Retranscription - Les “slasheurs” ont-ils la clé de la liberté ?
Louise Hemmerlé : Si j’ai décidé de devenir journaliste, c’est en partie parce que je n’arrivais pas à choisir un seul secteur d’activité auquel j’allais consacrer le reste de ma vie.
Est-ce que j’allais devenir ingénieure, ou prof, ou soignante ? Quand je faisais mes études, tout m’intéressait : la physique, les maths, l’histoire, le droit, la philosophie. Quand j’ai pensé pour la première fois au journalisme, ça s’est imposé à moi comme une évidence. J’avais l’impression que je ne me fermais aucune porte, que tous les sujets qui m’intéressaient seraient à portée de main. Je pourrais faire des articles sur des découvertes scientifiques un jour, sur l’économie le lendemain, et sur l’art le jour d’après.
En étant journaliste dans une certaine mesure je peux jongler comme ça entre des sujets complètement différents et en étant salariée. Mais le plus souvent, pour les personnes qui sont comme moi, qui ont du mal à faire le choix d’un domaine auquel dédier le reste de leurs jours, ça implique d’avoir différentes activités et différentes emplois.
Dans ce nouvel épisode de Travail (en cours), Soukaïna Qabbal s’intéresse aux slasheurs, ces personnes qui exercent plusieurs métiers à la fois, et qui sont par exemple photographes / architectes d’intérieur / masseurs. Et elle se demande à quel point ce mode d’organisation du travail, qui gagne du terrain depuis quelques années, est réellement émancipateur.
Je suis Louise Hemmerlé, bienvenue dans Travail (en cours)
MUSIQUE
Soukaïna Qabbal : Depuis une dizaine d’années, on entend parler de “slasheur”. Ce mot désigne les personnes qui exercent non pas un, mais plusieurs métiers à la fois.
Le terme est tiré de la barre oblique qu’on trouve sur les claviers d’ordinateur, le slash en anglais, qui permet d’énumérer plusieurs entrées qui n’ont pas forcément de lien les unes avec les autres.
Parce qu’ils trouvent qu’un seul intitulé de poste ne pourrait pas contenir leur multiples talents, parce qu’ils ne se voient pas fréquenter le même bureau tous les jours de la semaine, ils ont décidé de cumuler les activités: ils sont menusiers / consultants / photographes, elles sont formatrices / cheffes d’entreprise / autrices.
Depuis une quinzaine d’années, le slashing s’impose auprès d’une population toujours plus large. Le salon SME, dédié aux micro-entrepreneurs, évaluait à 4 millions le nombre de slasheurs en France en 2016. Et selon cette enquête, cumuler plusieurs activités est un choix pour deux tiers d’entre eux.
Mais comment expliquer ce mode d’organisation du travail, et à quel point “slasher” peut-il être émancipateur ?
Pour comprendre la réalité que recouvre ce drôle de néologisme, j’ai été à la rencontre de Monique Dagnaud, sociologue, autrice, et professeur à l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales, qui a fait du travail l’un des sujets principaux de sa recherche.
Elle m’a expliqué que le terme de “slasher” pouvait désigner des catégories de travailleurs très variées:
Monique Dagnaud : Je dirais que le mot slashers. J'ai dû l'utiliser à peu près autour des années 2009 2010, alors que c'était un mot pratiquement inconnu auparavant et donc ce terme signifiant qu'on peut passer d'un travail à l'autre.
En faisant des choses absolument différentes. Et à l’époque, je distinguais trois formes de slasheurs.
Le slasheur qui est lui-même hyper diplômé, qui en a assez de travailler dans une grande entreprise, de subir le joug d'une organisation, donc ça va aussi avec la montée d'un rapport au travail qui soit plus dans des hiérarchies, d'une mise en question du travail des grandes entreprises, et donc ces profils très diplômés, ce sont des consultants. Ce sont des personnes qui, tout en étant consultants ou pas, créent des entreprises, des startup qui, tout en étant start upper consultant, peuvent être aussi enseignants, enfin, qui sont multicartes en terme de boulot et, disons, les différentes facettes de travail qu'ils ont, c'est à dire, se renforcent mutuellement.
Vous avez une autre catégorie qui a l'extrême, qui sont précisément des gens qui n'ont pas d'emploi et qui créent leur emploi ,en devenant effectivement ou livreurs -bon, après il y a l'utilisation de ces plateformes numériques pour la voiture avec la naissance d’Uber, mais c'est un peu plus tard, et on a développé l'idée que finalement, grâce au numérique, une fois encore, il y aurait des gens qui pourraient se fabriquer un emploi, trouver des clients par le biais des plateformes.
Il y avait quand même l'idée que ces plateformes numériques, elles permettaient à des jeunes sans emploi ou éventuellement sans qualification de se mettre sur le marché du travail et de trouver des clients, notamment dans tout ce qui concerne la mobilité, les voitures, les déplacements, les livraisons et tout ça.
