a fait de chouette et il va falloir attendre pour refaire des trucs sympas. Ça, c'est un peu le deuil du week-end mais qui arrive un petit peu trop tôt. C’est-à-dire au lieu de se dire on a passé un super week-end, on se dit "ah bah, c'est déjà fini", ça c'est le verre à moitié vide.
Chez l'adulte, il y a un autre profil qui est le bosseur hyperconnecté, préoccupé, qui va être finalement tout au long du week-end, va être encore dans sa préoccupation du travail, à vouloir éventuellement surveiller ses mails, surveiller des informations qui proviennent du travail et le vivre un petit peu douloureusement. C'est-à-dire qu'il va s'obliger à pas le faire parce que c'est le week-end et que c'est sacré. Et en même temps, son cerveau est déjà en train de travailler dessus. Donc ça ça pose problème parce qu'il n'est pas disponible pour son entourage et pour lui-même.
Marion Bothorel : Bien sûr, le dimanche soir, c'est le plus souvent la perspective de retourner au bureau qui crée cette boule, qu'on sent, pesante, dans notre ventre. Mais le docteur Ferreri a aussi découvert qu'il touche des gens qui s'estiment heureux et heureux, au travail !
Docteur Florian Ferreri : Quand on pense au Blues du dimanche et aux préoccupations, on se dit ben c'est parce que le travail ça ne va pas. Mais en fait, quand on écoute les gens c'est pas ça la cause principale. Ça peut l'être, effectivement. Si on a un un environnement un peu harcelant ou une grosse pression, ça peut être le cas. Mais il y a énormément de gens qui disent "moi, j'aime, j'aime mon travail. Ce n'est pas le problème, mais...pour autant, ça me bousille le dimanche de soit d'y penser, soit de de me projeter trop rapidement dans les contraintes professionnelles". C'est plus une histoire de contraintes et les gens vont vous dire "ben une fois que j'y suis, c'est ben voilà j'y vais. Ce n'est pas un problème". Mais le fait d’y penser, d'y penser sans être dans l'action, c'est-à-dire qu'on est envahi et soumis à sa pensée, fait que c'est inconfortable pour certaines personnes.
Marion Bothorel : Que vous soyez étudiant, salarié ou même indépendante, comme moi, sachez qu'on est à peu près tous logés à la même enseigne !
Ça n'a même, pour certains, rien à voir avec leur activité professionnelle car…on peut avoir le blues du dimanche soir en étant retraité ?
Docteur Florian Ferreri : Le blues du dimanche soir peut effectivement toucher les personnes qui sont retraités.
Pour une personne retraitée, le week-end peut être un moment particulier où il y a des visites, par exemple, où il y a plus de vie dans son entourage. Donc, effectivement, ce ne sont pas les personnes les plus souvent touchées...qui s'en plaignent le plus. Mais bien qu'on soit retraité et que les journées sont censées être assez proches, le week-end reste quand même différent de la semaine.
Marion Bothorel : Au-delà de notre activité professionnelle, le contexte économique joue aussi un rôle : selon une étude menée par la fondation pour la santé mentale, Mind, un quart des Britanniques disent davantage subir ce blues en période d'incertitude économique, ou de récession.
Et vu qu'on parle du contexte actuel, le docteur Ferreri estime que le télétravail "ne protège pas" de cette mélancolie car 'effacement des frontières entre nos vies professionnelles et personnelles contribuerait même à le renforcer : avant même qu'elle n'ait commencé, la semaine nous apparaît comme une montagne de choses à faire et de contraintes quasiment infranchissables.
