Retranscription - La résilience : comment recréer du sens dans sa vie après un traumatisme ?

Attention, dans cet épisode d'Émotions, nous abordons la question des violences sexuelles. 

Adélie Pojzman-Pontay : Aujourd’hui vous allez rencontrer trois personnes. Elles ont chacunes vécues un traumatisme : l’une un accident, la deuxième une maladie et le dernier, une agression sexuelle. 

La première c’est Marie-Line Silvert. Elle habite dans un petit village à une vingtaine de kilomètres d’Arras, dans le nord de la France, avec son mari, leur chien et leur cheval dans une ancienne ferme au bout d’une allée. Aujourd’hui elle a la soixantaine et elle est à la retraite. Mais dans sa vie d’avant, Marie-Line Silvert était prof d’anglais dans un collège, jusqu’au 9 novembre 2001. Ce jour-là elle arrive pour ses derniers cours en fin d'après-midi.  

Marie-Line Silvert : Je suis arrivée à l’heure, je n’avais donc pas à courir et j’ai fais très attention en traversant le passage piéton. Malheureusement le conducteur de l’automobile que j’avais aperçu bien loin est arrivé plus vite et n’a pas fait attention et donc, et bien il m’a renversé. Sur la route, il m’avait propulsé quand même à deux mètres de là où j’étais et mon livre était sur l’autre trottoir, mon livre d’anglais était arrivé en face, sur le trottoir d’en face, donc vous voyez la violence du choc. Et puis il y a eu un attroupement autour, les parents d’élèves, les élèves, les collègues qui étaient venus voir ce qu’il se passait parce qu’ils avaient entendu quelque chose mais ils ne savaient pas que c’était moi en fait. Donc j’ai été touché à la jambe droite et les pompiers m’ont amenés ensuite à l’hôpital et puis je suis rentrée à la maison très tard après tous les examens, et j’ai eu quelques jours de congés prescrit pas le médecin de l'hôpital en attendant de voir mon médecin. Voilà, c’est le jour J de l’accident.

Adélie : Lorsqu’elle ressort de l’hôpital ce soir-là, Marie-Line Silvert est fatiguée, désorientée, mais elle sait qu’elle n’a rien de grave : une double entorse du genou droit, une attelle pour tenir tout en place. 

Marie-Line Silvert : Y’à a priori rien de grave, on peut le dire quand même. Il y a l’entorse d’accord mais ça se soigne et puis voilà ça n’est pas catastrophique.

Adélie : Sauf que les semaines passent et rien ne s’arrange. Marie-Line Silvert ne peut toujours pas poser le pied par terre, elle avance avec difficulté, et surtout sa jambe la fait énormément souffrir. 

Marie-Line Silvert : L’entorse qui va mieux mais que moi j’ai toujours mal ça faisait quand même un certain contraste. Je ne comprenais pas du tout pourquoi ça s'améliorait, aux dires du médecin, et pourquoi donc j’avais mal encore, ça semblait invraisemblable.

Adélie : Sans explication, les douleurs ont continué. Elles sont devenues chroniques –on appelle ça une algoneurodystrophie ou une syndrome douloureux régional complexe– et Marie-Line Silvert n’a jamais pu recommencer à travailler. 

Marie-Line Silvert : Un certain temps après l’accident j’ai eu beaucoup de tristesse, beaucoup de colère aussi parce que je disais que c’était pas juste, j’aimais mon métier, je voulais continuer et à cause de quelqu’un qui a manqué de vigilance, je voyais arriver une vie qui n’allait plus être la même.

Musique

Adélie : Notre deuxième histoire, c’est celle de Hervé Zabukovec, qui habite à côté de Toulouse. Il 65 ans et comme Marie-Line Silvert il est retraité, et dans sa vie d’avant à lui, il était directeur d’établissements médico-sociaux pour personnes lourdement handicapées. Et dans une vie encore plus lointaine que ça il a 13 ans, il se fait opérer de l’appendicite et il reste à l'hôpital quelques jours pour récupérer. 

Hervé Zabukovec : Après mon opération j’ai vu arriver dans la chambre un prêtre, avec une grande cape, un petit béret, un petit bonhomme qui est venu me rendre visite parce qu'il il proposait de la lecture aux personnes hospitalisées. Très rapidement il m’a demandé comme ça c’était passé, il a soulevé le drap et sa main s’est posée sur mon sexe et mes testicules, sans qu’il me dise quoi que ce soit, ça a été très brutal dans le geste. A l’issu de ça, il m’a dit qu’il reviendrait me visiter la semaine suivante et par chance je suis sorti prématurément parce que tout se passait bien.

Adélie : A sa sortie, Hervé décide de parler à ses parents de l’agression qu’il a subi. 

Hervé Zabukovec : Mon géniteur et ma génitrice….je parle ainsi c'est peut être dur mais j'ai du mal toujours à parler de mon père et de ma mère donc je les ai informés de ce qui s'était passé et ma génitrice a répondu très brièvement “on ne va pas faire un scandale pour si peu”. Voilà je suis resté là dessus et j'ai construit toute ma jeunesse en gardant au fond de moi cette phrase et j'ai enfoui dans ma mémoire ce qui s'était passé.

Musique

Adélie : La troisième personne dont vous allez entendre l’histoire, c’est une femme qui s’est retrouvée paraplégique du jour au lendemain, à la suite à une opération de la colonne vertébrale. Elle s’appelle Nadalette La Fonta Six. 


Nadalette La Fonta Six : Mon histoire commence en 1955 année de ma naissance mais elle continue et surtout elle change de cap en 2014. Puisqu'en 2014 je découvre que ma scoliose d'adolescence, qui était une petite scoliose comme tout le monde en a, était devenue une double scoliose de 73 degrés double courbure, c'est à dire que mon futur et quasiment mon présent c'était les petites vieilles qui passent le nez à l'horizontale dans la rue. Je ne pouvais plus marcher, j'étais foutue.

J'arrive à l'hôpital, bon, je sais ce qui m'attend, c'est une arthrodèse. C'est une opération de 10 heures, c'est une opération lourde, il n'y a pas d'opération à risque zéro mais on m'a dit, le chirurgien m'a dit : “Vous savez des comme vous on en fait toutes les semaines madame, dans deux mois vous reprenez votre vie normale.”

Quand on me réveille en fait je me retrouve en réa et très vite il y a en face de mon lit un aréopage de médecins tous en bleu et en blanc et ils n'ont pas l'air tellement contents, objectivement. Il y a 5, 6 médecins, infirmières, chefs de service, le neurologue, l'assistant du chirurgien, enfin il y a vraiment trop de monde pour que ça ait l'air honnête. Et en fait ils ont l'air tellement embêtés que je dis “qu'est ce qui se passe?”. Il y a mon mari aussi qui est là et ils me disent “Madame voilà, l'opération s'est bien passée.” Merci. “Mais on a un petit problème, votre moelle épinière a été lésée, on a réopéré, et on n'a pas réussi à la rétablir. Vous êtes paraplégique, vous ne marcherez plus.