Ça, c'est la deuxième catégorie, et il ya une troisième catégorie qui est infiniment, disons, plus, plus floue. Mais je pense qu'il faut quand même la distinguer, c'est à dire des personnes qui soit un emploi quelque part, mais ont envie de développer une autre activité, mais qui n'ont pas nécessairement non plus les moyens de bien vivre de leur première activité, mais veulent quand même développer une activité et souvent une activité artistique ou dans le domaine de l'écriture ou du théâtre
Et qui donc utilisent ces plateformes, donc slashent entre différentes activités, mais vraiment au profit de projets, d'activités, de réalisation de soi, notamment dans une activité artistique.
Soukaïna Qabbal : Pour découvrir de plus près ces différents types de slasheurs, j’ai parcouru le réseau social professionnel LinkedIn, et je suis tombée sur le profil de Christophe Tessier. Il se présente comme un “slasheur depuis l’an 2000”. Parmi ses différents slashs, on compte : la communication, le coaching, l’hypnothérapie, ou encore la chasse immobilière.
Je l’ai rencontré, pour qu’il me raconte comment il construit pièce par pièce le puzzle de sa vie professionnelle:
Christophe Tessier : Le mot slasher, je l'ai découvert. Il y a pour être franc. Il y a quatre, cinq ans, pas plus.
Parce qu'il fallait que sur les réseaux, je m'identifie et je voulais pas m'identifier soit comme thérapeute, soit comme coach, soit comme chasseur. Je voulais réellement quelque chose qui montre que je pouvais être un tout.
Et ce terme-là de slasheur, les gens ont encore du mal à le connaître et c'est vrai qu'il y a pas mal de gens qui me posent la question “qu'est ce que c'est, un slasheur”? Et voilà, moi, ça me permet de me vendre, de cette question là, ça m'amène à me vendre et à vendre, justement, les différentes prestations que je pourrais lui offrir.
J'ai commencé à travailler en 2000 dans la presse magazine, dans tout ce qui était communication, mais surtout tout ce qui était création de magazines et essentiellement rock. Petit à petit, j'ai commencé à travailler en parallèle avec des agences de pub ce qui m'a amené petit à petit aussi à rencontrer de plus en plus de sociétés avec qui j'ai pu travailler encore plus globalement, la communication, voire même tout ce qui était traitement de l'image et peut-être aussi tout ce qui était univers de la société.
Mais pour pouvoir connaître et bien connaître et pouvoir définir l'univers d'une société, il faut faire parler son dirigeant. Et ben pour faire parler un dirigeant, ce n'est pas si simple que ça. Donc il faut le coacher, parce que le plus souvent la personne même si elle transpire sa société depuis toujours. Elle a du mal à en parler. Donc, le but du jeu, c'était aussi de les coacher pour pouvoir en sortir un peu l'essence même et pouvoir mieux communiquer l'image de leur société. Donc, petit à petit, je suis arrivé à faire du coaching.
Et c’est en faisant plusieurs coaching assez pointus sur des dirigeants qui avaient une grosse masse salariale, je me suis aperçu que j'avais une très bonne écoute et que assez rapidement, j'arrivais à mettre le doigt sur ce qu'il fallait travailler.
Et voilà, on m'a dit dans ma famille, il y a une personne qui a une école d'hypnose et qui m'a dit “Viens tester, viens t'occuper de notre com et en contrepartie, toi, tu auras la formation”. J’ai dit OK super pourquoi pas.. Et petit à petit bah voilà, donc j'arrive en 2020, je commence déjà maintenant à bien m'amuser en hypnose.
Alors ce qui est bien avec l'hypnose, c'est que on continue à avoir pas mal de gens complètement différents, de tout niveau social et donc ça c'est très, très bien. Mais après, on reste dans un cabinet, c'est bien, mais à force d'être assis, moi, j'ai besoin de bouger.
Assez récemment, pendant le covid, pendant cet arrêt au mois de mars, je me suis dit “OK, je n'ai plus rien à faire, j'ai plus de clients, je suis freelance, donc je suis en stand by. Qu'est ce que je peux faire?” OK, je prends une nouvelle formation et là, je deviens chasseur immobilier. Et en étant chasseur immobilier, je me suis aperçu que c'était exactement le même processus c’est à dire que soit, c'était une recherche, soit c'était une demande et quoi qu'il arrive, il fallait aller rechercher l'information, aller chez des gens où ou aller écouter la demande d'une personne qui recherchait un bien, mais quoi qu'il arrivait, c'était toujours pareil, il fallait que j’augmente mon réseau, pour mettre de la communication, mettre du coaching, alors de la thérapie pas trop, quoique, j’en ai récupéré quelques uns comme ça.
C'est un peu des sauts de puce, mais je dirais que c'est des sauts qui peuvent aller aussi dans tous les sens. Il n'y a pas un seul sens. C'est ça un peu l'idée du slasheur. C'est que on a quatre ou cinq métiers différents, mais tous ces métiers sont un peu imbriqués les uns les autres.
Soukaïna Qabbal : Les slasheurs de la catégorie de Christophe Tessier seraient donc des gens qui font feu de tout bois. Des gens qualifiés, agiles, qui se pensent eux-mêmes comme des produits : ils doivent pouvoir proposer des services complets, en un temps record, savoir communiquer sur leurs talents et actualiser sans cesse leurs compétences.
