Retranscription - Faire le deuil de son travail idéal

Marie Semelin:

J’ai vu une offre d’emploi il y a quelque temps, assez improbable..  

Le job c’était : partir vivre sur une île irlandaise, déserte. On est nourri et logé et en échange il faut s’occuper des touristes qui sont de passage. 

Par contre il n’y a pas d'électricité, pas d’eau chaude, etc - mais ça correspond parfaitement à mon fantasme de déconnexion. 

Je me suis dit “c’est un job de rêve” et j’étais pas la seule parce qu’il y a eu 48 000 candidatures pour ce poste. 

Je m'appelle Marie Semelin, je suis journaliste, je pense que je n’aurai jamais la chance d’habiter sur une île sans personne autour, et  si je vous raconte ça c’est parce que ça fait des semaines, en préparant cette émission, que chez Louie Media, on se pose mille questions sur notre rapport au travail. 

Que ce soit des questions en apparence triviales mais en fait pas du tout, du type : comment survivre avec des collègues un peu lourds, savoir s’il faut mettre des talons pour aller en rendez-vous, si le short ça passe pour les hommes en été. On s’est aussi posé des questions sur les bouleversements juridiques, les nouvelles technologies, celles qui nous permettent de travailler à distance mais aussi à notre patron de nous appeler en permanence. On s’est interrogées sur la place du travail lui-même dans nos vies.

Bref avant de décrypter tout ça dans notre podcast, de faire venir des experts, des anthropologues, des coachs même, on voulait vous raconter une histoire. 

Une histoire qui pose cette question, la seule qui soit vraiment importante: 

Est-ce que notre job nous rend heureux ? Parce qu’essentiellement, c’est ça qu’on cherche. 

On projette énormément sur notre travail: sur ce qu’il doit être, pourrait être, devrait ne pas être. Il y a toujours un petit truc qu'on voudrait réparer. Je ne connais personne qui soit absolument satisfait de toutes les facettes de son travail - ou alors si c’est votre cas, s’il vous plaît, prévenez moi j' essaie de m'incruster.

Donc la question suivante, si on part du principe que le travail idéal n’existe pas, c’est : Est-ce qu’on ne serait pas plus heureux en en faisant le deuil? 

L’histoire que je veux vous faire entendre aujourd’hui, c’est l'histoire d’une femme qui a un job bien payé dans le BTP, où elle pourrait faire une belle carrière . Mais elle n’y trouve pas tout à fait sa place… Au lieu d’y rester,  elle va se faire embaucher, au SMIC, chez Madmoizelle.com -  un magazine féminin en ligne. Elle adore ce qu' elle fait, elle travaille tout le temps, ses collègues sont ses confidents… En gros, elle a trouvé son job de rêve. 

Sauf que ça ne se passe pas exactement comme ça devrait..  et elle se fait licencier. 
C’est l'histoire de Clémence Bodoc, au micro de Judith Chetrit. 

Bienvenue dans Travail (en cours )

Clémence Bodoc: 

Moi j'étais à Sciences Po Lille au moment où il y a eu la crise des subprimes en 2008. On m'a expliqué, parce que c'était les études que je faisais à l'époque ce qui allait se passer dans la société au niveau de l'économie, au niveau des politiques publiques, au niveau de l'emploi. Et ma promo et moi on savait très bien que quand on arriverait sur le marché du travail deux ans plus tard ce serait la dernière année où on serait encore en capacité d'être embauchés par quelqu'un, parce qu'on savait très bien que la crise financière allait devenir une crise bancaire, une crise économique et que ça allait devenir une crise sociale en France. Donc je n'ai pas du tout pris le temps de réfléchir à ce que je voulais faire, je voulais gagner ma vie. Je voulais être indépendante, je voulais un salaire. Donc forcément quand j'ai trouvé un stage de fin d'études et qu'on m'a proposé derrière un CDI je ne me suis pas posé beaucoup plus de questions que “combien je gagne à la fin du mois ? Est ce que ça me permet de louer un appartement ? Est ce que ça me permet de vivre ?” La réponse à ces questions était oui. J'ai pris. 

J'avais à ce moment-là 23/24/25 ans. C'est de l'audio ça ne se voit pas mais je fais très jeune donc il y a 10 ans je faisais encore plus jeune et dans un milieu très masculin comme le BTP c'était vraiment difficile d'être prise au sérieux. Pas sur les chantiers comme on pourrait le croire mais plutôt dans les bureaux, dans cet univers feutré où l'image de l'autorité c'est un homme blanc en costume cravate et je ne correspondait pas à cette image. Donc c'était vraiment difficile pour moi d'être légitime, d'être prise au sérieux dans ce que je faisais. 

Quoi que je dise, peu importe les idées que j’amenais, parce que c'était moi qui les amenait, ce n'était pas pris en compte, pas pris au sérieux. Oui j'avais vraiment toujours l'impression d'être une deuxième catégorie et de ne pas faire partie de leur équipe.