Adélie : Mais aujourd’hui 5 ans après l’opération, après des mois de rééducation douloureuse, Nadalette arrive à peu près à tenir sur ses jambes. Elle marche difficilement à l’aide de béquilles. Grâce à leur résilience, Marie-Line, Hervé et Nadalette ont tous les trois appris à faire avec le souvenir et les conséquences de ce qui a bouleversé leur vie. 

Que faire, quand des événements comme ceux qu’ils ont vécu viennent complètement changer l’ordre de nos vies ? Comment dépasse-t-on un traumatisme ? Que ressent-on quand on essaye de traverser ces moments-là ? Qu’est-ce que c’est que cette “résilience”, qui se joue dans les mois ou les années après le traumatisme ?

Je m’appelle Adélie Pojzman-Pontay, bienvenue dans Emotions. 


GÉNÉRIQUE

Adélie : Lorsque certains événements nous tombent dessus, ils sont tellement difficiles à vivre, tellement violents et lourds, qu’on n’arrive pas à les comprendre. Ils laissent notre cerveau gelé, incapable d’appréhender cet événement. Cette incompréhension première, qui se traduit souvent par un état de choc ou de sidération, c’est comme ça que Murielle Villani, une psychologue clinicienne et chercheuse, définit le traumatisme. 

Murielle Villani : Le traumatisme, la définition c'est que ça nous dépasse, ça dépasse nos capacités psychiques à le comprendre.»

Adélie : Ce qui est traumatisant ou non, ça change énormément d’une personne à l’autre. Il n’y a pas de lien de rupture nette entre ce qui est traumatique et ce qui ne l’est pas.

Murielle Villani : Un traumatisme ce n'est pas le même pour tout le monde même si de l'extérieur on dirait que c'est le même. En réalité c'est le sens, un sens qui n'est pas élaboré, mais c'est le sens brut que la personne donne au traumatisme qui fait que c'est un traumatisme ou pas.

Adélie : Murielle Villanie a fait sa thèse sur la résilience familiale lorsqu’un enfant est atteint d’une maladie rare. 

Murielle Villani : Au départ le mot de résilience s'applique aux métaux. C'est l'idée que quand on travaille un métal, quand on lui fait du mal un petit peu, on le travaille, on le chauffe ect... et bien ensuite il va reprendre sa forme initiale. C'est une définition qui a été gardée ensuite dans les sciences humaines, mais maintenant on va plus loin puisque si on dit reprendre sa forme initiale c'est déjà énorme après un traumatisme. Mais en fait pour certains la résilience c'est encore plus, c'est à dire qu'on en sort pas exactement pareil, on en sort renforcé.

Adélie : Ce concept de résilience a été transposé du monde de la sidérurgie à celui de la psychologie. Ça désigne la manière dont un individu reprend forme, et potentiellement se renforce, après un traumatisme. 

Murielle Villanie : La résilience on peut la définir comme le fait d'avoir, après un événement qui normalement comporte la possibilité d'une issue très négative, pour la personne ou pour l'écosystème ou la famille qu'on étudie ; donc après cet événement là en réalité il y a une façon de s'en sortir qui est acceptable pour la société. C'est la définition on va dire de base tout le monde est d'accord avec celle là.

Adélie : A partir de cette définition de base, il y a plusieurs théories sur la résilience, et il n’y a pas de consensus scientifique sur le concept. 

Murielle Villanie : C'est pour ça qu'on dit que c'est un concept mou. C'est Cyrulnik qui le dit lui même.

Adélie : Boris Cyrulnik, c’est un neuropsychiatre français, qui a importé et popularisé en France le concept de résilience. 

Murielle Villani : La résilience pourrait être considérée comme un trait de personnalité. Ou bien comme une façon de faire face à une situation à un instant T, dans ces cas là on l'appelle la résilience état ou la résilience qui se rapproche du faire face, en anglais ça s'appelle le coping. Ou bien, et bien moi c'est la définition qui me semble la plus intéressante, la résilience peut être considérée comme un processus qui prend du temps et s'installe dans le temps.

Adélie : C’est un processus long, qui peut être laborieux et qui n’est pas nécessairement linéaire. 

Murielle Villani : Au niveau de ce cheminement c'est totalement individuel, ça prend le temps dont la personne a besoin pour faire ce travail de résilience.

Adélie : En pratique, le processus de résilience, c’est réussir à donner du sens à l’événement traumatique. 

Murielle Villani : En gros, je schématise : je n'ai rien compris à ce qui m'est arrivé. J'ai des sensations brutes, des flash back des choses très violentes. On en vient finalement à un vrai récit : Bon et bien par exemple j'ai été agressée, ça a été douloureux, ça a été ceci, ça a été cela, j'ai culpabilisé, mais maintenant j'ai compris, par exemple, que je n'y étais pour rien. Et puis ensuite on va pouvoir passer un cran en disant “je peux en parler assez librement. Je n'ai aucune honte puisque ce n'est pas de ma faute et je peux même faire profiter de mon expérience de résilience à d'autres personnes autour”. Donc ça c'est très important.

Adélie : Ce qui est compliqué avec ce processus de reconstruction, c’est qu’il demande une énergie très importante aux victimes. 

Murielle Villani : Il y a des auteurs qui parlent d'un prix à payer pour être résilient. C'est à dire que ça consomme quand même beaucoup d'énergie psychique, beaucoup de ressources mobilisées, beaucoup de défenses, beaucoup de travail. Et donc on dépense de l'énergie... alors est ce qu'on a un réservoir d'énergie infini? Ce n'est pas sûr.

Adélie : La résilience c’est un peu un élastique, vous pouvez étirer un élastique, ça le met en tension, ce n’est pas neutre comme effort. Mais surtout, vous ne pouvez pas l’étirer à l’infini : au bout d’un moment l’élastique casse. La résilience, c’est pareil, on en a tous une certaine réserve, qui varie d’une personne à l’autre et qui surtout dépend de nombreux facteurs. 

Le premier élément qu’a évoqué Murielle Villani c’est la personnalité. Il y a des traits de personnalité qui rendent plus facile la mise en place de la résilience. 

Murielle Villani : La faculté à créer des liens, la faculté d'humour, l'impression d'avoir un contrôle sur sa vie… sont des facteurs qui vont être aidants mais c'est peut être un peu réducteur de ne regarder que les traits de personnalité puisque encore une fois la résilience c'est quand même beaucoup plus globale que juste des traits de personnalité.

Adélie : Il y a une bonne métaphore pour comprendre comment fonctionne la résilience. C’est Line Bernier, une psychologue québécoise, qui nous en a parlé. 

 Line Bernier : Prenez l'exemple d'une poupée qui tombe sur le sol.

La poupée, c’est la personne qui est victime de quelque chose. La chute, c’est l’événement traumatique. Line Bernier explique que déjà, en fonction du matériau de la poupée, on ne la retrouvera pas dans le même état une fois tombée. Entre une poupée en chiffon et une poupée en porcelaine, le résultat n’est clairement pas le même. Ça, le matériau de la poupée, ça rejoint ce que Murielle Villani disait sur la personnalité. 

Murielle Villani : La résilience pourrait être considérée comme un trait de personnalité.