En écoutant Christophe, je me suis demandée d’où venait son besoin de cumuler ces différentes activités, et quels avantages ce statut présente réellement par rapport au salariat.
En clair, qu’est-ce que le slashing contient comme promesse d’une vie au travail meilleure ?
J’ai interrogé Clara Deletraz, qui a cofondé Switch Collective, une école qui propose à des femmes et des hommes de suivre un programme pour faire le bilan sur leur vie professionnelle, et pour elle cela tient notamment à une raison.
Le slashing s’expliquerait par une certaine insatisfaction rencontrée dans le travail en entreprise, qui revient souvent dans le discours des participants à son programme “Fais le bilan calmement”, né en 2015 et qui rencontre un grand succès.
Clara Deletraz : Alors, les grandes, les grandes questions qui reviennent et qui, en plus, cela se sont vraiment intensifiées aussi avec la crise sanitaires qu'on vit ces derniers mois, c'est vraiment la… En tout premier, c'est la question du sens. La question de l'alignement avec, avec ses valeurs, la question de notre propre utilité. Donc la plupart de nos participants, ils ont quand même cette problématique de se dire “mais en fait. À quoi je sers? À quoi je consacre mon temps qui en fait la ressource non renouvelable la plus précieuse que j'ai à disposition?”
Donc cette question du sens, de l’alignement avec les valeurs, de l’utilité, c'est une de celles qui revient le plus.
L'autre sujet qui revient beaucoup, c'est la question des conditions de travail et du manque souvent d'autonomie ou de liberté, de pas pouvoir s'organiser comme on veut, de se sentir un peu enfermé. Ça aussi, c'est accentué par par la période actuelle, même avec les nouvelles possibilités offertes par le télétravail. Il y a aussi plein de gens qui arrivent en se posant des questions beaucoup plus larges que juste leur job, mais de se dire en fait, c'est quoi mon projet de vie? Qu'est ce que j'ai envie de faire? Mais où est ce que j'ai envie de le faire? Ou est-ce que j'ai envie de vivre? Potentiellement, j'ai envie d'être plus au contact de la nature.
Ce genre de choses. Et avec ces questionnements là viennent aussi des questionnements autour de l'équilibre vie pro / vie perso du coup, et le fait de manquer de temps pour soi, souvent, justement, nos participants, ils ont cette impression, de ne pas être totalement alignés avec qui ils sont ou de ne pas pouvoir utiliser tous leurs tous leurs talents, entre guillemets, tout leur potentiel. Et l’impression de ne pas pouvoir être en phase avec toutes leurs aspirations profondes parce que ils sont justement enfermés dans une activité ou qui sont obligés de laisser de côté des choses qui leur tiennent à coeur par ailleurs, c’est un peu toutes les questions qui se posent pour eux.
Soukaïna Qabbal : Le fait de slasher, ce serait donc d’abord la promesse de mettre à l’oeuvre tous ses talents, sans exception, de trouver du sens et du plaisir dans son travail, et d’organiser son temps comme bon nous semble:
Clara Deletraz : Nous on a à peu près 28% des gens qui finissent le programme “fais le bilan”. Avec le projet, enfin du coup en cumulant effectivement plusieurs activités.
Ça leur permet en général de pouvoir ménager et développer plusieurs centres d'intérêt, plusieurs talents, ce qu'on s'est dit en plusieurs facettes d’eux-mêmes, et parfois, des facettes qui peuvent avoir l'air antinomiques.
Je pense à Marine, qui était artiste d'un côté et qui faisait du conseil de l'autre, à Nicolas, qui travaille dans une grosse boîte de tech et qui est passé aux quatre cinquièmes pour se faire un jour par semaine de la musique. Il y a plein de belles histoires comme ça. Et il y en plus que je te disais tout à l’heure, un des avantages aussi de ce mode de fonctionnement de cumul et de Slash, à défaut d'être une situation qui a vocation à se pérenniser, vraiment, enfin, s'inscrire dans le temps, c'est que ça peut être un bon, une bonne transition.
C'est à dire que tu vois avant de, parfois, de te lancer dans une toute nouvelle activité qui est pas forcement rémunératrice. Je sais pas si tu veux te lancer dans la photo ou je sais pas, comme je disais, être comédien. C'est pas simple quand même d'en vivre dès le début, en tout cas, et du coup, ça peut être une très bonne solution que de démarrer en cumulant deux activités et en gardant, une activité de free lance sur ton corps de métier d'avant, qui était peut être un métier un peu plus classique pour te maintenir un revenu récurrent.
Et puis, en même temps, de te garder du temps pour aller vers tes nouvelles aspirations. Donc cette flexibilité-là, ça permet de décolérer aussi l'activité de la rémunération en tant que telle et d'imaginer un mix d'activités, dans lequel tu as certaines activités qui sont rémunérées et d'autres pas, et ça permet du coup aussi d'éviter de vouloir absolument tout mettre, tout faire peser au même endroit, c'est à dire te dire que t'as un seul métier, une seule activité et que c'est elle qui non seulement doit t'épanouir à 100%, 100% du temps et en plus, te permettre de gagner ta vie. C'est possible aussi d'avoir un mix d'activités dont certaines qui éclatent plus ou moins et certaines qui te font vivre plus ou moins et que tu trouves ton équilibre global là dedans.
