Retranscription : Nina Meurisse

Générique 

Agathe Le Taillandier : Dans une page magnifique d'Un barrage contre le Pacifique, Marguerite Duras rend hommage à la force et à la beauté du septième art. Son personnage de Suzanne est désœuvré et par un après midi à la chaleur étouffante, elle s'engouffre sans le savoir dans une salle de cinéma. Le texte dit ceci : "c'était l'oasis, la salle noire de l'après midi, la nuit des solitaires, la nuit artificielle et démocratique, la grande nuit égalitaire du cinéma. Plus vrai que la vraie nuit, plus ravissante, plus consolante que toutes les vraies nuits. La nuit choisie, ouverte à tous, offerte à tous. Ces mots sont revenus me hanter en écoutant ce nouvel épisode du Book Club avec l'actrice Nina Meurisse. Car c'est une véritable ode au cinéma et au jeu, à l'image et au corps de l'interprète que vous allez entendre. Elle choisit un livre signé par un réalisateur de cinéma, un livre qui l'accompagne au fil du temps et l'aide à ne jamais figer son métier d'actrice. Nina Meurisse s’est confrontée à un grand rôle récemment en interprétant la jeune Camille dans le film du même nom. L'histoire de Camille Lepage, photoreporter, tuée en Centrafrique en 2014. On la verra aussi cette saison sur les plateaux de théâtre dans le spectacle L'absence de père, mis en scène par Lorraine de Sagazan et librement inspiré de Tchekhov. Je suis Agathe Le Taillandier. Bienvenue dans le Book Club.

Générique

Nina Meurisse : Moi, j'ai grandi dans une maison où il y avait un mur de bibliothèque. Donc c'est un objet qui est un peu indispensable pour moi au quotidien, les livres, parce que j'ai l'impression que c'est une espèce de source, de voyage, d'imaginaire, de réflexion. Mais chez moi, j'en ai plusieurs. J'en ai une juste à côté de mon bureau où j'ai vraiment les quelques livres que j'aime beaucoup. Il y en a peut-être une vingtaine ou que je viens de lire. Et puis j'ai une pile aussi de livres que je voudrais lire et qu'on m'a offerts. Et puis que je n'arrive pas à lire. Des fois, ils mettent trois ans. Et puis, je me dis "zut on m'a offert ce livre. Je devrais avoir la politesse de lire tout de suite, mais je n'y arrive pas". Donc des fois, ça met beaucoup de temps. Et puis, j'ai une bibliothèque où il y a tous mes livres de photos puisque j'en ai beaucoup. J'ai presque peut-être plus de livres de photos d'ailleurs que de romans. Il y a un endroit où les livres de théâtre, où je ne vais vraiment pratiquement jamais. C'est des livres que j'ai eu quand j'étais en école de théâtre. Mon grand-père m'avait dit "On veut offrir un cadeau qui dure". Donc je me suis dit alors offrez moi tous les classiques en poche de théâtre. J'avais fait une grande liste et donc ces livres là que je relis assez peu finalement. Mais j'aime bien les avoir. Je me dis voilà, si un jour je dois reprendre un texte, je sais que c'est là. Moi, j'adore corner les livres, les noter, les trimballer dans 20 sacs, qu’ils soient abîmés. Donc, quand on prête un livre, je dis toujours : "alors est ce que t'es d'accord pour qu'il soit abîmé ? Sinon, je ne vais pas prendre ce livre". J'aime bien aussi mettre des livres dans les boîtes à livres. Il y en a une à côté de chez moi et voilà quand il y a un livre je me dis "bon, de toute façon, je le relirai jamais" . C'est bien que ça passe à quelqu'un d'autre. J'aime bien cette idée là.