Adélie : Lorsque je parlais avec Nadalette La Fonta Six –la femme qui s’est retrouvée paraplégique après une erreur médicale pendant une opération de la colonne vertébrale– sa manière de raconter ce qu’il lui était arrivé, avec humour, optimisme et pragmatisme m’a beaucoup marqué. Déjà parce que pendant l’interview, elle s’est arrêtée en plein milieu d’une phrase pour me dire:

Nadalette La Fonta Six : Attendez, je m'excuse mais il y a un mec qui passe sous ma terrasse et je regardais simplement s'il n'était pas en train de cambrioler la maison. Mais bon pour l'instant non, il est en train peut-être de se casser la jambe. C'est pas grave.

Adélie : Sachez qu’à ce moment là, on se parlait sur Skype et Nadalette était allongée chez elle à La Rochelle. Elle marche mais difficilement, avec des béquilles et perd facilement l’équilibre, et autant vous dire que si j’avais été à sa place, j’aurais réagi très différemment à la perspective d’un mec peut-être en train de faire effraction chez moi. En tous cas ça dénote une certaine dose de pragmatisme face aux aléas de la vie. Comme  lorsqu’elle s’est réveillée paralysée. 

Nadalette La Fonta Six : J'avais 59 ans au moment de l'opération. Je pensais plutôt faire une fête rock pour mes 60 ans qu'une fête en déambulateur.

Adélie : Après son opération, Nadalette a passé de longs mois à l’hôpital, allongée sans pouvoir bouger. Tous les jours, on la mettait sur ce qu’on appelle une “table de verticalisation”, c’est-à-dire une table destinée à remettre le corps à la verticale, tout doucement, millimètre après millimètre, jour après jour. 

Nadalette La Fonta Six : C'est comme les astronautes à la NASA, on ne peut pas vous remettre debout tout de suite, parce que vos pieds comme vous avez été allongé trop longtemps ont perdu la connexion et votre cerveau surtout a perdu la connexion au sol. Donc millimètre par millimètre on me redresse, je vomis, je tombe dans les pommes, on me rabaisse, je vomis, je retombe dans les pommes etc... jusqu'au moment où j'arrive à peu près à la verticale. Ce qui veut dire que ce que j'ai du faire d'abord c'était de m'occuper de moi même et de mon corps.

Adélie : Mais même pendant tous ces mois enfermée, Nadalette parvient à isoler les moments de plaisir. 

Nadalette La Fonta Six : Ce n'est pas une période où tout est noir, il y a des soignants vachement sympa. Il y a le fait de ne plus porter de couches culottes, il y a un jour c'est le printemps et il y a un arbre qui fleurit dans les jardins de l'hôpital et c'est beau, il y a les visites des amis, de la famille, de mon mari. Quand il m'a emmenée prendre un thé à la cafétéria de Garches, pour moi c'était quand même un très très bon moment. Je n'aurais jamais imaginé que j'aurais apprécié un moment dans cette sorte de cadre et avec cette sorte de thé. Mais si, mais si.

Murielle Villani : La notion d'espoir est très importante, elle est au cœur de la résilience. La résilience même c'est un concept qui fait peut être d'ailleurs partie un peu de ce qu'on appelle la psychologie positive, c'est à dire de se tourner vers les pistes d'amélioration et de dire oui on peut s'en sortir, non notre vie n'est pas finie.

Adélie : L’espoir, l’optimisme qui ressort dans les mots de Nadalette, elle m’explique que c’est à la fois le résultat d’efforts conscients de sa part pour se focaliser sur le présent, grâce à la méditation notamment, mais c’est aussi le résultat d’autres expériences douloureuses qu’elle a pu traverser dans sa vie. 

Nadalette La Fonta Six : Je suis jumelle, mon frère jumeau est mort à la naissance dans des conditions assez épouvantables. Son corps a été poubellisé donc bon… j'ai toujours eu ce sentiment depuis mon enfance que j'avais eu 50% de chances d'aller à la poubelle donc que la vie est vraiment précieuse et que la mort est assez inéluctable, ce qui n'est pas une grande révélation. Et j'ai toujours, même paraplégique et à l'hôpital et après, ce sentiment que mon Dieu je suis en vie. Alors, c'est pas la vie que je voudrais mais elle est d'autant plus riche que j'ai frôlé encore une fois des grosses catastrophes.

Adélie : Être pragmatique, voir le bon côté des choses, avoir de l’espoir, se dire qu’on a le pouvoir d’agir sur notre vie, ce sont autant de traits de personnalité qui aident à la résilience. Murielle Villani parle aussi d’une autre dimension, plus difficile à cerner, à comprendre et surtout à mesurer. C’est le QI – le quotient intellectuel, c’est un concept imparfait et incomplet mais qui permet quand même de mesurer certains facettes de l’intelligence. Chez les enfants, le QI est souvent caractérisé par rapport à la moyenne des enfants de leurs âges. 

Murielle Villani : On a quand même des mesures qui vont nous donner certaines facettes du QI et ce sont ces enfants là que dans certaines études anglo saxonnes qui datent maintenant déjà un petit peu mais qui ont été faites de manière très sérieuse, on a vu que parmi les traits caractéristiques des enfants plus résilients après traumatisme il y avait le niveau de QI.

Adélie : Dans tous les cas, si certains traits de personnalité aident à être plus résilient, il y a bien d’autres facteurs, externes cette fois-ci, qui jouent un rôle dans ce processus. Il est complexe, multiple et tous les différents éléments sont importants. 

Murielle Villani : Les personnes qui ont la faculté de garder un espoir sont plus aidées au départ dans un processus de résilience. Après il y a aussi tout l'environnement et l'entourage que ce soit la famille, les amis, un tuteur de résilience ou bien un thérapeute qui va lui croire au fait que il peut y avoir résilience et il va y avoir résilience.

Adélie : Lorsque Murielle Villani parle d’environnement, il faut comprendre ce mot au sens large. C’est la famille directe bien sûr, mais c’est aussi les amis, et potentiellement comme dans le cas de Nadalette et Marie-Line, les soignants. La réponse de cet entourage au traumatisme vécu est un élément central de la résilience. 

Pour continuer la métaphore de la poupée de Line Bernier, la psychologue québécoise, il n’y pas que la matière de la poupée qui compte :

Line Bernier : L'état dans lequel avoir trouvé la poupée va dépendre à la fois de la force de la tombée si vous voulez, ça va compter pour une partie de l'état de la poupée. Le deuxième élément c'est le sol sur lequel tombe la poupée. Une poupée qui tombe sur un sol en ciment ou en béton, sera plus fracassée que si elle tombe sur un lit de plume.

Adélie : Le sol c’est l’environnement dans lequel la personne qui a vécue le traumatisme est accompagnée, soignée. 

Lorsqu’à 13 ans, Hervé Zabukovec subi des attouchements par le prêtre, il s’empresse d’en parler à ses parents. Mais la réponse de sa mère, souvenez-vous, c’est : «On ne va pas faire un scandale pour si peu.»

Hervé Zabukovec : Cette phrase, elle est ancrée en moi, elle est gravée dans ma mémoire. C'est vraiment le flash quoi. Lui, mon géniteur, n'est pas du tout intervenu mais il a indirectement acquiescé. Je l'ai analysé plus tard, quand j'ai commencé à rouvrir des cases, c'est qu'ils étaient très impliqués dans la ville. Socialement ils étaient dans ce qu'on appelait l'ascenseur social et que à mon avis ils ne voulaient pas faire de vagues au risque que ça nuise à leur notoriété. Voilà je suis restée là dessus j'ai enfoui dans ma mémoire ce qui s'était passé.