Soukaïna Qabbal : Monique Dagnaud, autrice avec Jean Laurent Cassely de l’ouvrage “Génération surdiplômés, les 20% qui font la France” paru aux éditions Odile Jacob, confirme que ces aspirations à l’autonomie, à la flexibilité et à l’auto-réalisation, sont des préoccupations très actuelles, et ce pour une certaine catégorie de population en particulier: une population qualifiée, éduquée, qui possède un capital économique et culturel solide, comme Christophe Tessier.
Monique Dagnaud : On est d'autant plus porté à avoir cette exigence, cette volonté de se réaliser, d'avoir un bien être à la fois physique et spirituel ou moral, de se sentir bien dans celle de se réaliser soi même, que l'on a les cartes scolaires qui le permettent.
Avant. Je veux dire très précisément avant, avoir les bonnes cartes scolaires. C'est un bac +5, C++ ou une école, etc, c'était un moyen de faire carrière. Dans une entreprise ou dans un secteur aujourd'hui, pour une partie, ça continue, l'idée de carrière n'a pas disparu, mais je dirais que l'idée de carrière, s'est quand même assez dévaluée. Et l'idée, c'est plutôt d'avoir de se réaliser tout en travaillant.
Auparavant, il y avait ce qu'on appelle un patriotisme d'entreprise, un dévouement envers une entreprise. On y faisait sa carrière. Ça, c'était, je dirais, dans la période des Grandes Glorieuses, donc c'était une notion à la fois où il y avait une grande protection puisque a priori, vous restiez pratiquement toute votre vie dans la même boite, Vous bénéficiiez évidemment de tous les avantages sociaux liés à cette boite, mais en même temps, vous étiez asservis à la boite. Et défendre son image, et puis surtout, beaucoup travailler et se plier aux exigences de la hiérarchie.
C'est vrai que cette vision du travail, elle a été beaucoup noircie, beaucoup assombrie par les demandes de l'individu contemporain qui veut pouvoir quand même pouvoir gérer son temps, pouvoir voir sa famille s'occuper de ses enfants, pouvoir décider de prendre une année sabbatique.
Soukaïna Qabbal : Pour Christophe Tessier, le principal avantage de slasher, c'est justement d'être maître de son temps et de ses contraintes.
Christophe Tessier : C’est vrai que être slasheur, c'est pour moi une liberté. Une liberté de temps, une liberté d'esprit et une liberté de mouvement, une liberté de pensée. C'est ne pas être sous la tutelle de quelqu'un. Je suis déjà sous ma propre tutelle, ce qui est déjà très compliqué.
Non, mais ça veut dire que si je suis franc avec moi même, il faut que je travaille sur tous les domaines pour pouvoir payer mon loyer. Le but du jeu, c'est payer son loyer ou pouvoir avoir un peu d'argent pour investir et ainsi de suite. Donc, il faut travailler, OK. Je pourrais aussi très bien dire que je ne travaille que 3 heures par jour et ça me suffit amplement pour payer mon loyer et payer que ça, ok. Mais il y a aussi une motivation, cette motivation bah on l’a, si on va rencontrer les gens.
Donc, si on a cette liberté de mouvement de pouvoir sortir, de rencontrer, peut être de prendre un café, peut être de prendre son temps, mais parfois de prendre le temps et de parler avec des gens, c'est ça aussi qui permet de créer un réseau, de prendre un nouveau contact. La personne qui veut dire ah bah tiens j’ai quelqu'un qui pourrait travailler avec toi. OK, le prix d'un café m'a permis de récupérer un nouveau client, donc le fait de faire une pause pendant une heure m'a permis de récupérer un nouveau client.
Voilà, ça, c'est une liberté que tu n'as peut être pas quand t’es salarié.
Soukaïna Qabbal : Mais pour Christophe Tessier, la liberté, se loge aussi dans le fait de pouvoir jongler avec son emploi du temps, pour créer un calendrier adapté à ses envies, souvent à rebours de celui dicté par la vie en entreprise.
Christophe Tessier : Être slasheur ça permet aussi d’avoir des moments de liberté pour prendre ses vacances. L'idée, c'est de pas prendre les vacances en même temps que tous les autres. Bien sûr, mais de plus en plus. À une époque, je partais un peu en vacances décalées. Mais maintenant, c'est le pouvoir de limite de se faire des week end de quatre jours, donc de partir le vendredi, de revenir le lundi soir.
Voilà, ça, c'est, je pense, qu'un salarié, il a du mal à faire ça. Par contre, moi, si je m'organise bien dans ma semaine, je suis peinard parce que je sais que le vendredi, je bloque tout. Je sais que le lundi, tout est bloqué. Donc OK, je m'adapte et j'adapte mes horaires de travail pour que quoiqu'il arrive, ces quatre jours là, je sois tranquille. Donc oui, c'est aussi une liberté de.. et une joie de pouvoir prendre ces temps libres quand on veut, sans devoir les poser six mois avant quoi. Je ne sais pas ce que je vais faire dans six mois. J'en suis incapable.