Diriez-vous que votre bibliothèque vous raconte ? J'ai l'impression qu'on a toujours la bibliothèque qui nous ressemble beaucoup, qui raconte des moments de notre vie. Les livres d'enfance, moi, j'adore. J'ai tout un bouquin et les livres de bricolage de quand j'étais petite. Et puis les Yakari. Le club des cinq. Les Oui, oui que j'adore garder. Et puis tous les livres photos, des livres sur des comédiens où d'un coup, j'ai plutôt une période où je suis là dessus. Puis une période où je suis dans le Depardon, dans le reportage, dans les photos de journalistes. Et puis, il y a aussi beaucoup de livres que j'ai pour des personnages que j'achète parce que ça parle de l'époque. Ça pourrait ressembler au personnage ou ça parle du combat du personnage. Ou du coup, oui, je pense que ma bibliothèque est pleine de ça ou des choses sur lesquelles on a envie de travailler. Par exemple, j'ai une chambre à soi de Virginia Woolf en trois exemplaires. Ce que je crois qu'on m'en a parlé une fois, ça a été une révélation. Puis je l'ai perdu, je l'ai racheté. C'est un peu un livre, je me dis "faut pas que j'oublie cette idée de chambre à soi". Je pense que j'ai un complexe de lectrice. Comme je suis dans une famille où les gens lisent beaucoup et ont une mémoire sur tout comme moi, je ne me retiens pas du tout. Je peux lire un livre et l'oublier la semaine d'après. C'est très frustrant. Des fois, je me rends, je regarde la bibliothèque, je me dis mais j'ai lu tout ça.Je n'avais pas rêvé. J'avais oublié.

Musique

Alors, je suis dans ma loge à Saint-Jean-d'Angély, je suis entre deux prises, il y a du retard, alors du coup, je profite de ce moment pour faire cet enregistrement. Et donc je suis sur le tournage d'une série pour Amazon dont on ne peut pas parler parce qu'on est dans le secret des Américains, mais qui est en gros une série qui se passe dans les années 60 et dans un lycée qui est en train de devenir mixte. J'ai les cheveux coiffés et puis les costumes qui m'attendent. Et alors, comment je me suis préparée pour ce rôle ? J'ai fait aussi surtout beaucoup de regarder des photos des femmes de l'époque. Comment elles se tiennent? Il y a beaucoup de mimiques dans les mains qui se relèvent, les pieds, un peu en danseuse, à la raie, la hanche qui se met sur le côté, la tête un peu sur le côté. Aussi d'essayer d'être dans le corps de l'époque parce que de parler costumes et puis les talons, les robes qui sont très cintrées. Et moi, j'ai beaucoup de robes avec lesquelles je ne peux pas m'asseoir. Sinon, ça les froisse. Donc, cette idée de trouver ce personnage par le corps, je trouve ça toujours assez intéressant. Et puis moi, m'aider à rentrer dans une féminité qui n'est pas forcément quelque chose qui est dans ma nature au quotidien. Donc, j'aimais bien un peu me bousculer pour ce personnage.