Adélie : Pendant des années Hervé oublie complètement l’agression.

Hervé Zabukovec : La mémoire s'est progressivement reconstituée à partir de d'événements rapportés sur les ondes radio, la télévision, lorsque on a commencé à parler d'attouchements dans les milieux sociaux, les milieux d'animation, d'éducation et je crois que les premières cases se sont ouvertes à partir de là et ensuite le flash ça été lorsque l'église a commencé à être interpellée par rapport aux actes de pédophilie dans l'église.

J'avais des nuits où je revivais ce que j'avais vécu, je sentais cette main sur mon corps je revivais complètement la scène, que j'avais auparavant complètement évincé de ma vie. On m'aurait parlé de ça je ne sais pas, à 20 ans je ne me souvenais pas du tout. J'en avais jamais parlé auparavant.

Adélie : La réaction des parents d’Hervé, qui ont balayé l’agression d’un revers de la main, c’est typiquement un environnement nocif, qui ne permet pas à la résilience de se mettre en place. Hervé a refoulé ce qui lui était arrivé. La psychologue Murielle Villani appelle ça un “mécanisme de défense”, c’est ce qui permet au cerveau de se protéger d’une trop grande douleur. 

Murielle Villani : On a toute une série de mécanismes de défense à notre disposition. On peut en choisir qui vont être bons. On sait par exemple qu’avoir une activité qui vise à mieux comprendre s'informer chercher de l'aide ça va être positif à long terme. S’alcooliser, ou prendre des drogues ou bien oublier, se changer les idées, penser à autres choses, ça va peut être vous aider sur le moment mais pas à long terme parce que d'abord il y a des mécanismes qui sont carrément dangereux comme l'abus de substances mais même le fait d'être évitant, d’éviter d'y penser, ça ne va pas résoudre le problème. On met les choses sous le tapis elles resurgissent dans pas longtemps.

Adélie : Ce mécanisme de défense chez Hervé, il s’est mis en place en réponse à un environnement délétère, un sol en béton armé si vous voulez. 

Murielle Villani : L’impact de l'environnement à commencer par la famille, est énorme sur la résilience d'un de ses membres. Ça commence par le déni ou pas. C'est-à-dire si la famille ne comprend pas ou ne veut pas comprendre, ça se voit assez souvent dans les questions de violence sexuelle, refuse d'admettre ce qui est arrivé ou traite la victime de menteur ou de menteuse. Là c'est carrément très très grave. Après il y a une deuxième réaction qu'il faut éviter, c'est la double peine entre guillemets, c'est-à-dire, une personne a été victime, ok, maintenant on va pas considérer que sa vie est détruite et lui faire sentir sans arrêt que sa vie est détruite parce qu'alors là on la condamne et c'est aussi ça qu'apporte le concept de résilience : Oui on peut s'en sortir. Non notre vie n'est pas foutue. Les familles où il va y avoir un refus d'espoir ou un refus d'avenir pour une victime qui est en son sein vont être plutôt nocives. A côté de ça vous avez comme d'habitude des familles où on peut s'exprimer librement, avoir des partages d'émotions, de la bienveillance où là ça va nettement mieux se passer.

Adélie : L’environnement de la victime peut plus ou moins aider la personne à appréhender ce qui lui est arrivé. C’est pourquoi la reconnaissance de l’événement par d’autres, et de sa portée traumatique, est si importante dans le processus de résilience. 
Chez Hervé, au moment du traumatisme, cette reconnaissance a été nulle. Lorsque les cauchemars et les flashs sont arrivés, des années plus tard, Hervé a mis du temps à réussir à parler de ce qui lui était arrivé. 

Hervé Zabukovec : J'en ai parlé à personne la seule personne qui ait été informée c'est ma femme. Avec les affaires de pédophilie qu'on entendait à la radio ça me ravivait beaucoup d'angoisses, des nuits agitées, un mal être. Et un jour je lui ai dit “J'ai quelque chose à te dire de très important.” Ce quelque chose c'était bien sur ce que j'avais vécu mais j'étais encore dans l'incapacité de lui dire et j'avais une phrase qui me permettait de m'échapper un petit peu, je lui disais “ça va venir incessamment sous peu”. Elle a été d'un très grand soutien, d'un très grand réconfort. Lorsque j'avais des crises d'angoisse la nuit ou que des évènements que j'entendais à la radio sur les curés ça me mettait dans des états de mal être, elle était là pour me protéger me soulager. Et puis m'écouter.

Murielle Villani : Quand on vit quelque chose d’impensable déjà on n'arrive pas à le penser mais effectivement on a peur pour sa vie aussi. Il y a une menace terrible, il y a une effraction qui est traumatique, quand on se fait violer c'est le corps qui est effracté. En fait il y a eu un processus de refoulement très classique donc tout a été refoulé. C'était une question de survie. A ce moment là il était impossible, impensable, que cette personne accepte ce qui lui était arrivé et en fasse quelque chose.

Adélie : La reconnaissance du traumatisme ne se fait pas uniquement par la famille. Pour Marie-Line Silvert, la prof d’anglais de Arras qui a été renversée par une voiture devant son collège, ce n’est pas sa famille qui a douté des douleurs qui duraient des années après l’accident. 

Marie-Line Silvert : Mon fils un jour m’a dit “Maman je vois quand t'as mal, je vois dans tes yeux”.

Adélie : C’est plutôt le corps médical qui a du mal à la croire. Suite à son accident, elle voit médecin après médecin pour les rapports d’expertise et de contre expertise pour les assurances.

Marie-Line Silvert : J’ai eu des commentaires de médecin qui ne disaient pas que je faisais semblant mais qui disaient que c’était une situation pratique, parce que j’avais les médicaments gratuits, et que je ne travaillais pas et que j’étais rémunérée quand même de mon salaire à l’éducation nationale. Donc toutes ces choses-là on les ressent comme une atteinte à la personne, à sa propre personne, on trouve ça injuste, on trouve ça dégoûtant.

Adélie : Finalement c’est en 2004, trois ans après l’accident, que Marie-Line finit par être orientée vers une médecin du centre anti-douleur de Lille, consacré au douleurs chroniques. 

Marie-Line Silvert : Et à partir de là effectivement, quand je suis allée au centre anti-douleur de Lille ça a changé pas mal de choses parce qu’en fait je crois que c’est parce qu’on avait reconnu ma douleur, on avait reconnu mon statut de douloureuse chronique. Ce qui change avec les médecins à partir du moment où je vais au centre anti-douleur, c’est qu’on m’écoute, c’est un médecin spécialiste de cette discipline, en plus il y a une psychologue dans un autre bureau qui vous reçoit et vous pouvez décharger tout votre bagage d’anxiété et autres, qui vous dit que vous pouvez vous faire suivre aussi par une psychologue, un psychiatre si vous le souhaitez. Là on met devant vous toutes les possibilités qui s’offrent à vous pour essayer de gérer au mieux cette douleur.