Limite pour moi, je prends tout le temps des vacances. Dès qu'il y a des jours où je suis off, c'est une journée de vacances. Il peut y avoir des semaines où je suis off toute la semaine. Ce n'est pas pour ça que j'ai posé une semaine de vacances.
Par contre, je sais que pendant cette semaine là bah, je vais en profiter pour aller voir d'autres personnes, pour bouger, pour pour peut être justement récupérer des nouveaux créneaux, des nouveaux jobs, mais en même temps c’est du bien-être, en même temps c’est du plaisir. Il n’y a aucune obligation.
Soukaïna Qabbal : Le statut de slasheur contient en lui-même un idéal inspirant : pouvoir faire oeuvre de tous ses talents, faire rimer travail et plaisir, pouvoir s’organiser comme bon nous semble…
Mais la réalité de ce mode de travail n’est pas toujours fidèle à toutes ces promesses, comme me l’explique Clara Deletraz.
Clara Deletraz : Il y a des écueils. Il y a des choses qui ne sont pas simples du tout et qu'il faut absolument pas du coup, tu vois sacraliser, et nous on fait très attention dans notre formation. Tu vois à pas vendre du rêve et raconter aux gens que c'est facile de changer de vie, que c'est facile de cumuler comme ça, plein d'activités parce que c'est pas facile. Et ça vient aussi avec plein de challenges, ce qui revient beaucoup quand on a ce type de profil ou de parcours, c'est la question de la problématique de la dispersion, tu vois l'impression de se disperser dans tout un tas d'activités et du coup, de diluer aussi un peu son son, son impact, d'avoir l'impression aussi d'être, d'être expert de rien. Tu vois, de pas pousser les sujets à fond. De se sentir un peu, parfois, une impression d'illégitimité, de se sentir un peu imposteur. Ça, c'est le premier point que tu vois que j'ai observé. Le deuxième, qui revient beaucoup, beaucoup encore plus que celui-là, c'est l'épuisement. C'est si tu veux l'impression de courir plein de lièvres à la fin et de se dire “OK, je suis libre entre guillemets.
Je suis libre de m'organiser comme je veux”. Et paradoxalement, la liberté ou l'autonomie comme ça, elle vient avec une autre aliénation tu vois qui est celle que tu te mets à toi même et qui est celle du temps, du risque de se retrouver dans une course effrénée. Y a pas mal d'études qui montrent que l'augmentation de la flexibilité du travail, de ce qu'on appelle le blurring, l'effacement des frontières entre le pro et le perso et les différentes activités, que tout cela allait de pair aussi avec l'augmentation des burn out.
Parce qu'il y a clairement, souvent, avec ces profils-là, une augmentation du temps de travail, de l'intensité de travail et du coup du manque de temps, il y a des gens qui se perdent, qui peuvent aussi se retrouver à se perdre là dedans. Parce que parce que tout simplement t’en fais trop et qu'il n'y a plus de limite, quoi. Donc ça, c'est vraiment le gros gros écueil que nous, on observe et qui n'est pas simple, qui est vraiment pas simple à gérer.
Et après, au niveau matériel, pour tout ceux qui lancent en 100% en free lance, y'a un vrai sujet par rapport à la liberté que ça offre, l'autonomie que ça offre et en même temps, les questions que ça pose au niveau de la sécurité, bah parce que y'a pas les congés payés, parce qu'il n'y a pas un salaire garanti tous les mois. Parce que quand il y a une crise comme celle qu'on est en train de vivre, ben y'a pas le filet du chômage partiel ou du chômage tout court. Donc, évidemment, tout ça, c'est pas évident quoi, ça pose plein de questions et ça fait le lien avec le sujet de l'épuisement aussi, que j'évoquais juste avant, justement parce que ça pousse ces gens là parfois à en faire encore plus, toujours plus. Donc, paradoxalement, à pas se sentir aussi épanouis que ça, si ça se met à déborder et à s'emballer quoi.
Soukaïna Qabbal : Le fait de slasher est un pari: il faut pouvoir être solide dans les périodes où le travail s’accumule, comme dans celles où il se fait rare.
S’établir à son compte force le slasheur à assurer lui-même sa propre sécurité dans son emploi. Il n’a pas de salaire fixe garanti, il n’a pas la certitude de décrocher régulièrement des contrats qui lui permettront de faire croître son activité, et, à moins d’avoir un capital personnel sur lequel se reposer, pas de matelas de sécurité en cas d’échec.
Il n'a pas non plus de congés payés, ni de cotisations sociales.