Pour résumer, quand on le blues, c'est qu'on répond souvent à l'une de ces trois situations :
Docteur Florian Ferreri : La première cause sont les personnes sensibles au stress, anxieuses qui vont avoir tendance à anticiper, voire à grossir les difficultés à venir. Ces personnes-là vont être trop rapidement projetées dans les contraintes à venir. Au lieu de profiter de l'instant présent, elles vont être déjà dans les difficultés à venir. Et là les manifestations sont vraiment plus du du registre de la préoccupation, de de la crainte que la semaine se passe pas aussi bien que ce qu'on souhaiterait et avec une envie d'anticipation et de savoir déjà ce qui va se passer.
Quand on se met à stresser... Alors déjà, le stress, c'est quelque chose de physiologique. C'est bien d'être alerté quand il y a un danger et c'est bien d'avoir une réponse physiologique à ce danger. Là où c'est embêtant, c'est quand il devient invalidant, gênant, soit parce qu'il nous prend de l'énergie, soit parce qu'il nous tétanise face à face à la situation. Qu'est ce qui se passe exactement dans le blues du dimanche? On ne sait pas. Ce qu'on pense, c'est qu'il y a probablement des facteurs qui sont liés à la sécrétion de neuromédiateurs : sérotonine, dopamine.
Marion Bothorel : Les neuromédiateurs sont des molécules chimiques chargées de transmettre des messages d'un neurone à un autre. Les deux cités par le professeur Ferreri - sérotonine et dopamine - agissent respectivement sur notre gestion de l'anxiété et, pour la dopamine, sur nos comportements - c’est le cas par exemple de l'attention ou de la motivation.
Autant d'indicateurs qui sont à leur plus bas niveau quand on a vraiment le blues du dimanche soir... Difficile oui de se sentir serein quand on s'est levé à midi et qu'on a ensuite traîné puis finalement abdiqué, en allant se recoucher. Ce déphasage du week-end, c’est d’ailleurs le deuxième facteur du blues du dimanche soir.
Docteur Florian Ferreri : Par rapport à ces rythmes...le week-end c'est un rythme qui est quand même différent de la semaine. On va avoir tendance à se coucher plus tard et éventuellement à sortir quand c'est possible, à faire la fête, et certains à aller, à rentrer très tard. Et le lendemain, on va se décaler un petit peu, se lever plus tard. Et le fait alors qu'on se lève en semaine, tous les jours à à 7 heures pour un lycéen ou un étudiant, ou même pour un pour un travailleur, et le week end, de se lever à 10 heures, 10H30, est, chez certaines personnes, quelque chose de problématique. C'est -à -dire qu'il n'y a pas un éveil de qualité. La personne va être dans une espèce de brouillard à la fois intellectuel et physique, où elle va pantoufler, mais sans avoir choisi de pantoufler à l'avance.
C'est-à-dire que la journée passe avec un ennui, une morosité, sans être reposante. Et on arrive en fin de de journée, on regarde en arrière et on se dit "mais moi, je n'ai rien fait de mon dimanche, alors que j'aurais souhaité faire des choses". Et pire que ça en plus, se coucher, même des fois beaucoup plus tard que ce qu'on aurait souhaité parce qu'on est dans un faux rythme. Et le moral en prend un coup. Et on est pas bien, on est inconfortable. Alors on repart, la semaine repart et finalement, ça finit par lancer les émotions positives. Mais ça, ça peut être une réalité compliquée.
Marion Bothorel : La médecine étudie les rythmes biologiques à l'œuvre dans notre organisme : cette branche de la médecine s'appelle la chronobiologie.
Et ces spécialistes alertent sur les risques de dérégler notre rythme et en particulier le week-end : pour certaines personnes, décaler le réveil de plus de deux heures par rapport à l'horaire habituel en semaine peut avoir des conséquences sur notre moral voire, sur notre santé.
Et est-ce justement, quand on fait un peu la fête, on se lève plus tard, on ne met pas le réveil, par exemple. Est-ce que c'est comme si un corps était dans une espèce de jetlag, de décalage horaire ? Enfin, qu'est ce qui se passe exactement ?