Musique

Donc moi, j'ai choisi ce livre Notes sur le cinématographe de Bresson, qui est donc réalisateur. En fait, c'est le seul livre que j'ai toujours avec moi, que je relis, je relis pas les livres en général et celui-là, j'aime relire, le triturer. Il me questionne beaucoup, alors j'ai plein de pages qui sont cornées. Puis je vois qu'il y en a qui sont décornées. J'ai dû me dire "tiens, ça, c'est intéressant, mais non, ça ne l'est plus". Et puis, en fait, c'est un livre qu'on m'a offert. C'était quand j'étais l'année du bac. En fait, j'allais à Paris faire des cours au Conservatoire du 14e arrondissement. Et puis j'avais un amoureux là bas et je disais à mes parents que je dormais chez ma tante, à ma tante, que je dormais chez une copine et puis je voyais mon amoureux et qui faisait du théâtre, qui est metteur en scène et qui m'a offert ce livre avec. Je pense que c'est le premier livre et je dirai peut être le seul où on m'a fait une dédicace énorme, où il écrit un peu sur le côté ça remonte. Il voulait écrire trop de choses, alors ça remonte sur le côté avec écrit "1er mars 2004". Ça fait 16 ans dis donc, c'est drôle parce qu'il parle du contexte. Alors voilà, c'est aussi le souvenir de ça. Je m'étais dit, il était plus âgé que moi et je m'étais dit mais c'est un diamant. Il me donne la clé, il me donne une clé. En fait, c'est drôle, il y a une photo, c'est donc il y a une photo de moi quand je faisais de la danse et que je devais avoir 6 ans. C'est drôle, j'avais pas vu qu'elle était là et donc sur la couverture, c'est Robert Bresson qui tient un poteau et qui a ce regard des réalisateurs qui sont désirant et qui savent ce qu'ils veulent. Il est à la fois en train de regarder, je pense, la comédienne ou le comédien ou le plateau, la scène et on le sent à la fois très ancré et en même temps complètement en projection. Et c'est Le Clézio qui a fait une préface et qui dit "ces mots sont plus que des notes de journal d'un réalisateur expérimenté. Ces mots sont des cicatrices, des marques de souffrance, des joyaux dans notre nuit, la nuit de la création qui doit nécessairement venir pour que s'allument l'écran. Il brille comme des étoiles, nous montre le simple et difficultueux chemin vers la perfection". Je ne me souviens plus vraiment de la première fois où je l'ai lu. Je me souviens juste qu'il me l'a offert et puis après, j'étais dans le métro. Je me souviens que c'était Paris pour moi à l'époque, je venais de Normandie, donc c'était aussi Paris, quoi. C'était un truc qui venait de la capitale. Et si je me souviens de lire ces phrases et de me dire mais quelle justesse! Mais c'est tellement intéressant, c'est tellement, par exemple, je sais pas, qu'est-ce que je peux lire. "Ni metteur en scène ni cinéaste oublie que tu fais un film", en fait, c'est un livre dans lequel il y a que des notes avec des petits astérisques entre chaque. "Créer n'est pas déformer ou inventer des personnes ou des choses, c'est nouer entre des personnes et des choses qui existent et telles qu'elles existent, des rapports nouveaux". "Applaudissements pendant le film de X, l'impression théâtre irrésistible". "Habituer le public à deviner le tout dont on ne lui donne qu'une partie, faire deviner, en donner envie", c'est magnifique ça. Qu'est ce que c'est ça, c'est une grande corne, c'est la moitié de la page. "Une chose ratée si tu la changes de place, peut être une chose réussie". Modèle sa permanence manière toujours la même d'être différent". "Un acteur a besoin de sortir de lui même pour se voir dans l'autre tes modèles une fois sortis d'eux- même, ne pourront plus y rentrer". Ça me donne envie de pleurer, moi, quand je lis ça. C'est tellement beau, c'est tellement beau le cinéma quand même. "Moque toi d'une mauvaise réputation. Crains une bonne. Que tu ne pourrais pas soutenir". En fait, je trouve qu'à chaque fois, pour moi, c'est des nouvelles pistes aussi, c'est l'idée de ne pas rester sur ses acquis, de se donner des nouveaux enjeux, mais toujours en allant plus loin. Puis aussi oublier des choses. Parfois, on arrive dans une espèce de routine ou une facilité ou quelque chose qu'on sait faire. On se dit mais oui, je sais qu'il faut. Il faut traverser la Seine, je le sais. Et puis, en fait, je ne sais pas. Ça va vite, on tourne vite. On vient de nous faire un raccord maquillage, on dit

moteur. On a pas eu 15 secondes pour se concentrer. Et puis, du coup, on va dans la Seine comme ça, alors qu'en fait, non. Voilà, je relis des fois le matin et je me dis voilà ça, ça prend 1 mn de concentration. Refais-toi les enjeux du personnage ou il va d'où il vient. Qu'est ce qu'il veut dire par dessus tout ça? Qu'est ce qu'il a traversé? Qu'est ce qui le meut de toujours être très mobilisé par le personnage.