Christophe Tessier : Si on décide d'être entrepreneur, d'être indépendant, d'être freelance, d'être slasheur. On décide aussi de faire un trait sur tout ça parce qu'on décide. D'aller vers une motivation personnelle. Qui Nous, c'est cette motivation qui va nous permettre d'aller encore plus loin dans notre job, d'aller chercher peut être encore d'autres nouveaux clients, alors que si on savait que quoiqu'il arrive, on sait qu'on est payé pendant 4 semaines à rien faire. Ben justement, là, on serait peut être dire « bof, ok, c'est pas grave, on verra plus tard. »
Non, on peut pas voir plus tard, c'est pas possible. On ne peut pas se dire OK. Je me mets en stand bye pendant un mois.
Je dirai simplement que je n'ai pas le temps d'être malade. L'important, c'est de voir le résultat et de voir, surtout que ton client est content de ton résultat. Ça, c'est ton objectif principal. Peu importe, peu importe comment tu le fais, peu importe comment tu t'amènes tout ça.
Je tiens que c'est la satisfaction d'un objectif, c'est que ton client soit satisfait, peu importe tout ce que tu mets en place et comment tu le mets en place pour pouvoir arriver à ce niveau là. Alors c'est vrai que en tant qu'indépendant, qu'on change à longueur de temps d'autres client, ça booste notre ego. D'accord. Et en boostant de notre égo, on se dit OK, on a la capacité. On a cette volonté d'aller encore plus loin.
Soukaïna Qabbal : Travailler sans avoir la sécurité de congés payés, de compensation si on tombe malade, ou qu’on a un accident - c’est possible d’autant plus sereinement si on a des ressources suffisantes pour rebondir en cas de problème.
Mais qu’en est-il lorsque le slashing est subi ? Pour cette catégorie de slasheurs dont parlait Monique Dagnaud, peu diplômée, peu qualifiée, qui existaient longtemps avant que le terme de “slasheur” ne soit créé, et qui cumulent les sources de rémunérations parce qu’une seule ne leur suffit pas à subsister ?
Ce sont les femmes qui travaillent comme cantinières, mais qui font aussi des ménages et de la garde d’enfants, les vendeurs ambulants/ plongeurs en cuisine/ livreurs, bref, les femmes et des hommes qui cumulent plusieurs emplois pour joindre les deux bouts.
J’en ai parlé avec Edouard Bernasse, qui a été parmi les premiers livreurs à vélo des plateformes de livraison de nourriture, et qui a cofondé le CLAP, un syndicat de défense des droits et des conditions de travail des travailleurs de plateforme, contre les dérives de l’ubérisation. Il m’a expliqué comment il a découvert cette activité de livreur à vélo.
Edouard Bernasse : C’est un de mes amis qui était journaliste et qui lui, bossait pour Deliveroo à mi temps, et même à mi temps, il arrivait à se dégager environ 900 euros par mois, un truc comme ça, et en plus de son stage, donc, c'était il me disait c'est idéal pour prendre son vélo le soir, quand on veut. C'était assez attirant sur le papier parce qu'on était l’été, parce que c'était pas trop mal rémunéré. En fait, c'était rémunéré je vais dire correctement, un peu mieux que le SMIC, mais pas non plus... Donc je me suis dit pourquoi pas? Ça n'a pas l'air si si compliqué. Et puis ça va, ça va me faire les cuisses. Et puis, très bien. Et je me suis lancé sans trop, sans trop réfléchir quoi.
Soukaïna Qabbal : Pour Edouard Bernasse, les plateformes de livraison à vélo présentent la promesse d’une activité flexible, et plutôt rémunératrice. Mais rapidement, il se retrouve aspiré par une organisation du travail aliénante, et qui maintient les livreurs dans un rythme épuisant.
Edouard Bernasse : Ce qui s'est révélé dans les faits, entre entre ma signature de mon contrat sur la plateforme et mes débuts sur mon vélo, c'était qu'il y avait un gouffre entre ce qui était vendu et la réalité du terrain. L'effort physique, ça, on s'y attend. Mais quand on se rend compte qu'on doit quand même travailler plus pour gagner un peu plus, on arrive à, si vous voulez, dans un état physique un peu un peu usé.
Et on essaie de résister. L'hiver s'installe, la pluie, et on apprend à dangereusement à ne pas connaître, reconnaître et gérer les signes de fatigue. Et donc, tout ça, c’est une fatigue, qui, qui s'enchaîne, qui est stockée quelque part dans votre organisme et au bout de au bout de huit mois, moi, j'ai par exemple, j'ai eu une espèce de burn out complètement physique, c'est -à -dire que je pouvais. Je ne pouvais plus pédaler sur ma fatigue, c’est à dire que je faisais en moyenne 360 km par semaine.
Et un jour comme ça, à force d'être dans le froid, d'être dans vraiment, dans la fatigue. Je pense que je me rendais même pas compte, mais j'avais une tête terrible. J'ai un copain qui m'a dit ‘Jamais je t'ai vu avec cette tête là, et je suis arrivé devant mon vélo et je me suis mis à trembler, littéralement trembler. Je me suis dis « ouais c’est le froid, vas-y prends ton vélo, c'est pas grave. » Espèce de réflexe comme ça de continuer à. Et là, j'étais pris de nouveaux spasmes, mais j'ai vomi. J'ai vomi comme ça, devant mon vélo, parce que c'était mon corps qui me disait je n'en peux plus.