Adélie : Cette reconnaissance médicale de ce qui lui arrivait, ça a été important pour Marie-Line. Parce que ça lui a démontré qu’elle n’était pas folle et que ces douleurs existaient bien. Nadalette La Fonta Six, elle, a aussi eu son moment de vérité avec le chirurgien qui l’avait opérée. Ça se passe en octobre 2015, lors de la visite 1 an après l’opération. 

Nadalette La Fonta Six : J'ai touché la tristesse. Je n'ai pas encore touché la colère, la colère elle viendra après. La tristesse c'est le sentiment d’injustice, c’est le sentiment que je touche à ce moment là, oui je sais que j'ai perdu une partie de ma vie, j'ai perdu mes jambes. Je pense que je vais remarcher mais je me rends bien compte que je ne vais pas avoir la même vie. Mais la colère je l'exprime pas encore elle est encore enfouie et elle viendra en effet au bout d’un an quand il a regardé mon dos et il m'a dit que l'opération est réussie et là, c'était la phrase à pas me dire. Donc ça a bien libéré la colère et puis il m'a dit “au revoir Madame” et là moi j'ai dit “Attendez je crois qu'il y a un petit problème, donc si vous voulez bien je m'assois” d'ailleurs je m’assis, “et puis j'ai quelques questions à vous poser”.

Adélie : Dans un sens, l’opération a bel et bien fonctionnée : Nadalette n’a plus la scoliose à 73 degrés et à double courbure pour laquelle elle avait subie la chirurgie. Son dos était droit, pas de problème, les deux tiges de métal qu’on avait mises de chaque côté de sa colonne vertébrale faisaient le boulot. Mais de là à dire que tout allait bien, il ne fallait pas exagérer : c’est bien pendant cette opération que sa moelle épinière a été touchée et que Nadalette s’est retrouvée en fauteuil roulant, à ne plus pouvoir marcher. 

La reconnaissance de l’épreuve vécue, c’est vraiment à ne pas négliger, car ça peut avoir des conséquences terribles pour la victime. Et cette notion d’environnement est à comprendre au sens très large, explique Murielle Villani. 

Murielle Villani : Alors il y a un exemple qui est connu c'est celui de Primo Levi.

Adélie : Primo Levi c’est un écrivain juif italien qui été déporté à Auschwitz pendant la Shoah. Il est particulièrement connu pour son livre Si c’est un homme où il parle des ses années en camp de concentration.

Murielle Villani : Primo Levi, notamment une des raisons pour lesquelles il s'est suicidé c'est aussi du fait de ce non partage, cette incompréhension de son entourage puis de la société un petit peu plus largement. C'est évident que, il est question de liens, il est question de partage, il est question d'attachement et de soutien social donc on ne peut pas être résilient vraiment tout seul. À mon avis.

Adélie : La reconnaissance, ça va aussi avec un autre facteur de la résilience qui est la possibilité de mettre des mots sur ce qui est arrivé et sur les émotions qu’on a ressenties au moment du traumatisme, et par la suite. 

Murielle Villani : Ce sont surtout les mots qui caractérisent les émotions qu'on a vécues qui sont intéressants à identifier parce qu'il y a eu un gel des émotions pendant le traumatisme. Il y a eu ce moment de sidération, on s'est peut être même parfois dissocié c'est comme si on était étranger à ce qui nous arrivait à son corps etc. Et donc on n'a rien ressenti. C'est d'ailleurs souvent comme ça qu'on identifie des traumatismes chez des enfants quand ils parlent de quelque chose qui leur est arrivé quelques années auparavant ou quelques mois auparavant et qui nous disent qu'ils n'ont rien ressenti ils étaient tout vide à ce moment là. C'est un signe très probablement de traumatisme. Donc aider la personne à retrouver ses émotions c'est très utile parce qu'elles sont là d'une certaine manière. C'est juste que là elles sont comme enkyster tandis que si on leur redonne un sens on va permettre de s'en libérer.

Adélie : Si au moment du rendez-vous avec son chirurgien 1 an après l’opération qui l’a rendue paraplégique, Nadalette parvient à exprimer sa colère et sa tristesse, c’est parce qu’à cette même période elle doit remplir “des cahiers de doléances” pour les assurances.

Nadalette La Fonta Six : De cette écriture purement technique en fait à un moment je me suis rendue compte que j'avais plaisir à écrire. L'écriture m'a permis d'expulser ma colère, indéniablement.

Adélie : Marie-Line Silvert, elle, trouve une autre manière de mettre des mots sur ce qui lui est arrivé. Après avoir été prise en charge au centre anti-douleur de Lille, elle commence à se renseigner sur sa maladie, à beaucoup lire, à devenir bénévole. Jusqu’à ce jour de 2009, où sa fille lui parle d’un master qui pourrait lui plaire à l’université d’Artois. 

Marie-Line Silvert : Tout ça j’ai voulu l’officialiser, et c’est grâce à ma fille que je l’ai fais parce que elle m’a trouvé une formation qui correspondait  à ce que je voulais faire, le Master en Santé prévention et rééducation sociale. J’ai très bien réussie donc j’ai pu m’inscrire en doctorat, actuellement je suis en 2ème année de doctorat en psychologie de la santé. Je peux nommer maintenant mes réactions et ça je le dois à mon apprentissage théorique de l’université. L’empowerment c’est récent, c’est parce que j’ai repris des études et en préparant le master j’ai eu à côtoyer ce concept là et du coup c’est vrai on peut mettre une étiquette sur ce que j’ai fais maintenant, sur chaque acte que j’ai effectué je pourrais mettre pour la plupart un concept derrière.

Adélie : Tout au long de ces différentes étapes, les personnes qui entourent la victime jouent un rôle fondamental. Certains sont particulièrement présents à chaque étape du processus, c’est ce qu’on appelle dans le jargon scientifique des tuteurs de résilience. Des tuteurs, comme un tuteur de tomates. Ce sont des personnes sur lesquels la victime peut s’appuyer, avec qui elle trouve soutien et sécurité. 

Murielle Villani : Il y a une autre chose qui est fondamentale et c'est très vrai pour les enfants, c'est aussi un peu vrai pour les adultes, c'est qu'il faut avoir un attachement. Il faut avoir un lien parce que l'humain c'est ça c'est du lien, c'est de l'attachement et c'est pour ça que Cyrulnik parle de tuteurs de résilience. C'est à dire que ce qui va énormément aider c'est quelqu'un qui est là pour vous, qui vous soutient, qui vous aime, avec qui vous avez un vrai lien. Si vous n'avez pas ce lien ça va être très difficile d'envisager une résilience.

Adélie : Ce sont des personnes qui font preuve d’empathie et d’affection, qui laisse à l’autre la possibilité de parler ou de se taire, qui respecte les différentes étapes de la reconstruction et qui ne réduisent pas la personne à son traumatisme. Pour Hervé, c’est sa femme qui a joué ce rôle de tutrice de résilience. C’est vers elle qu’il s’est tourné quand il les souvenirs sont remontés à la surface de sa mémoire. Elle l’a laissé venir, à son rythme, sans le brusquer, jusqu’au au moment où il a été prêt à lui confier ce qui lui était arrivé. 