Je tombe là-dessus, "le cinéma sonore a inventé le silence". Trop beau ça. Je tourne les pages en même temps. "Sois sûr d'avoir épuisé tout ce qui communique par l'immobilité et le silence", mais ça, par exemple, je trouve que c'est hyper important, surtout par exemple sur un tournage comme celui sur lequel je suis, où les choses vont vite ou c'est de la télé, ou il faut qu'on soit efficace, où les personnages racontent beaucoup et sont moins dans l'action de ce qui les traversent que dans le fait de raconter ce qu'ils ont déjà traversé et souvent, je trouve qu'on a tendance à aller vers un explicatif quand on se cantonne à faire ce qui est écrit et puis à filmer simplement en champ contrechamp pour que les gens aient bien tout compris. Et c'est très intéressant, ça "sois sûr d'avoir épuisé tout ce qui se communique par l'immobilité et le silence" avant même que j'ai énoncé une phrase de dialogue, avant même tout ça :"qu'est ce que va raconter le costume, la posture, la manière de respirer, la main qui se resserre, le nez qui se gratte ? Je ne sais pas. Les lèvres qu'on pince, le regard triste , avant d'être dans une grande joie. C'est tout, tout ça. Comment tout déconstruire et qui font que le personnage, à un moment donné, il prend une ampleur folle. Et je trouve que parfois aussi parce que les réalisateurs n'ont pas toujours le temps de voir tout ça, parce qu'ils ont le cadre, l'image, plein de choses. C'est aussi à nous d'apporter du grain à moudre aux réalisateurs. Et ça, c'est une manière aussi de, il dit ça, je sais plus où je vais retrouver. Ce qui est beau chez les modèles, c'est que ce qui leur échappe et parfois, c'est "un virtuose nous fait entendre la musique non pas comme elle est écrite, mais comme il la sent, l'acteur virtuose". Ça va bien avec ça. C'est être profondément ce que le personnage traverse. Moi, je crois pas trop à ce truc de jouer. Je pense que l'idée de la fabrication, elle, est très juste en amont parce qu'on fabrique, parce qu'on pense aux costumes. On décortique son corps, sa manière de marcher, son passé. Et après? Une fois qu'on est rempli de tout ça. Il faut lâcher les chevaux, quoi. Il faut que l'inconscient fasse le travail à notre place. Je trouve ça toujours merveilleux quand ça arrive, quand et puis quand ça dérape. Un peu comme quand, dans la vie, parfois, on est traversé par ce que traverse le personnage. Moi, je dis ça, alors c'est que je suis au bon endroit.

Vous êtes aussi une comédienne de théâtre. On vous voit sur les plateaux de Lorraine. Bresson compare justement le cinématographe et le théâtre comme il dit "ce qui ennobli un acteur sur les planches. Peut, sur l'écran, le rendre vulgaire". Si vous deviez distinguer le jeu théâtral du jeu de cinéma, que diriez-vous avec vos propres mots? Je crois que la grande différence aussi avec le cinéma et le théâtre, c'est que la caméra, elle, prend des choses qui sont, que personne ne voit. Je dirais même un éléctro qui est en train de regarder la prise, il ne les voit pas. La caméra, elle est au grain de peau, elle renifle les grains de peau, elle, elle a les odeurs et là, elle a un odeur de cou quand elle filme une nue, qu'on a presque l'odeur, du cou, parfois, quand elle filme une main. Parfois, on sent la moiteur de la main et c'est la force du cinéma.C'est que du coup, c'est pour ça que je pense que c'est vraiment important d'être dans l'être, le personnage. Parce que plus on est, plus tous ces micros détails la caméra, elle, les saisit. Il n'y a pas besoin d'en faire trop. Il faut être à l'intérieur, jusqu'au bout des ongles, des entrailles, vibrant de l'émotion du personnage. Et elle va tout prendre à la caméra. Moi, j'en suis persuadé. En avec de bon réalisateurs. Au théâtre, c'est très différent. Il faut, déjà on est beaucoup plus loin. On fait des focus, mais on a moins le détail du regard. Parfois, on est au théâtre un peu loin, je sais pas dans le poulailler. Puis on voit pas le regard des acteurs. Je me souviens quand j'avais vu le partage de midi avec Marina Hands et Eric Ruf. Je l’avais vu au poulailler. J'ai trouvé ça sublime. Puis après, je suis allé la voir à l'orchestre et elle était en pleurs du début à la fin. Je ne l'avais même pas vu au poulailler. Au théâtre, c'est un, ça engage beaucoup plus le corps dans sa largeur. Je veux dire aussi parce que le corps doit prendre plus. Le plateau, on doit rentrer plus dans le personnage. Aussi, la manière de parler souvent, c'est beaucoup plus littéraire ou ampoulé. Pas dans toutes les pièces. Il y a quand même quelque chose de peut être moins naturaliste dans certaines pièces. En tout cas, j'ai l'impression que c'est un travail qui est plus physique. Et puis après, il y a aussi vraiment ce truc de la répétition. Par exemple, il y a des scènes avec Lorraine que j'ai trouvées tout de suite. Finalement, c'est plus dur en scène parce qu'elles ont été évidentes. On a lâché le morceau comme ça et après, on n'arrive plus à retrouver cette intensité, alors qu'au cinéma, par exemple, c'est assez magique. C'est que parfois, on peut se charger, se charger, se charger, se charger, parce qu'on sait que ça va être deux fois qu'on va la faire. On va faire un plan séquence avec la scène Climax du film. C'est la catastrophe. On ne veut pas que notre enfant meurt, on court, on pleure, ça hurle et donc on joue à la vie, à la mort. Et on peut le faire aussi parce qu'on sait que c'est qu'une seule fois. Lorraine de Sagazan, par exemple. Elle nous demande beaucoup de convoquer ça au théâtre et je pense qu'elle a raison parce que c'est ça qui est très troublant. Mais moi, je trouve ça très difficile puisqu'on sait tellement ce qui va se passer qu'oublier, qu'on l'a déjà fait 30 fois, c'est vraiment dur.