Judith Chetrit: 

Au même moment, Clémence découvre le magazine Madmoizelle, un magazine féministe sur internet.  

Clémence Bodoc: 

Ce qui m'a frappé d'entrée, c'est que j'avais l'impression de lire des articles qui étaient écrits par des gens comme moi, des jeunes femmes comme moi, qui me parlaient comme je parle, qui parlaient de sujets qui m'intéressent alors que la presse féminine était -et elle est toujours je trouve- extrêmement lointaine du quotidien des jeunes femmes. Donc j'ai été immédiatement attirée par le miroir qu'on me tendait finalement. Donc j'avais spontanément écrit une critique du film Potiche et je l'avais envoyée au site en disant “coucou, je ne sais pas qui vous êtes mais c'est super ce que vous faites j'adore. Voilà moi j'ai écrit une critique de ce film si vous voulez la publier c’est super, voilà mon pseudo. Et puis sinon ce n'est pas grave et bonne continuation.” 

Dans les 48 heures, j'ai reçu un mail de réponse qui était assez laconique, un peu à la Steve Jobs de “Coucou c'est super ce que t’as envoyé, on peut s'appeler ?” et c'était le patron de Madmoizelle. Effectivement on a eu un coup de fil d'une vingtaine de minutes je pense où l’on faisait connaissance, il me posait des questions sur moi, sur ma vie, sur ce que je fais et puis ça a débouché sur une proposition de se rencontrer. J'ai accepté un rendez-vous, on s'est rencontrés dans un bar un jeudi soir et on a passé deux heures je pense. Moi j'étais arrivée carrément avec une proposition de chronique et cette soirée a finalement débouché sur une proposition de travail: quelques jours ou quelques semaines plus tard je ne sais plus, il m’a refait un mail en me proposant de devenir une rédactrice régulière du site. Mais bon il me proposait un CDD au smic à Lille et j'avais en face un CDI chez Eiffage et je tiens à le dire mais mon salaire de départ chez Eiffage c'était 36.000 euros brut annuel. J'avais 23 ans quand j'ai signé ça, c'était inespéré. Je commençais une carrière comme mon père en a eu une, c'est-à-dire rentrer dans un grand groupe avec la promesse que si tout se passe bien, on va monter les échelons progressivement et si c'est ça mon salaire de départ je pouvais fantasmer mon salaire dans 10 ans, dans 20 ans, j'allais être bien.

Judith Chetrit: 

Alors ça c’est pour la joie des fins de mois mais côté épanouissement c’est pas forcément convaincant. Elle refuse quand même le poste chez Madmoizelle parce qu’il lui paraît trop précaire, elle reste dans son entreprise de BTP, mais elle continue d’envoyer bénévolement des articles pour le site et pendant la campagne présidentielle de 2012, elle tient même une chronique. 

Clémence Bodoc: 

Donc effectivement j’ai chroniqué pour Madmoizelle de janvier à mai 2012. C'était clairement les 5 meilleurs mois de ma vie à l'époque parce que j'ai l'impression d'être Batman et d'avoir un job de jour et un job de nuit parce qu'évidemment j'écris le soir, le matin, je me lève très tôt. Mais j'ai une espèce d'énergie à ce moment-là, je sens que je fais quelque chose d'utile, ça me passionne, et donc je retrouve quelque part une envie que je n'avais jamais connue je pense avant ça. 

Judith Chetrit: 

En parallèle, la situation dans son entreprise de BTP se dégrade. 

Clémence Bodoc: 

Il s'est passé quelque chose de complètement insignifiant mais qui a été le déclencheur de mon burn out. Tout simplement un jour à la machine à café j'entends mes collègues qui discutent et ils viennent me voir “Clémence on se pose une question: par exemple toi est ce que tu aimes bien regarder des catalogues ?”. Je réfléchis, encore une fois pas de contexte donc “non pas spécialement”.

“Ah c’est bizarre” 

“Qu’est-ce qui est bizarre ?” 

"D'habitude, les femmes elles aiment bien regarder les catalogues.”

Donc à ce moment-là j'ai quand même un peu d'entraînement sur ce genre de sujet donc je me calme, enfin je m'énerve pas plutôt. Je rigole et je leur dis “mais vous savez que c'est sexiste comme raisonnement” 

“Sexiste, ne monte pas sur tes grands chevaux, on est pas sexiste”.

“Attendez attendez je ne vous accuse pas d'être sexiste, je vous explique que ce raisonnement est sexiste.” 

Là je leur explique ce que c'est que le sexisme. Je leur envoie le lien de la page Wikipédia et je les vois à trois là, en train de regarder la page et de lire ce qui est écrit,  d'écouter mes explications et ils ont ce moment d'hésitation où ils se regardent et ils se disent “Mais en fait je suis d'accord avec ce qui est écrit. Je pense que c'est normal qu'on traite les femmes et les hommes différemment parce qu'on est différents. En fait je suis sexiste, les gars on est sexistes”. 