Hervé Zabukovec : Ça avait de l'impact sur notre vie parce qu'elle le voyait bien que j'avais des moments où je n'étais pas bien, que je m'isolais et je me suis dit “Il faut que je lui dise, je ne peux pas la laisser dans l'ignorance de ce qui s'est passé”. C'est un des éléments je suis persuadé qui m'a permis d'avancer dans la vie et de ne pas me réfugier dans le malheur et dans la souffrance de l'acte. Ça m'a permis d'en parler et de me libérer et de pouvoir analyser les choses.

Adélie : Le dernier élément qui peut favoriser la résilience, c’est de confronter son agresseur, ou en tout cas un agresseur. C’est Line Bernier, la psychologue québécoise qui nous en a parlé. Elle a fait toute sa carrière en tant que psychologue dans les prisons, mais depuis son départ à la retraite il y a environ dix ans, elle est bénévole dans un centre de justice réparatrice à Montréal. 

Line Bernier : Alors la mission du Centre de services de justice réparatrice c'est de réparer en quelque sorte ce que le crime a brisé. Vous savez que le crime c'est vrai que ça brise la loi, on s'entend tous là dessus mais ça brise aussi la relation de confiance entre les individus de la société. Il y a une relation qui a été brisée, le tissu social est perforé, déchiré par les actes qui sont posés et ce qu'on tente de faire c'est de retisser ce tissu là. Le moyen principal utilisé au sein d'un service de justice réparatrice c'est précisément de mettre en contact des personnes qui ont vécu le crime, du pôle de la victime et du pôle des offenseurs et de faire ça en présence de citoyens.

Les victimes ont très peu d'occasions de se faire entendre pendant le procès ou même s'il n'y a pas de procès, de se faire entendre de la famille ou même de la mesure lui même dans certaines situations. Alors c'est une occasion pour les victimes d'exprimer ce qu'elles ont vécu dans le sillage du crime dont elles ont été victimes et c'est une occasion pour les offenseurs de présenter des excuses ou d'exprimer comment ils se sentent devant la détresse, la peine, les difficultés vécues par la victime.

Adélie : Pour filer la métaphore de la poupée qui tombe sur le sol, le centre de justice réparatrice, ça fait aussi partie du type de surface sur laquelle tombe la poupée : Line et les autres bénévoles essayent à travers cette initiative d’aider les victimes à rebondir après leur chute.

Les rencontres entre victimes et agresseurs sont très encadrées. Il s’agit surtout de cas de violences sexuelles comme des viols, des agressions. Les victimes font la démarche volontairement, ce n’est en aucun cas une étape obligée du système correctionnel canadien. Et elles ne rencontrent jamais leur agresseur. Elles rencontrent quelqu’un qui a commis un crime similaire à ce dont elles ont été victimes. 

Line Bernier : La plupart du temps, les victimes viennent après une bonne préparation. Elles ont déjà assimilé une partie de ce que leurs crimes leur avaient fait, elles ont travaillé sur elles mêmes, elles ont déjà reçu de l'aide mais il manque quelque chose et ce quelque chose là ça se passe entre la victime et un offenseur. Ces gens là savent ce qui se vit pendant une agression, au delà de ce que nous autres on peut savoir où sentir. Alors quand ils sont en présence de l'autre ça permet de rétablir l'équilibre dans la relation de façon à ce que ces gens là redeviennent des citoyens dans le fond qui peuvent participer activement à leur propre épanouissement mais aussi à celui de la société.

Adélie : Il y a deux types de rencontres, celles qui se font en duo –une victime et un agresseur– et celles qui se font en groupe. Dans ce dernier cas, il y a trois ou quatre personnes dans chaque groupe et ils se rencontrent chaque semaine pendant 8 semaines. Dans chaque rencontre il y a la victime, l’offenseur, deux bénévoles et des citoyens lambda, des gens comme vous et moi qui se portent volontaires. 

Line Bernier : Vous savez, la résilience les individus la trouvent en eux mais il la trouve aussi à l'extérieur d'eux avec le regard que la société porte sur les victimes et les offenseurs. C'est très important.

Adélie : On a demandé à Line Bernier de nous raconter comment se passe une rencontre. 

Line Bernier : On va demander à la victime de parler de comment elle a vécu le crime de ce qui reste en elle de ce crime là. On va demander la réaction de l’offenseur de ce qu’il a entendu. Après une première partie où chacune des personnes s'exprime et dit tout ce qu'elle a à dire, il y aurait un échange entre les deux.

 Les victimes ont souvent des questions à poser aux offenseurs ou les offenseurs ont quelque chose à dire aux victimes sur l'impact de ce qu'ils ont entendu, de ce qu'ils comprennent de ce qui les a amenés à commettre un crime aussi. Et les membres de la communauté vont faire des commentaires qui vont leur revenir. Que ce soit un commentaire sur l'ampleur des conséquences pour la victime ou un commentaire sur le fait qu'un offenseur n’a pas été suffisamment éloquent, ou même il va peut être être surpris de voir qu'un délinquant est capable d'exprimer de la culpabilité.

On a souvent l'impression que les gens qui commettent des crimes ce sont des gens qui n'ont pas de coeur. Pendant le crime ils ont été centré davantage sur eux que sur les gens qui étaient là, mais après ces gens là ils reprennent souvent le contrôle de leur vie et ils font ce qu'ils ont à faire pour comprendre ce qu'ils ont ce qu'ils ont fait et ils sont capables d'exprimer des regrets sincères aussi. Et le fait d'entendre, particulièrement dans les rencontres qu'on fait au niveau de l’inceste, le fait d'entendre un père dire à une fille, même si ça n'est pas la sienne et qu'elle est adulte qu’il regrette les gestes, que c'est lui qui est le seul responsable, que l'enfant n'avait pas depuis plusieurs années à porter le fardeau de ce crime là, c'est très libérateur pour la victime puis pour l’offenseur ça lui permet de retrouver du respect pour lui, de l'estime de soi en quelque sorte, de la dignité. Même si la victime a obtenu justice en envoyant son agresseur condamné à une sentence elle n'a jamais obtenu ce qu'elle cherchait, c'est à dire la confirmation qu'elle a bel et bien été victime. Et ça c'est quand ça sort de la bouche d'un offenseur ça a plus de poids que quand ça sort de la bouche d'un thérapeute.

Au terme des rencontres. On fait une pause généralement avec les victimes et les offenseurs qui se sont rencontrés dans un face à face, on va faire un appel à la victime pour voir ce qui s'est passé depuis et prendre des nouvelles d'elle parce que sur le coup on sait qu'elle était bienheureuse mais parfois on ne sait pas combien de temps ça dure alors on fait un appel et du côté des rencontres des victimes en fin de rencontre. Après trois mois, on ramène victimes offenseur et citoyens ensemble et on regarde le bilan et dans tous les cas les commentaires des victimes et des offenseurs vont dans le sens d'une transformation profonde d'un tournant dans leur vie. Les victimes parlent de empowerment, de l'expression anglaise de reprise de pouvoir si vous voulez, de se sentir libéré. Beaucoup disent en quittant les rencontres “j'ai un poids de moins sur les épaules” je pense à une victime que j'ai accompagné qui nous disait “quand je suis sortie du pénitencier je pense que j'ai volé au dessus des marches tellement je me sentais légère”. Et du côté des offenseurs ça c'est un peu comme “maintenant je sais que je peux faire quelque chose de bien dans ma vie”.