Et là, j'ai véritablement compris qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas et et j'ai annulé mon shift. Je suis rentré chez moi et j'ai vu que j'avais perdu beaucoup de poids quand même et que j'étais devenu ..alors j’ai toujours été quelqu’un de mince mais là j'étais maigre, quoi. J'étais maigre et j'ai mis une semaine à commencer à récupérer. Je dormais 15 heures par nuit et je devais faire des siestes de 2 3 heures encore. Là, j'ai vraiment compris que j'avais vraiment je vous dis ça, je n'avais pas encore 30 ans à l'époque hein.
Soukaïna Qabbal : Si Edouard Bernasse a fini dans un tel état, c’est parce que ses conditions de travail sont régies par un élément crucial de cette économie de plateformes : le tout puissant algorithme.
Pour le comprendre, il faut aller voir du côté du principe d’auto-accélération.
La notion d’auto accélération a été mise au jour par Stéphane Le Lay et Fabien Lemozy, deux sociologues de l’institut psychodynamique du travail. Ils ont conduit une étude sur l’impact psychique de l’algorithme sur les travailleurs de plateforme.
Au cours de leur enquête, ils ont remarqué cette stratégie mise au point par les livreurs, qui consiste à “adopter un rythme de travail suffisamment élevé pour saturer le fonctionnement psychique”. En quelque sorte, il s’agit pour les travailleurs de se transformer en robot. Un robot dont toutes les antennes sont dirigées vers la tâche à accomplir, avec pour objectif d’être le plus efficace et rapide possible, au détriment de certaines règles de sécurité ou de l’écoute de son corps et des signaux d’alertes qu’il peut tenter d’envoyer.
Édouard Bernasse, qui a participé à cette enquête, me décrit précisément quelles formes prend cette stratégie d’auto accélération.
Édouard Bernasse : Quand vous êtes livreur, la première peur, c'est de ne pas subvenir à ses besoins. Et donc, quand vous gagnez, pas d'argent, ça vous angoisse. Quand vous êtes sur votre vélo, vous êtes avide, ça vous angoisse, quand vous êtes devant un restaurant, ça vous angoisse. Vous devenez absolument stupide. Au bout de dix minutes, vous mettez un coup de pression, le restaurateur. Vous devenez complètement dans une espèce d'auto accélération, tout le temps, tout le temps où chaque minute compte.
Mais c'est entretenu par la plateforme qui vous envoie souvent des notifications. Qui vous note. Il y a des statistiques qui sont basées sur votre disponibilité et votre efficacité et qui met en compétition les livreurs comme ça. Quand vous êtes parfois, quand vous êtes arrêté, vous êtes rentré chez vous et hop, l’application va vous envoyer une notification pour vous signaler que ah bah tiens ce soir, il pleut.
Mais du coup, ils ont ouvert des créneaux pour élargir, élargir la flotte de livreurs parce que quand il pleut, il y a beaucoup de commandes et ils mettent un petit bonus.
Alors du coup, vous y allez, vous êtes crevé, mais c'est pas grave, vous y allez. Et comme ça, il y a beaucoup de livres, ont témoigné de trucs complètement débiles ou ils se réveillaient la nuit pour aller voir si, par exemple, ils n'avaient pas des créneaux qui s'étaient pas libérés.
Soukaïna Qabbal : L’auto-accélération que décrit Edouard Bernasse, elle est en partie liée à l’algorithme.
Mais j’entends aussi quelque chose qui y fait écho dans le discours de Christophe Tessier quand il me parle de son besoin de constamment acquérir de nouvelles compétences.
Christophe Tessier : C'est vrai qu'il faut tout le temps se former, se former, ça veut dire faire un peu des mises à niveau, que ce soit des logiciels dans la communication qui sont des logiciels graphiques qui évoluent tout le temps. Donc ça, chaque année quoiqu'il arrive, il y une nouvelle version. Et si, d'une année à l'autre, on n'a pas fait une petite mise à jour, ne serait-ce que comprendre quelles sont les dernières modifications qui sont arrivées dans leur logiciel, on est très vite largué.
Donc, il faut tout le temps se faire une formation maintenant avec Internet, il y a plein de personnes qui font des tutos sur comment faire ceci ou cela. Donc ça, pour moi, c'est de la formation.
L'idée, c'est qu'à chaque fois que j'ai un peu un trou, soit dans mes rendez vous d'hypnose, soit dans mes chasses, soit dans ma comm, je me dis “bah voilà, ça veut dire que ce moment là, je dois le prendre pour apprendre”. Et soit apprendre des nouvelles choses, soit me mettre à jour sur des choses qui sont peut être pas si évidentes que ça pour le moment, et je me dis bah..”est ce que je peux être meilleur là dessus” ?
Soukaïna Qabbal : L’auto-accélération, ou le fait de toujours se pousser, quitte à ne pas entendre les signaux que nous envoient notre corps et finir en surmenage, cela trouve surtout ses origines dans l’absence des protections liées au salariat.
Le statut d’auto-entrepreneur, créé en 2009 pour permettre à des particuliers de facturer des prestations en évitant les lourdeurs administratives de la gestion d’une entreprise, a favorisé l’émergence des slasheurs.