Ça les a fait marrer et sur le coup je n'ai pas réagi. J'ai mis deux semaines à comprendre qu'en réalité le problème que j'avais depuis le début dans cette équipe c'est pas que j'étais trop jeune, c’est pas que je manquait d'expérience, c’est pas que je n'avais pas un background compta-gestion-finances. Le problème c'est qu'en fait j'étais une femme et que pour eux ça faisait une différence.

Pour moi dont les deux grands-pères étaient maçons et qui avait grandi dans un univers de BTP, à aucun moment j'avais envisagé que mon genre était le problème. Quand j'ai compris ça j'ai réalisé qu'en fait il n'y allait pas avoir de sortie ni d'amélioration puisque le problème était lié à qui j'étais intrinsèquement. Donc c’est le moment où j'ai plus été capable de gérer la situation. Là je suis entrée dans un burn out, j'ai eu un clou dans le dos qui se mettait en place le matin pendant mon trajet vers les bureaux. 

Et ça s'est vraiment fini chez un médecin un vendredi soir à 20 heures où je me tiens le bras comme s'il était en bandoulière parce que je ne peux plus bouger, et je suis paralysée de la nuque à la hanche gauche et je m'apprête à demander au médecin un relaxant musculaire pour pouvoir tenir jusqu'à mes vacances. On est à une semaine des vacances de Noël, on est aussi à une semaine de mes 26 ans parce que je suis née le 21 décembre, et du coup j’attends, j’ai six jours à tenir. Et là j’arrive chez le médecin et à la question du médecin “Qu'est ce qui ne va pas ?” j'ai fondu en larmes. Elle me demande “Vous travaillez où?” et là je suis en larmes et je lui dit “la tour à côté mais c’est pas ça le problème, j’adore mon travail”. Elle me dit “c'est pas la question, vous pouvez adorer votre travail et quand même être en train de faire un burn out.”

Judith Chetrit: 

Clémence rentre en famille pour Noël, mais elle n’est pas sûre de pouvoir affronter de nouveau ses collègues sexistes à la rentrée. 

A ce moment-là, juste au bon moment, le patron de Madmoizelle lui fait à nouveau signe. Elle négocie une rupture conventionnelle pour quitter son CDI - et lui, la soutient. 

Clémence Bodoc: 

Il m'a appelé et, alors que tous les adultes autour de moi essayaient de me convaincre que ce n'était pas si grave ce que je vivais, que c'était normal parce que “le monde de l'entreprise est violent, il est dur, il faut s'endurcir”. Est-ce que je suis sûr que je n'exagère pas ? Est ce que je suis sûr que je ne pourrai pas me faire respecter un peu mieux en étant un peu plus ferme ?. 

Lui ça a été la seule personne à me dire “C'est toi qui sais, c'est toi qui sais si t'es en capacité d'aller travailler ou pas. C'est toi qui sais si tu as fait tout ce que tu pouvais pour pouvoir être intégrée et être respectée. C'est toi qui sais et si tu décides que tu n'en peux plus, il faut que tu t'écoutes.”   

Je pense que lui avec son expérience il savait très bien que j'étais vraiment en plein burn out, et par la suite je suis tombée en dépression. Je n'aurais pas été en état de travailler à ce moment-là. Il m'a proposé le job à un moment où j'ai soumis à nouveau une contribution bénévole. C'était une réponse à un édito du Point sur la jeunesse en France et j'ai écrit un texte en 45 minutes sur mon canapé un samedi après-midi que j'ai envoyé et qu'il a publié le lendemain, qui a fait un buzz.

Et derrière il m'a rappelé pour me dire “Bon ça va mieux ? Ça a l'air d'aller mieux. Viens”. 

Quand je suis arrivée chez Madmoizelle en juin 2013 le bureau à Paris c'était un studio. Je dirais 20 mètres carrés dans lesquels il y avait une dizaine de places assises. Un peu un bureau sauvage. Mais c'était un cocon, c'était tellement accueillant et tellement chaleureux. Je me souviens de cette première réunion du premier jour. Moi qui avais passé trois ans dans d'immenses bureaux gris, de la moquette, aux murs, au plafond, aux fonds d'écran des ordinateurs. Arriver dans cette petite pièce avec des posters, des stickers dans tous les sens, des bureaux complètement ensevelis sous les communiqués de presse, et les gadgets et de la couleur et des gens qui me ressemblent.