Adélie : Hervé n’a pas pu confronter son agresseur, mais il y a quelques années, il a néanmoins voulu savoir pourquoi son père n’avait pas réagi lorsqu’il a essayé de lui parler de l’agression quand il avait 13 ans. 

Hervé Zabukovec : À plusieurs reprises je l'avais interpellé pour lui dire que j'avais plusieurs choses à lui dire et il a fallu que j'attende mes 57 ans, et puis lui ses 82 ans pour qu'enfin un jour je puisse le violenter un petit peu en l'obligeant de rester avec moi et à m'écouter.

Un jour il a pas pu s'échapper et je lui ai dit trois choses dont la dernière qui concernait le passage à l'acte de ce prêtre sur mon intimité et j'attendais de sa part qu'il me dise. J'avais besoin d'une vérité, qu’il s'excuse, qu'il me dise pourquoi il n'avait pas réagi, pourquoi ils avaient minimisé la chose et pourquoi il ne m'avait pas protégé. Et il n'a rien dit, il m'a regardé sans réaction, sans sourciller, sans un mot et sans une excuse.

Ça a été très difficile après pour moi parce que je pense que j'étais dans une période où j'avais vraiment besoin de comprendre pourquoi des adultes censés me protéger n'avaient pas été à la hauteur, des adultes qui étaient mes parents. Pas des personnes anodines c'étaient mes parents donc j'avais besoin de cette vérité et que qu'ils sachent combien j'avais souffert de leur silence. Et il a gardé le silence.

Adélie : Hervé raconte que c’est cette confrontation, pas celle avec un agresseur certes, mais avec quelqu’un qui avait entravé la résilience, qui lui a permis de pouvoir en parler par la suite.  

Hervé Zabukovec : J'avais des remontées d'adrénaline.Je n'étais pas bien. Je sentais que psychologiquement j'étais en difficulté et depuis que j'ai pu le dire à mon géniteur, ma parole s'est libérée.

Adélie : C’est à ce moment là qu’il en parle à ses enfants, à des amis, mais surtout qu’il décide témoigner publiquement. En mars 2019, il contacte La Parole Libérée, une association basée à Lyon, en soutien aux victimes d’actes de pédocriminalité commis par des hommes d’église. 

Hervé Zabukovec : J'ai dit “Il faut que je témoigne”. Cette écriture a été aussi un facteur libératoire au niveau de ma pensée. Et puis enfin je mettais des mots sur des sentiments, sur des douleurs, sur des blessures.Ill m'a fallu un mois pour arriver au témoignage que je leur ai adressé. Je voulais un témoignage qui reprenne tout mon ressenti, toute l'histoire mais je voulais surtout dire aux parents combien ils avaient un rôle important et qu'ils ne devaient pas minimiser la parole de leur enfant et être à l'écoute, que c'était leur devoir. C’était une fois de plus pour construire quelque chose et partir de mon vécu pour dire, “mais attention, votre enfant s’il vous interpelle prenez en compte sa parole ne laissez pas tomber.

Adélie : Une fois les mots mis sur le traumatisme, une fois celui-ci reconnu, on peut espérer que le processus de résilience aide la victime à donner du sens à ce qui lui est arrivée. 

Murielle Villani : Le traumatisme était brut va maintenant pouvoir être intégré au récit de vie.

Adélie : Dans les meilleurs des cas explique Murielle Villani, la résilience s’accompagne de ce qu’on appelle un processus de sublimation du traumatisme. 

Murielle Villani : Pour l'adulte on peut rajouter dans une plus grande mesure la sublimation, parce que l'enfant va peut être plus être dans l'agir, dans le jeu et moins dans des créations artistiques, quoi qu’il y a des exceptions. Mais globalement c'est plus chez l'adulte qu'on va trouver de la sublimation.

On peut prendre l'exemple de Louise Bourgeois, qui est donc une grande artiste qui a sculpté et fait des installations et qui parle dans ses installations de ses traumatismes notamment dans sa famille. Il y avait une atmosphère très incestuelle au moins et beaucoup d'agressivité de choses infligées par son père par sa mère, par son père et sa mère, par son père à elle même. Et Louise Bourgeois finalement en parle tout le long de son oeuvre, elle a écrit, elle a répondu à des interviews sur ce sujet en expliquant comment ça avait pu l'aider dans sa résilience même si elle n'emploie pas ce mot là. C'est un très bon exemple de sublimation. Vraiment particulièrement réussie.

Louise Bourgeois : «Alors c’était des réflexions qui avaient à voir avec la sexualité enfantine et qui était très cruelles, cruelles, alors c’est ça que vous voyez dans mon travail, c’est ça, c’est pas explicite, moi je suis explicite ici.»

Adélie : La sublimation passe souvent par le domaine artistique. C’est ce qui est arrivée à Nadalette La Fonta Six avec l’écriture. Après avoir commencé avec des cahiers de doléances pour les assurances, elle a continué à écrire, pour elle. 

Nadalette La Fonta Six : Je ne m'étais jamais exprimée, très peu exprimée, jamais exprimée sur moi même. Surtout on se taisait, on ne donnait pas ces sentiments. Et ce coup là et bien c'est parti. J'ai exprimé mes sentiments dans l'écriture, j'ai exprimé mes sentiments par rapport ma famille, par rapport à ma vie, par rapport à mon enfance, par rapport à l'hôpital. 

Et par rapport à ce que j'espérais de la vie et j'ai surtout réalisé que mon premier rêve, le rêve de mes 18 ans que je m'étais interdit de vivre c'était d'être écrivain et ce rêve je me l’étais interdit parce que je voulais absolument réussir socialement pour enquiquiner toute la famille.

Au 2 ème anniversaire de mon opération j'ai mis le point final à ce que j'ai écrit après le cahier de doléances et je me suis aperçu que j'avais écrit un livre. Et là je suis resté séchée parce que je me suis dit bon bah écoute ma fille là tu n'as pas de solution, tu es en train d'accepter que tu veux parler, que tu veux communiquer, que tu veux partager, que tu veux bien être une femme publique. Maintenant si tu veux il y a deux solutions : ou ce livre, c'est un livre et il faut le publier.. Ou ce n'est pas un livre et en effet tu le remettras dans ton disque dur. 

Et puis j'ai vu deux copains qui étaient des gens que je respectais sur un plan littéraire. Je leur ai dit “si c'est de la daube vous êtes très gentils, vous me le dites très très vite parce que je n'ai pas du tout envie non plus d'être ridicule, je vous l'envoie. Et un jour. Pas de réponse. Deux jours, pas de réponse, trois jours, pas de réponse. Je me suis dit ils sont tellement gênés, c’est horrible de me dire que ça ne va pas. Et le troisième jour ils sont arrivés tous les deux en me disant “mais écoute c'est super c'est vachement bien t’écris très bien, qu'est ce que tu foutais avant, continue, revisite ton texte pour arranger tout ce qui a besoin d'être rebidouillé et puis envoie à un éditeur. Je suis restée chaos, c'était la plus belle journée de ma vie. Et puis après c'est ce que j'ai fait. J'ai revisité mon texte, je l'ai balancée chez un éditeur. Fauve m'a dit banco en mai 2017 et c’est sorti, mon livre «Le Roseau penchant» est sorti trois ans jour pour jour après mon opération. 