Docteur Florian Ferreri : C'est tout à fait ça. C'est le jetlag transitoire. Encore une fois, ce n'est pas une réalité pour tout le monde. C'est certaines personnes font la fête, se lèvent plus tard, se réveillent. La journée est bien entamée, mais ce n'est pas un problème. Ils vont faire des choses sur le temps qu'il leur reste et de toute façon, ils ont tellement bien profité de leur samedi, qu'ils sont ravis de comment s'est passé leur week-end, il n'y a aucun problème. Là, on parle vraiment des personnes qui ont l'impression d'avoir gâché le dimanche. Quand bien même elles ont bien profité du samedi et l'impression que c'est inconfortable.
Il y a à la fois le fait de se lever plus tard et, pour certaines personnes, de rajouter des temps de sieste qu'ils n'ont pas l'habitude de faire ou qui sont trop longues... Chez ces personnes qui sont sensibles au changement d'heure, finalement, le repos supplémentaire n'est pas profitable. Il vaut mieux un petit déficit de sommeil transitoire qui est mieux supporté qu'un excès de sommeil ou un sommeil décalé qui va donner un faux rythme difficile à supporter.
Marion Bothorel : Si vous ne vous êtes pas retrouvés dans les deux catégories précédentes, il y a bien un troisième facteur au blues du dimanche. Et cette fois, rien de biologique!
Docteur Florian Ferreri : La troisième cause c'est les personnes qui ont finalement un dimanche un peu pourri, mais parce qu'elles l'ont un petit peu cherché. C'est-à-dire qu'elles ont réservé au dimanche ou tout ce qu'elles avaient pas envie de faire dans la semaine ou tout ce qu'elles n'avaient pas envie de faire en début de week-end. Alors encore une fois pour les jeunes, c'est beaucoup centré sur les devoirs, mais pour les adultes, c'est pareil. C'est tel ou tel courrier qu'il faudrait faire, on ne le fait pas, telle facture à faire, les tâches ménagères, le repassage, le ménage, surveiller, les devoirs des enfants…. Un ensemble de choses qui ne sont pas forcément sexy sur le papier, mais qu'il est nécessaire de faire. Si on réserve tout ça sur le dimanche après-midi bah effectivement le dimanche après-midi on n'a pas trop envie de le voir. Donc là, il y a un travail un petit peu d'organisation en amont, de partage des tâches aussi hein. On sait qu’il y a cette problématique là est importante et tout faire pour dégager du temps sur le dimanche, pour que ça redevienne un un temps agréable de détente ou de loisir.
Marion Bothorel : Ce temps de détente et de loisirs, c'est finalement très récent. Ce n'est … qu'en 1906, que les Français et les Françaises obtiennent définitivement leur dimanche. (Pour être tout à fait précise : on l'avait déjà obtenu auparavant mais ce droit nous avait été ensuite supprimé, en 1880) Les syndicats et l'Eglise demandent donc le repos hebdomadaire - ou plutôt "la cessation du travail" - mais le temps n'est pas encore au chill. Le clergé espère plutôt attirer les fidèles à la messe.
Petit à petit, nos ancêtres s'en sont détachés, ont davantage cherché à se divertir et puis… à se reposer le dimanche. Alors est-ce que finalement, le blues du dimanche, c'est un phénomène assez récent, voire générationnel ?
Docteur Florian Ferreri : Dans les causes du blues du dimanche, il y a pour certaines personnes l'incapacité à s'ennuyer. C'est à dire qu'au lieu de voir l'ennui comme un temps à soi, un temps de réflexion, un temps de lâcher prise. L'ennui est quelque chose qui est terrible, envahissant et inutile. Donc il y a l'évolution de la société, c'est à dire le fait d'avoir ce jour chômé, il y a le fait quand même et ça, c'est plutôt positif de s'écouter et de se dire bah, on peut vivre mieux avec des petites choses du quotidien, des petits conseils. Et alors après, certains disent "oui, mais alors les personnes, euh les gens s'écoutent trop en ce moment", ça c'est excessif. On a le droit de décrire des difficultés. D'être tout à fait conscient qu'on peut dire sur le ton de la..., que c'est une plainte relative et en même temps, vouloir ne pas mieux profiter de cette journée là. Ce n'est pas une injonction à être au top de sa forme tous les dimanches. C'est si on en souffre, on peut essayer de faire de la prévention pour le prochain week-end !