Quand je suis arrivée, c'était avec l'idée de ne pas y rester. “De toute façon Madmoizelle c’est un point de passage”. J'étais au clair là-dessus et ce n'était vraiment pas assez payé par rapport à mes ambitions. Donc  je venais en quelque sorte me guérir de mon burn-out et passer à autre chose. Le problème c'est que.. enfin le problème, plutôt ce qui s'est passé, c'est que j'ai adoré ce projet. J'ai adoré cette communauté. Je trouvais ça tellement incroyable d'avoir une telle tribune, une telle liberté à la fois dans ce que je faisais mais dans les conditions dans lesquelles je le faisais. C'est à dire pouvoir écrire à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, de pouvoir choisir mes sujets, de pouvoir choisir d'aller sur le terrain ou de rester au bureau, de pouvoir faire des rencontres à longueur de journée. Toute cette liberté-là c'était au-delà de ce que j'avais rêvé comme cadre de travail.

Si je devais me décrire je dirais je suis quelqu'un de passionnée et que c'est ça qui définit mon rapport au travail. Mon travail idéal à du sens. Bon bah ça rejoint ça, ça rejoint l’idée de la passion. Quand on est passionné, quand on fait quelque chose qui a du sens, les horaires de travail c'est un concept absurde. Je ne suis pas passionnée de 9 heures à 18 heures, ça n'existe pas.

Ellen Page fait son coming out un samedi matin donc samedi matin je suis en train de traduire le discours d’Ellen Page voilà. Un samedi soir, on m'envoie sur le groupe Facebook des salariés de Madmoizelle, quelqu’un qui poste la vidéo de Guillaume Pley qui se demande comment embrasser une fille en trois questions. Je l'ai regardé un samedi soir en sortant du cinéma, j'étais en soirée mais en fait je n'étais pas dans ma soirée, j'étais en train de préparer ce que j'allais écrire sur le sujet. Le lendemain matin c'était dimanche, je me suis levée en pensant à cette histoire, je suis allée dans un café co-working et j'ai passé mon dimanche à écrire un article qui a été publié lundi matin. Mais c'était ça ma vie à l'époque.

Judith Chetrit: 

Avec ses collègues ça se passe très bien. Ça se passe tellement bien qu’ils deviennent un peu sa deuxième famille. 

Clémence Bodoc: 

C'est évident qu'à l'époque je confiais beaucoup plus de choses à mes collègues qu'à mes amis. C'était devenu des amis plus proches que mes autres amis, notamment pour toutes ces questions qui touchent au militantisme, où j'avais l'impression d'être perçue comme chiante, pénible. J’étais celle qui ne fallait pas lancer sur le sujet. Au moins avec mes collègues j’avais pas besoin de me retenir. Et oui je pense que je me confiais beaucoup plus à mes collègues qu’à mes amis. J'ai fait mon coming out d'abord à mon patron, d'abord à des collègues, longtemps avant de le faire à des amis. Parce que dans ces cercles là j'étais sûre de la réaction, j'étais sûre de leur réception. Je savais très bien que si je leur annonçait que j'étais queer ils n'allaient pas s'en moquer, ils n'allaient pas s'en indigner. J’allais pas découvrir que quelqu’un était affilié à la ‘Manif pour Tous’ dans ces cercles-là. Or je pense que dans d'autres de mes cercles je n'avais aucune idée de la réaction que les gens pouvaient avoir à ce type d'information et je n'avais pas envie d'expliquer. Je n'étais pas prête à dévoiler ce niveau d'intimité à mes amis alors qu’à mes collègues si, et je me rends bien compte aujourd'hui à quel point c'est bizarre de dire ça. Je n'ai pas de suite à cette phrase, c’est juste bizarre.

Judith Chetrit: 

Au bout de trois ans, Clémence est nommée rédactrice en chef. Mais une dizaine de jours après cette promotion, en septembre 2016, l’affaire Badmoizelle éclate. Des messages publiés anonymement sur Twitter, par d’anciennes rédactrices, accusent Fabrice Florent, le fondateur et le patron de Madmoizelle, de harcèlement. Voici quelques uns des messages :

“Chez Madmoizelle, les rédactrices sont virées quand elles sont considérées comme trop vieilles ou une fois qu’elles ont des enfants”. 

Un deuxième message dit: “Avec Fab, c’était toujours un festival de remarques déplacées. (…) Des blagues graveleuses, tout le temps”.  

Dans le texte de réponse que Madmoizelle publie en septembre 2016, Fabrice Florent affirme que ces témoignages, je cite, “contiennent des erreurs factuelles facilement démontables.” Alors il porte plainte contre X pour diffamation, et arrête de s'occuper du site pendant plusieurs mois. Clémence est alors seule pour gérer le site internet, et la crise que traverse Madmoizelle.