Je pense que moi ma conviction profonde c'est que l'écriture était une, ou la sculpture ou n'importe quel mode d'expression est une façon d’engrammer cette résilience. Mais pour moi ça rejoint mon rêve donc j'ai réalisé mon rêve et ce faisant je n'avais plus de nostalgie d'une vie passée ou de ce que j'avais perdu. Je voyais tout ce que j'avais gagné. Quelque part je vois le bénéfice caché de cet accident.

Adélie : Pour Marie-Line Silvert, la sublimation s’est faite sur le plan intellectuel à travers ses deux mémoires de master d’abord et puis aujourd’hui avec sa thèse. 

Marie-Line Silvert : Ça a complètement changé ma vie, ça a été un tournant incroyable. Je redevenais étudiante, je renouais avec l'enseignement, l'école, le savoir. C’était formidable. Tout ce que j'avais perdu, je le retrouvais. Et je pense depuis là, depuis que je suis en doctorat que je ressens ça, j’ai l’impression qu’avant je faisais des efforts phénoménaux pour oublier ma vie d'avant et je retrouvais une nouvelle vie, j’oubliais tout ça. Voilà, quand je me suis inscrite en doctorat c’est ce que j’ai ressenti et j’ai l’impression d’avoir tourné une page, mais de rester quand même comme je suis, d'être davantage même valorisée quelque part, ça peut paraître bizarre.

Je n’ai jamais été aussi bien qu'à ce moment là, quand j’ai eu une possibilité de pouvoir faire ça. Alors je ne sais pas si ça rachetait l'autre vie en fait, celle de l'accident, ma vie d'avant, ou est-ce que c’était parce que ça me valorisait davantage. Je retrouvais le contact avec les études, ayant été prof ça me manquait, je retrouvais le contact avec l'apprentissage, la curiosité, la lecture. En fait j’avais l’impression de retrouver la vie d'avant mais en étant autrement la même. Je me suis lancée dans l'aventure et je regrette pas, ça a été le début de ce que j'appelle la sublimation de ma maladie.

Adélie : Hervé, quant à lui, voit dans la carrière qu’il a menée auprès des personnes handicapées une manière de dépasser ce qui lui est arrivé. 

Hervé Zabukovec : Je crois que si j'ai fait ce métier énergivore, difficile, humainement j'entends mais qui était tourné vers les autres vers l'éducation, la réadaptation, ça avait tout ce cheminement professionnel aussi une vertu thérapeutique qui m'a permis de trouver de la reconnaissance auprès d'adultes certes qui n'avaient pas les mots de parents mais qui m'ont permis de donner du sens à ma vie. Et donner du sens à ce que j'étais, un être fragile perturbé avec un fardeau sur les épaules et je pense que toute cet engagement a été très important pour avancer et j'avance toujours, j'avance toujours.

Adélie : L’engagement dans des causes est une manière assez courante de donner du sens au traumatisme. C’est également ce qu’explique Line Bernier du centre de justice réparatrice à Montréal. 

Line Bernier : Alors on a beaucoup de victimes qui s'impliquent aussi au sein des services de justice réparatrice, parce qu'au delà des rencontres détenus-victimes, on tient des activités pour les victimes et on a aussi d'autres programmes pour préparer les offenseurs à la réparation.

Adélie : Au delà de la résilience des victimes à titre individuel, pour Line Bernier la démarche de la justice réparatrice va même plus loin. Ce qui se joue lors des séances de confrontation, c’est la résilience de la société toute entière. Lorsqu’un crime est commis, cela perfore le tissu social, ça crée de la méfiance entre les citoyens. La société a besoin de pouvoir se reconstruire après un crime. 

Line Bernier : Vous savez la résilience les individus la trouvent en eux mais il la trouve aussi à l'extérieur d'eux avec le regard que la société porte sur les victimes et les offenseurs. C'est très important. Mais ça fait partie aussi de ce qu'on a à faire socialement.

On ne peut pas juste être qu'un spectateur devant le crime, le crime nous atteint aussi nous autres les citoyens. Par exemple je regarde l'espèce d'hyper vigilance de la société envers les hommes. Maintenant que le mouvement a mis tout à gagner la planète depuis plusieurs années on voit ça, on se méfie des hommes âgés ou des hommes qui sont seuls puis qui se tiennent avec les enfants ou qui sont assis dans un parc, on devient tous craintif, quelqu'un se fait voler sur la rue on met tout des dispositifs de sécurité supplémentaire sur nos biens. Parfois même on sait qu'il se passe des choses, puis on ferme les yeux parce qu'on ne veut pas s'en mêler alors je pense que c'est une belle occasion de démontrer de la compassion pour des gens qui sont autour de nous plutôt que de se retirer. La peur, l'inquiétude ça crée une crispation dans l'individu alors que nous ce qu’on cherche c’est à créer une ouverture chez les gens et quand la communauté ça mobilise ça devient un tuteur de résilience très important.

Adélie : C’est notamment pour ça que lors des rencontres organisées par le centre de justice réparatrice, il y a des citoyens. C’est d’abord pour aider les victimes, et les agresseurs, à se reconstruire après le crime, mais c’est aussi pour que la résilience puisse se faire au niveau du tissu social. 
Si la vie vous a apporté des moments difficiles, vous savez maintenant que comme les tomates, c’est possible de continuer à grimper. Pour les autres, on espère que vous serez des tuteurs et des tutrices aimantes, sur lesquels vos proches pourront s’enrouler. 


GÉNÉRIQUE DE FIN

Vous venez de lire Émotions, un podcast de Louie Media. Suivez-nous sur Instagram et Twitter @emotionspodcast (émotions, avec un s). Vous y trouverez des lectures intéressantes, sur la compersion ou sur les émotions en général. 

Les interviews ont été réalisées par Maud Benakcha et moi-même. Maud a également participé aux recherches et plein d’autres choses pour créer cet épisode. Charlotte Pudlowski était à la rédaction en cheffe et à la production. Jean-Baptiste Aubonnet, Nicolas Ver et Claire Cahu ont assuré la réalisation, la création sonore, l’enregistrement et le mixage de cet épisode. Nicolas de Gélis a composé la musique et Jean Mallard a réalisé l’illustration.  

Merci évidemment à tous nos interlocuteurs de nous avoir accordé de leur temps, vous pourrez retrouver leurs œuvres et leurs références sur notre site: LouieMedia.com

Émotions, c’est un lundi sur deux, là où vous avez l’habitude d’écouter vos podcasts: iTunes, Google podcast, Soundcloud, Spotify ou Youtube. Vous pouvez aussi nous laisser des étoiles et nous laisser des commentaires. Et si ca vous a plu, parlez de l’émission autour de vous !

S’il vous est arrivé une histoire forte en lien avec une émotion, n’hésitez pas à m’écrire, sur Twitter @apjzpty ou à hello@louimedia.com. A très vite !