Marion Bothorel : Donc un conseil : le dimanche, on coupe Instagram, on s'ennuie un coup, pour voir, et on sort s'aérer…. Tant qu'on peut.
On peut aussi varier ses activités car les dimanches ritualisés sont le meilleur moyen de préparer le terrain au blues. Par exemple, on n'est pas obligé d'aller déjeuner chez ses parents tous les dimanches, un sur deux c'est déjà bien.
On l'a vu il y a trois situations qui prédisposent au blues. Quelles sont donc les solutions, pour chaque cas ? Est-ce qu'il faut se résoudre, ô malheur, à mettre le réveil le dimanche matin ?
Docteur Florian Ferreri : Alors la solution du réveil le dimanche, c'est pour ceux qui souffrent de de d'épreuve de synchronisation.
Mais oui vraiment, chez ces personnes là, deux choses : le réveil le matin pour pas se décaler de plus d'une heure, une heure et demie par rapport à l'heure habituelle. À mettre en parallèle avec l'heure à laquelle on s'est couché quand même. Et d'éviter les siestes trop longues, notamment favoriser la micro sieste de vingt minutes si on a vraiment un coup de barre et on est là pour se reposer, à la sieste de plus d'une heure et demie parce que dès qu'on dépasse d'une heure et demie, ça désynchronisela nuit à venir. Et là, on peut être authentiquement arrivés de week end fatigué à son travail, ce qui n'est pas le but.
Marion Bothorel : Et quelles sont les autres solutions pour les autres types de personnes concernées par le blues du dimanche?
Docteur Florian Ferreri : Le premier pas vers la solution, c'est d'essayer de bien cartographier pourquoi on est comme ça. Les causes peuvent être multiples, il peut y avoir à la fois de l'organisation et du deuil du week-end mais en tout cas d'essayer de voir pourquoi on est comme ça. On a parlé du rythme, ok. Il y a la question d'organisation qui est un point fondamental, notamment quand on a des enfants, il faut les aider à s'organiser. Ce n'est pas eux de s'organiser, il faut les aider. C'est de dire "Voilà ok, tu te détends, tu te reposes, mais sans forcément faire ce que tu as à faire, j'aimerais qu'on regarde ce qu'il y a à faire et qu'on essaye de se donner un planning de temps, que chaque matière nécessite pour bien faire les choses avec eux".
Pour les personnes qui manquent de rythme : sortir, activité physique. Pour les personnes anxieuses : profitez du dimanche où ils sentent que la pression monte par sanctuariser un moment à eux, de relaxation, de détente, de temps pour soi, de travailler sur sa respiration pour essayer de se relaxer.
Et puis, si vraiment c'est la solitude qui nous pèse, pourquoi ne pas... Alors la période actuelle ne s'y prête guère... Mais on peut tout à fait mettre des temps sociaux qu'on a l'habitude de mettre plutôt le vendredi soir et le samedi soir, le dimanche en fin d'après midi, sans finir trop tard. Et ça peut tout à fait être convivial et sympathique. On peut s'autoriser à faire des choses très sympa le dimanche en ayant conscience qu'il y a une fin et qu'on ne peut pas se décaler autant que le vendredi et le samedi.... Sinon, les réveils sont difficiles.
Marion Bothorel : Alors, même si le blues du dimanche reste anecdotique, passager, même sujet de blagues… on s'en préoccupe ! Car comme le dit le docteur Ferreri, c'est quand même dommage de subir 52 jours dans l’année.