Clémence Bodoc: 

C'était tellement violent. C'était tellement violent vraiment, ce moment-là. Je pense que pendant des mois après j'avais des réactions de choc post-traumatique quand le hashtag ressortait sur Twitter, tellement j'ai vécu ce moment avec une violence que je n'avais jamais ressentie dans ma vie. Et je dis ça aujourd'hui avec le recul de ce que moi-même j’ai vécu. C’est pas que je ne les croyais pas quand elles écrivaient ça, j’avais eu une expérience professionnelle difficile avant Madmoizelle, je sais que c’est possible d’être dans une boîte où on est mal, où on a une mauvaise expérience, sans que ça soit nécessairement la faute de quelqu’un. Et j’avais cette conviction à ce moment-là qui était “Mais Madmoizelle c’est une boîte dans laquelle il y a un turnover hallucinant, il y a plus de 80 personnes qui sont passées par cette boîte, évident qu’il y a des gens qui ont eu une mauvaise expérience à l’intérieur. C’est sûr, même statistiquement c’est sûr. Donc je ne pensais pas du tout, je ne me disais pas du tout que c’était de la calomnie ou qu’elles mentaient, que c’était inventé de toute pièce. Je me disais juste “je trouve ça dramatique que même dans un cadre comme celui-là que je connais et dans lequel moi je m'épanouis, même dans ce cadre il y a des gens qui ont eu une mauvaise expérience”. 

C’est évident qu’aujourd’hui je ne porte pas du tout le même regard sur la situation que celui que j’avais à l’époque. Déjà parce que, l’expérience que tant de ces jeunes femmes ont raconté c’est exactement celle que j’ai eu par la suite. Je comprends aujourd’hui qu’en l’absence d’une hiérarchie claire, de rôles définis, de règles en fait, il y a des rapports de domination qui s’installent dont il est difficile de sortir encore une fois quand on a pas l’expérience et qu’on est face de quelqu’un qui lui-même ne semble pas avoir l’expérience du management. Evidemment qu’aujourd’hui je me rends bien compte que ce n'était pas elles le problème. Mais évidemment qu’à l’époque, dans le feu de l’action, j’étais incapable d’avoir cette réflexion. Et j’étais au front en train d’essayer de gérer une crise. 

C'est une crise, une crise majeure dans l'histoire du magazine. Ce que ça a provoqué derrière c'était immédiat, à savoir, j'étais censé avoir une transition avec mon manager, il était censé me passer progressivement le contrôle de l'équipe entre guillemets. Il a disparu du jour au lendemain, vraiment très personnellement touché par toute cette histoire. Et moi je me suis retrouvée seule à manager 20 personnes, à faire tourner le magazine. J'avais à ce moment la sensation d'être responsable de la survie de la boîte. Mais malgré moi einh, il n’y avait plus que moi. Et avec le recul, quand il est revenu, il a commencé à me décharger progressivement de tout ce que j'avais pris et quand il a commencé à me retirer un par un les poids que je portais, au lieu de m’alléger je m'effondrai parce qu'enfin enfin je pouvais lâcher prise, lâcher du lest et j'étais au bord du burn-out à ce moment là parce que ça faisait six mois que je travaillais non-stop. 

Judith Chetrit:

Même après le retour de son patron, Clémence trouve qu’il ne lui donne pas assez de cadre, de direction pour diriger le magazine. 

Clémence Bodoc: 

Un point qui a été une frustration qui s’est cristallisée au fil du temps avec mon manager c’est que j’avais pas de réunion éditoriale avec lui, où je pouvais lui soumettre des projets éditoriaux, où l’on pouvait prendre des décisions ensemble, des grandes décisions. Je pense que c'est là que se situe une violence très insidieuse du monde professionnel. C'est “on n'a pas besoin d'objectifs pour expédier les affaires courantes” et moi à la tête de mon équipe, je n'avais pas besoin de réunions éditoriales, pas de cadres, pas besoin de directives pour faire mon travail. Je sais faire tourner le magazine. Mais c'est épuisant de travailler au jour le jour, de décider au jour le jour de quoi on parle aujourd'hui, dans quelle direction éditoriale on va changer régulièrement au gré des commentaires, des lectrices, de l'opinion publique entre guillemets. Cette incertitude là, elle est épuisante surtout quand on fait un travail qui est à ce point exposé à la critique et au public. Et quand j'ai commencé à prendre confiance dans mon management et que j'ai identifié ça, que c'était cette incertitude qui était épuisante j'ai commencé à être de plus en plus exigeante avec mon manager parce que je voulais pouvoir me projeter, parce que je voulais pouvoir aider mon équipe à se projeter.

Judith Chetrit: 

S’ajoute à ça que la communauté des lecteurs et lectrices est très impliquée et ne laisse rien passer à la rédaction.