Au sujet de sa pratique, Bresson dit "pas d'acteur, pas de direction d'acteur, pas de rôles, pas d'étude de rôles, pas de mise en scène, mais l'emploi de modèles pris dans la vie. Être au lieu de paraître". Êtes-vous dans votre travail une actrice ou un modèle ? Alors avant, j'étais beaucoup plus modèle qu'actrice. J'aimais aussi travailler avec des gens qui étaient quand même assez directifs et un peu, par exemple avec Stéphane Brizé. On est dans le lâcher prise tout le temps, il nous met hors de nous. Moi, je ne devais pas lire le scénario sur le film Une Vie. Je n'avais pas le droit de lire le scénario. C'était de l'impro dix-neuvième. Et puis, me pousser dans mes retranchements tout le temps, tout le temps, tout le temps, je me disais Mais comment je pourrais pas aller dans ces endroits là sans lui, sans cette aide là? Et j'adore ça, moi, ces moments où on est complètement hors de nous, où on dit coupé, on ne sait pas ce qui s'est passé parce qu'on a été complètement happés par la situation. Après, j'ai l'impression de devenir plus actrice. Par exemple, dans la préparation sur les costumes. Avant, je n'osais pas du tout affirmer mon personnage là dedans. Maintenant, je me rends compte que la manière dont on voit un personnage parfois nous dit autant que la manière dont on joue. Maintenant, je suis au millimètre, je lâche rien sur les costumes parce que je trouve que c'est la chose. Parfois, il y a des costumes. Il faut qu'on mette ça, ça m'évitera de le jouer. Je pourrais jouer autre chose si elle a ce costume là. Par exemple, là? Là, sur ce film que je fais en ce moment, c'est une fille qui est extrêmement féminine et sensuelle, mais aussi très drôle. Et ben voilà, le costume est très sensuel. Je suis assez guindé dedans, donc mon corps est obligé d'être là dedans. Je n'ai pas à y penser. Ça fait ce job là pour moi et j'aime bien cette idée là. Mais effectivement, ça dépend vraiment des réalisateurs. Il y a des réalisateurs qui n'aiment pas diriger aussi. Donc là, il faut prendre le taureau par les cornes.

Je pourrais réaliser, faire de l'image, mais le cinéma, c'est vraiment. Je ne vais pas souvent, je me dis là quelle chance on a quoi, on a un diamant brut entre les mains. On vit des moments d'une puissance tellement folle, quoi. C'est des moments où on se sent en train de vivre. Je sais pas comment dire. Il y a plein de fois la même sur le tournage, là où on traverse des moments comme ça, où je me dis j'ai l'impression de vivre les moments au ralenti et de me dire waouh! On est en train de fabriquer cet objet, mais il y a 130 personnes qui sont là pour que cette scène existe, pour qu'on sente l'état amoureux de ce personnage, pour qu'on sente qu'il ait envie de lui dire, mais qu'il n'y arrive pas et que le sens du collectif moi, ça me, ça me bouleverse de voir des gens ensemble, unis vers une seule chose. Ça, c'est trop beau quand il y a ça dans une équipe de tournage. Ça, j'adore.