Son développement a été au centre des propositions d’Emmanuel Macron, “candidat du travail”, pour dynamiser l’emploi et encourager l’entreprise individuelle.
Les auto-entrepreneurs doivent assurer eux-mêmes leur couverture sociale, n’ont pas le droit à des congés payés, à des arrêts maladies, ni à des indemnités chômage.
Une aubaine, pour les entreprises, qui emploient à la tâche, au besoin, des individus dont elles n’ont pas à financer les prestations sociales, et qu’elles peuvent mettre en concurrence à loisir pour pouvoir les payer le moins possible.
MUSIQUE
Mais alors que faire ? Doit-on renoncer à la promesse de flexibilité et de réalisation de soi qu’offre le slashing ? Et comment envisager un mode de travail où l’indépendance des travailleurs serait respectée et dans lequel ils pourraient jouir d’une protection sociale élémentaire ?
Comment trouver une troisième voie, entre la success story d’un Christophe Tessier, sans cesse à l’affût de nouveaux clients, qui considère que son travail ne lui laisse pas le temps d’être malade, et les conditions d’existence des nouveaux ouvriers numériques, déshumanisés par l’algorithme, qui travaillent toujours plus pour gagner de moins en moins ?
Il convient de se demander si l’idéal du statut de slasheur peut être préservé. L’idéal d’un travail qu’on se façonne, qu’on se choisit, sans pour autant renoncer aux droits sociaux qui, comme leur nom l’indique, sont des droits et non pas des options qu’on devrait payer pour pouvoir en profiter.
Pour atteindre cet idéal, les slasheurs ont à conquérir une véritable reconnaissance dans leur statut, ils doivent encore arriver à ce qu’il soit circonscrit, sécurisé et accompagné, d’un point de vue politique et juridique. Et pour conquérir des droits, comme le rappelle Édouard Bernasse, la meilleure manière reste de s’organiser collectivement.
Édouard Bernasse : Ben La réponse, elle est éminemment. Elle est éminemment politique. Et de toute façon, en attendant des jours meilleurs, que faire? Il y a plusieurs façons de faire. La meilleure solution que je peux vous proposer, c'est si vous voulez être indépendant, parce que ce qui vous attire, c'est d'être autonome dans la façon de conduire votre travail et de l'organiser. Eh bien, j'imagine aussi que vous voulez être autonome dans la façon de le défendre.
Et donc, comme il faut, à mon sens, envisager la création de collectifs de collectifs autonomes qui, comme on l'a fait avec le Clap qui aurait pour vous vocation à si vous voulez éclairer la réalité des conditions de travail et à peser dans le rapport de force.
Soukaïna Qabbal : Malgré le désir d’autonomie que portent les slasheurs vis-à-vis de leurs conditions de travail, le salut de ce statut semble en fait résider dans la solidarité des travailleurs entre eux.
C’est ce qui a conduit à la création du syndicat de travailleurs indépendants Indépendants.co, avant la crise du coronavirus. Dans une tribune, ils écrivent : “Le système de protection sociale actuel a été pensé à l’ère de l’économie de masse où le salariat et le plein emploi étaient la norme. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. (...) Nous formons une catégorie de travailleurs hétérogène, mais nous sommes animés par un désir commun : allier autonomie et sécurité. Tout est à réinventer, tout est à construire.”
Le syndicat a lancé, sur la plateforme 3millionsdindependants.com, une consultation nationale pour mieux connaître les attentes des travailleurs indépendants, et ainsi mieux les représenter. En juin démarre la phase de consultation sur l’assurance chômage, et en septembre prochain celle sur les droits sociaux. Fin 2021, le syndicat va réunir toutes ces contributions dans un livre blanc.
En se réunissant, les slasheurs pourraient œuvrer à une meilleure reconnaissance de la spécificité de leurs vies kaléidoscopiques, et leur permettre un jour d’incarner, à leur tour, des voies professionnelles synonymes de sécurité et d’équilibre.
MUSIQUE
Vous venez d’écouter Travail (en cours), un podcast de Louie Media.
Si vous souhaitez nous partager votre histoire par rapport au travail, vous pouvez nous écrire à hello@louiemedia.com
Cet épisode a été tourné et écrit par Soukaïna Qabbal.
Cyril Marchan était au montage et à la réalisation.
La musique est de Jean Thévenin et le mix a été fait par Olivier Bodin.
Marion Girard est responsable de production, et Maureen Wilson responsable éditoriale. Mélissa Bounoua est à la direction des productions et Charlotte Pudlowski à la direction éditoriale.
Travail (en cours) c’est tous les jeudis, et vous pouvez nous retrouver là où vous avez l’habitude d’écouter vos podcasts : Deezer, iTunes, Spotify, Soundcloud. Vous pouvez aussi nous laisser des commentaires et des étoiles, et si l’épisode vous a plu, n’hésitez pas à en parler autour de vous.
Et si vous aimez ce podcast, découvrez les autres podcasts de Louie : Émotions, Le Bookclub, Injustices, Passages.
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