Clémence Bodoc: 

La société évolue très vite. Les jeunes femmes sont très engagées, on le voit d'ailleurs avec la génération Greta Thunberg et compagnie. C'est une génération très engagée. Donc c'est difficile de défendre des positions en son nom, que ce soit sous pseudonyme ou en son nom propre, et le jour d'après de devoir écrire un article sponsorisé pour une marque dont les valeurs contredisent ce qu'on a écrit la veille. Et quand on est une personne de conviction, quelqu'un engagé, se faire traiter d'hypocrite c'est vraiment une critique très difficile à encaisser. C'est vraiment très violent à recevoir. Et quand je parle de sécurité pour moi-même et pour mon équipe c'était beaucoup lié à ça. C'était beaucoup lié à “dans quelle direction on va ? Dans quelle direction on amène le magazine ?”. En fait on l'a vu ces dernières années par exemple la presse féminine s'est beaucoup dirigée vers du body positive par exemple. Ce n'était pas un inconnu dans la ligne éditoriale de Madmoizelle, ce n'était pas une hésitation, ça je savais que sur ce sujet là et bien il n'y avait pas de doute. Mais en revanche par exemple sur tout ce qui touche à l'écologie je ne peux pas me permettre d'avoir un jour un éditorial hyper engagé et le lendemain une sélection shopping avec une marque de fast fashion qui par ailleurs à une campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux, ça je ne sais pas comment concilier en fait avec la une de mon magazine. Ca c'était des discussions que j'avais besoin d'avoir avec mon manager, avec mon patron, avec le porteur de ce projet en réalité parce que ça touchait directement à la cohérence de son projet.

Je ne pense pas à partir mais je commence à dire sur le ton de la blague. “Je ne suis pas assez payé pour ces conneries”. Je le dis en ras le bol de temps en temps sur le ton de la blague souvent c'est à dire que quand je me retrouve à devoir gérer des problèmes qui ne devraient pas être ceux d'une rédactrice en chef, comme devoir faire du service-après-vente dans les commentaires. Je ne m’en cache pas que ça me frustre énormément, ma frustration est croissante sur un nombre de sujets qui commencent à s'accumuler et “je ne suis pas assez payé pour ces conneries”, c'est plus une blague. Dans mon point hebdomadaire que j'ai fini par avoir avec mon chef, je lui dis “écoute, je veux qu'on parle d'une augmentation. Pas maintenant parce que c'est une réunion qui est faite pour parler de l'organisation de la semaine. Dans mon entretien annuel qui ne saurait tarder, je veux qu'on parle d’une augmentation. C'est mon tour. A ce moment-là, ça fait deux ans et demi que je suis rédactrice en chef. Toujours à 1800 net, pas d'augmentation, pas de primes que je n'ai pas réclamées par ailleurs, j'avais le nez dans les chiffres et je n'ai pas vu d'ouverture qui me permettait de me dire “on a de l'argent, c'est mon tour”, mais là c'était mon tour, en tout cas c'était plus mon problème. S'il voulait continuer à avoir la rédactrice en chef que je suis, je voulais qu'il me paye à ma juste valeur, au moins qu'on en discute. Il me dit “Ok on en parlera” ce qui me va parce que je ne lui en demandait pas plus.

Trois semaines plus tard, on recommence nos points hebdomadaires et c'est là que mon patron me demande de réfléchir à ma sortie. Et sur le coup “oui je vais réfléchir à ma sortie” parce qu'en réalité je ne suis pas sûre de vouloir continuer dans ces conditions mais je me prépare moi à ce qu'on en discute parce qu'il y a une négociation de sortie qui est une transition de sortie. Transition pour tout le monde, c'est-à-dire pour l'équipe, pour qui va prendre ma place et pour moi aussi. Qu'est-ce que j'ai envie de faire derrière ? Je n'ai pas réfléchi à ce moment-là. Comme on est à la veille du mois de mars qui est quand même le plus chargé en termes d'actu féministe, et en plus la marche du siècle puisque c'est mars 2019 donc moi j'ai mon mois de mars qui est déjà calé au millimètre, ce n'est pas le moment pour que je puisse prendre du temps pour réfléchir à mon “après Mademoiselle”. Donc je commence à lui dire “écoute j'ai prévu de prendre des vacances à la fin du mois de mars, laisse moi un mois pour réfléchir, on en reparle à mon retour”. Le problème c'est que j'ai jamais fini cette phrase, il m'a coupé la parole et il m’a dit “un mois, mais ça va traîner combien de temps?”. 

Quand il me demande de réfléchir à ma sortie, je ne suis pas surprise parce que oui ça fait un moment que notre dynamique de travail est compliquée. Si lui il a plus envie de travailler avec moi il est totalement légitime de me le dire et quand il me dit “je voudrais que tu réfléchisses à ta sortie”, cette phrase là ce n'est pas un problème. Bon le problème survient quand il dit cette fameuse phrase “un mois mais ça va traîner combien de temps” et je comprends qu'en fait il n'y a plus de temps. En fait ça fait longtemps, ça fait trop longtemps j'imagine qu'il n’a plus envie de travailler avec moi. Est-ce qu'il a essayé de le dire et je ne l'ai pas compris ? Je me suis beaucoup remise en question, j'ai beaucoup cherché à quel moment je n'ai pas vu que notre relation professionnelle avait dérapé. J’ai pas compris. 