Loin de l'incarnation de type acteur studio, il dit une phrase qui est difficile à comprendre "il ne faut jouer ni un autre ni soi même. Il ne faut jouer personne". Moi, j'ai l'impression que quand il dit ça, c'est. Il parle du moment où on dit "action", on dit "moteur". "Silence", "ça tourne". Action et ou là, effectivement, il faut, il ne faut jouer personne. Moi, je l'entends dans le sens où il ne faut pas chercher à ce qu'on comprenne. Il ne faut pas chercher à être aimé. Il ne faut pas chercher à démontrer ce qui est en train de se passer, mais il faut se laisser traverser par la réplique de l'autre qui va être cinglante comme on attendait pas , par une colère, par quelque chose. Il faut se laisser surprendre. Dans l'autre, c'est souvent aussi dans l'autre.

Alors pardon une seconde. Oui ? On ne va pas tarder, c'est ça bientôt? Ah ok, pardon je vais bientôt reprendre le tournage. Alors en relisant au fil du temps ce livre, avez vous l'impression d'avoir changé en tant qu'actrice? Quelle est la plus belle chose que vous ayez comprise ou apprise ces derniers temps ? Ce que j'ai appris, je pense c'est que tout peut changer sur un plateau quand il y a des problématiques, quand on n'arrive pas à se rencontrer, qu'un réalisateur compte. Il ne faut pas lâcher le morceau. Rien n'est perdu, rien n'est perdu. Il y a des moyens, il y a des gens, il y a du travail. Il faut, il faut y aller d'arrache pied. Il faut se battre jusqu'au bout pour arriver à faire un film, aussi beau soit-il, pour être le plus honnête possible. Il ne faut rien lâcher, quoi. Moi, je pense que ça, c'est vraiment important.

Musique

Pardon, maintenant qu'on m'a appelée, je me sens un peu dans la rapidité. Alors j'ai lu Entre Deux Mondes de Olivier Norek,  Surface, et j'ai trouvé ça complètement bouleversant. J'ai lu ça pendant le confinement. J'ai lu tous ses livres. J'ai trouvé ça génial, comme on sent à la fois vraiment le cru du métier, quoi. C'est un type qui est un ancien policier et qui écrit des polars. Moi, je n'ai jamais aimé les polars et là, je suis tombé dedans les yeux fermés. j'étais complètement happé, je ne pouvais plus m'arrêter. J'ai lu tous ses livres, ce qui m'arrive vraiment rarement. Je vous conseille ça. Et puis une chambre à soi de Virginia Woolf. Il faut le conseiller à tout le monde, ça. C'est un peu inévitable ce livre. Alors maintenant je vais me changer. Et puis je vais aller me faire raccorder les cheveux et le maquillage. Et puis après, on va aller sur le plateau pour faire la scène finale du film alors qu'on est pas du tout à la fin du tournage. Toujours bizarre de faire ça dans le désordre et des petits rituels pour rentrer dans le quotidien? Ah bah non, si seulement on en avait. C'est bien ça le problème, c'est que c'est trop compliqué de revenir au quotidien. Il faut faire le grand ménage. Il faut se dire OK, tout ça est derrière nous, allons-y. Ne pensons plus à derrière, mais parfois, c'est difficile de revenir dans le quotidien. Il faut du temps. Faut pas se mettre trop de pression parce que ça chamboule beaucoup le travail.

Générique

Agathe Le Taillandier : Vous venez d'écouter Nina Meurisse à son micro et elle répondait aux questions que je lui ai envoyées. Elle vous recommande Notes sur le cinématographe de Robert Bresson, paru chez Gallimard et disponible en Folio. Nina Meurisse est comédienne. Elle était à l'affiche de Camille de Boris Lojkine en 2019. Elle est en tournée cette année dans l'absence de père de la metteuse en scène Lorraine de Sagazan. Maud Benakcha est à l'édition et à la coordination du Book Club. Elle a également fait le montage de cet épisode et Jean-Baptiste Aubonnet a réalisé le mixage.Ce podcast est aussi rendu possible grâce à Maureen Wilson, responsable éditorial. Marion Girard, responsable de production, Charlotte Pudlowski, directrice éditoriale, et Mélissa Bounoua, directrice des productions. Je vous recommande notre podcast Injustices. La dernière saison s'appelle Ou peut-être une nuit. C'est une série en six épisodes créée par Charlotte Pudlowski sur l'inceste et les silences qui l'entourent. Bonne écoute et à très vite.

Générique de fin