Judith Chetrit: 

On a demandé à Fabrice Florent ce qui, selon lui, s'était passé. Dans un mail, il évoque des divergences je cite “stratégiques et opérationnelles”. Il précise : “Pendant un an, nous avons tenté avec mon associé et une collaboratrice de les résoudre mais nous n’avons pas réussi à aligner nos points de vue”. Il reconnaît aussi avoir “fait des erreurs” et s’en être excusé, mais il ne précise pas lesquelles. 

A l'époque, il propose à Clémence une rupture conventionnelle. Pour elle, il n’en est pas question. 

Clémence Bodoc: 

Lui me le présentait comme “c'est pour toi, c'est pour ton bien, tu en as marre, t'es fatiguée, tu vas pouvoir profiter du chômage pour pouvoir écrire, lancer des projets”. Moi dans ma tête je me disais “Mais profiter de quel chômage, profiter du SMIC à Paris ce n'est pas profiter, c’est survivre donc non je ne vais pas faire ça non”. Et le fait que je refuse cette offre de base et que je veuille négocier et que je sache que ma valeur n'était pas dans les propositions qu'il me faisait mais qu'il fallait qu'on ait une vraie négociation, ça a coupé court à toute négociation. J'ai compris que lui il est décidé à me faire partir et que le seul recours que j'ai c'est de refuser si on ne négocie pas, parce qu’il n’a pas de raison de me mettre dehors. Je sais que j’ai le droit avec moi, il n’a pas de raison de me mettre dehors, je suis en CDI il ne peut pas me faire partir. C’est à partir de là que les événements se sont enchaînés dans une procédure finalement assez classique qui a débouché sur mon licenciement.

Judith Chetrit: 

Clémence reçoit sa lettre de licenciement le 27 juin 2019. Un licenciement pour faute grave qu’elle conteste. Mais les choses ne s’arrêtent pas là. En juillet 2019, un article est publié sur le site de Madmoizelle. 

Clémence Bodoc: 

Je me doutais qu'il allait y avoir une communication, parce que le magazine communique beaucoup sur la vie de l'entreprise. Donc je vais sur le site et je m'attends à trouver un article qui annonce la nouvelle rédactrice en chef et je m'apprêtais à le lire pour pouvoir le partager en disant “Longue vie à la nouvelle rédac chef. Bravo merci pour tout”, quelque chose de sobre. Sauf que non, pas fin de l'histoire. L'auteur de l'article c'est pas la nouvelle rédac chef c'est le patron. Et il a écrit dans l'article que j'ai été licencié, une information que je n’aurais pas forcément rendu public pour ma part. 

Judith Chetrit: 

Dans cet article, à l’époque, Fabrice Florent écrit :

“Il y a des histoires qui se terminent plus mal qu’elles n’ont vécues.

La nôtre, avec Clémence Bodoc, rentrera dans cette catégorie.

Nos relations s’étaient détériorées depuis environ un an. Au niveau perso comme professionnel, nous n’arrivions plus à tomber d’accord. Après de très nombreuses discussions et négociations n’ayant pu aboutir, j’ai fini, non sans tristesse, par la licencier de chez madmoizelle.” 

L’article a depuis été modifié, et dans son mail adressé à Louie Média, Fabrice Florent nous dit “l’annonce du départ de Clémence est une énorme maladresse que je ne m’excuse pas.”

Clémence Bodoc: 

A ce moment-là je suis complètement dépassée par ce qui se passe, vraiment. Je m'étais plus ou moins déconnecté des réseaux parce que je ne peux pas interagir avec les autres puisque tout ce qu'ils demandent c'est “ça va ? t'es où ? pourquoi on ne te voit plus ?”. Madmoizelle publie quand même des vlogs toutes les semaines où il y a les coulisses de la rédac et pendant plusieurs semaines de suite le top commentaire c'était “Où est Clémence Bodoc ?”. Et je ne suis pas un personnage de téléréalité donc que faire de ça ? Pas mon problème. Donc oui j'étais complètement dépassée par ce qui était en train de se jouer. 

Judith Chetrit: 

A ce moment-là, Clémence a perdu son travail, des collègues qu’elle considère comme une famille, et tout ça, publiquement. 

Clémence Bodoc: 

Quand je perds le travail j'ai déjà fait le deuil de ce travail, et c'est déjà particulier de le dire comme ça, qu'il fallait faire le deuil de ce travail. Mais oui c'est un environnement unique, c’est une expérience unique donc il y avait un deuil à faire. Enfin c'est quand même particulier de ne plus exister du jour au lendemain. 

Judith Chetrit: 

Si on reprend le CV de Clémence, elle a fait deux burn-out, dans deux situations professionnelles complètement différentes. Qu’est-ce que ça dit, selon elle ?

Clémence Bodoc:

Soit que je suis très fragile, soit que le monde est très violent. J’imagine que c’est quelque part entre les deux. 

Judith Chetrit: 

Quand on lit les rapports du ministère du travail sur l’épuisement professionnel, quand on entend des médecins en parler, la question de l’implication professionnelle des salariés revient souvent. Comme si le problème, c’était ça, c’était eux.

Clémence Bodoc: 

Ça ne devrait pas être un problème. Je ne veux pas croire que le problème est que je m'implique trop. Je préfère penser que le problème est que le monde change trop vite, trop, qu'en tant que société on ne s'est pas assez posé la question de ce que représente le travail dans nos vies. Mais effectivement je pense que ça implique de réfléchir collectivement et de mettre en place des garde-fous, c’est tellement un langage de DRH.. mais de mettre en place des lignes, des cadres, des espaces de zones d'alerte. Ce n'est pas normal de fondre en larmes au travail.

Judith Chetrit:

Depuis son licenciement, Clémence pose un autre regard sur le travail.  

Clémence Bodoc:

Aujourd'hui mon rapport au travail se construit en réaction directe avec ma précédente expérience c'est-à-dire qu'aujourd'hui j'attends de mon travail qu’il me rapporte de l'argent parce que je suis tombé dans la précarité. Je suis au smic, au chômage donc je me débrouille mais c'est compliqué. Donc je ne suis pas prête à me ré-impliquer dans quoi que ce soit qui ne me permette pas de sortir de la précarité. Donc ça veut dire pouvoir me loger décemment, ça veut dire pouvoir manger équilibré décemment, de pouvoir sortir sans compter mes centimes avant de commander une pinte dans un bar.

Donc c'est vraiment une question à laquelle je n'avais pas réfléchi avant parce que c'était secondaire mais maintenant je n'ai plus d'économie, je suis à la gorge donc maintenant mon travail, mon prochain travail va me permettre de gagner de l'argent. Et si c’est serveuse ou si c’est cadre en entreprise, pareil. Je ne vais pas le choisir pour la couleur de la moquette ou pour l'ambiance à la machine à café, je vais le choisir pour le salaire. 

Judith Chetrit:

Et quand on lui demande ce qu’elle pense de tous ces gens qui veulent privilégier le sens dans leur travail, comme elle d’ailleurs quand elle a quitté son entreprise de BTP, elle répond:  

Clémence Bodoc:

Ah ben c’est super le sens, mais ça ne paye pas les courses à la caisse du Franprix et ça ne paye pas le loyer à la fin du mois. Donc je n'ai pas renié cette vision là du travail, à terme j'aurai un métier qui aura du sens. Là tout de suite dans l'immédiat j'ai un loyer à payer. Mais c'est le cas d'énormément de gens pour qui trouver un travail c’est déjà un enjeu, réussir à vivre de son travail c'est déjà un enjeu, donc avoir un travail qui ait du sens c'est un luxe. J'avais ce luxe, il m'a coûté cher. 

Judith Chetrit: 

L’histoire de Clémence c’est l’histoire d’une trentenaire qui a déjà fait deux burn-out, dans une très grande entreprise et une toute petite. C’est l’histoire de son licenciement public par une entreprise dont plusieurs femmes ont dénoncé le management. Je crois que c’est aussi l’histoire de la violence protéiforme du monde du travail.  

Est-ce qu’il y a des solutions face à cette violence? Est-ce qu’il y a de nouvelles manières de travailler, pour trouver un équilibre ? 

C’est ce qu’on va explorer dans Travail en cours. 

Vous venez d’écouter le premier épisode. Judith Chetrit a réalisé l’interview de Clémence Bodoc. 

Chargée de production: Louise Hemmerlé. Responsable de production Marion Girard. Responsable éditoriale Maureen Wilson

Charlotte Pudlowski était à la rédaction en chef. Cyril Marchan à la réalisation. Bernard Natier s’est occupé de l’enregistrement, et Tristan Mazire du mixage. La musique est de Jean Thevenin. 

Travail (en cours), c’est un jeudi sur deux. Et dans notre prochain épisode, on va vous parler du télétravail. On s’est demandé pourquoi on n’est pas forcément ravis de travailler tous seuls chez nous, avec un ordinateur sur les genoux. 

Vous pouvez nous retrouver là où vous avez l’habitude d’écouter vos podcasts : Deezer, Apple podcast, Spotify, Soundcloud. et si l’épisode vous a plu, n’hésitez pas à en parler autour de vous et sur les reseaux sociaux. Enfin, pour nous raconter une histoire à propos de votre travail, vous pouvez nous écrire à hello@louiemedia.com. A bientôt !