Retranscription - Les amoureuses

Maureen Wilson

Si je vous dis "fêtes de fin d'année", qu'est ce qui vous vient à l'esprit là tout de suite? Moi, j'ai en souvenir assez précis d'un repas de Noël il y a quelques années. À l'époque, je suis végétarienne depuis peu et c'est la première fois que je revois certains membres de ma famille avec qui je ne vis pas au quotidien. Tout se passe bien, même si je suis encore placée à la table des enfants. Chacun parle avec son voisin, rattrape le moment fort de l'année jusqu'à ce que plusieurs personnes remarquent que j'ai remplacé dans mon assiette la traditionnelle dinde de Noël par un steak végétarien.Et évidemment, tout le monde a mon avis et pas uniquement positif... Je vous laisse imaginer la suite.

Et des récits de disputes de ce type, j'en ai plein : que l'on m'a raconté que j'ai vu dans des films ou des séries. Comme c'est la période des Fêtes de fin d'année, ajoutait  un peu de piment aux crispations familiales qui existent déjà le reste du temps. Alors, pour apporter notre contribution à cette période qui peut parfois être complexe, on vous propose des passages en épisodes tout doux. À écouter près d'une cheminée, avec un chocolat chaud, seul dans votre lit, en pleine digestion après les festivités ou même dans le train après avoir claqué la porte à cause de la dispute de trop.

Dans cet épisode, vous entendrez successivement trois voix : celle d'Irène, la grand mère, d'Anaëlle la petite fille et de Romy, l'arrière petite fille. Ce sont trois histoires de premier amour qui se rejoignent par le lien familial qui unit les personnes qui nous les racontent. Ces histoires interrogent notre rapport à l'amour. À quel point notre vision de celui ci se construit, se transmet et évolue au sein d'une famille.

Cet épisode a été tourné par un autre membre de cette famille, la journaliste Marie Salah. Je vous souhaite de joyeuses fêtes. Je suis Maureen Wilson. Bienvenue dans Passages.

Irène

Nous sommes en 1956, j'ai 26 ans, j'habite Chambéry, j'ai un petit studio au centre ville et je travaille dans un hôpital psychiatrique comme infirmière. Pour aller au travail, je me déplace en vélomoteur. J'ai une amie qui s'appelle Huguette, que je vois régulièrement. On travaille ensemble et on s'entend très, très bien. C'est une amie que j'aime beaucoup, qui est très extravertie, alors que moi, je suis le contraire donc lequel elle m'entraîne facilement dans.... Je vais pas dire dans ses délires haha. J'adore c'te fille. Mais alors, c'est fou, c'est fou cette fille.

Nous sommes en plein été et c'est mon jour de congé. Donc, j'avais décidé de faire un tas de petites choses chez moi. Et j'ai Huguette qui arrive et qui me dit "Ecoute, voilà, je suis avec mon mari et un copain de mon mari qui nous attendent en bas dans la voiture. Il monte à Baloir pour livrer du poisson dans un restaurant. Alors, elle me dit "Je ne veux pas rester toute seule avec les deux gars", elle me dit "Tu viens avec moi !" Je lui dis "oh no,.  Non, non, c'est mon jour de congé. Non. Tu me fous la paix". "Oh, mais tu vas pas me faire ça. Ecoute je suis toute seule avec eux, tu te rends compte de la journée. Enfin, c'est pas marrant. Tu peux faire un effort". Non, mais ça dure, je ne sais pas. Moi, peut être dix minutes, un quart d'heure. Parce que quand elle a envie de quelque chose. Attention hein ! Eh bin j'ai cédé, j'ai cédé, j'ai dit "bon bin écoute, je me change et j'y vais !" Donc nous sommes descendu. La voiture était en bas devant ma porte. Je suis rentrée dans la voiture où il y avait donc son mari et... Son copain ! Alors là, elle me présente en me disant "bon voilà, il s'appelle Marcel". Il est est pas mal. Il me déplaît pas... Mais enfin bon... C'est déjà quelque chose... Au moins je ne suis pas descendue pour rien (rires). Et nous v'la parti et je voyais qu'il me regardait dans le rétroviseur et moi, je voyais que ses yeux verts. Presque tout le long il ne m'a pas lâché. Enfin on est arrivé à Balloir. Et nous arrivons au restaurant, alors là, ma foi. Nous avons déjeuné. Je le trouve sympa parce qu'il est sympa, il est même très sympa. Et il me raconte ce qu'il fait. Il m'apprend que ses parents ont une fabrique de produits alimentaires et donc il travaille avec eux. Ce sont des gens qui ont de l'argent et donc moi, je lui dis que je n'ai pas de parents. Je suis seule, que je travaille comme infirmière. On se raconte nos vies, voilà. Et une fois terminé, on est parti. On a  beaucoup discuté en route, enfin des banalités. Et nous arrivons à Chambéry, devant chez moi, ils me dépose et me dit, il me demande "vous faites quoi que ce soir ?" Et me dit parce que "voilà, j'ai envie de vous emmener au casino d'Annecy". Je dis "oui, pourquoi pas? Et puis, avec mon amie, Huguette et son mari ?" Ah bah il dit "oui, pourquoi pas ?" Il ne devait pas avoir envie ! Et moi, je voulais parce que je ne le connaissais pas assez. J'avais pas envie de me retrouver toute seule.

Donc, je le laisse partir et je me dis "je vais me préparer" et je choisis une robe que j'aime beaucoup. Forme princesse bleu ciel avec des petits ramages et voilà ! Et donc, à 8 heures, il est là, il vient me prendre et ensuite nous partons chercher mon amie qui habite beaucoup plus loin. Et nous v'la parti à Nancy. Nous avons dîné, c'était sympa, nous avons dansé, nous sommes restés assez tard et nous sommes rentrés le soir. Nous avons déposé mes amis. On s'est dit au revoir, poignées de main (rires). Et Marcel me dit "Je peux vous revoir demain ?" Alors je lui dis à quelle heure je travaille. Je suis contente, je me dit "Oh sympa". Et on se voit tous les jours... Et moi, j'en suis très heureuse

Bon, tout ça, ça se passe un été et donc un soir en revenant de cinéma, il m'a raccompagnée et là, dans la voiture, eh bien nous sommes embrassés !

Et bon, je pense que je tombais, j'étais en train de tomber amoureuse. Lui, je pense aussi. Et ça y est, nous étions ensemble !

Un jour qu'on se promenait et il me raconte que ses parents ont des amis américains qui ont beaucoup d'argent et qui ont eu une fille. Et les parents ont mijoté de les marier. Mais Marcel n'est pas amoureux de cette fille. C'est une amie, tout simplement. Et donc, je me dis "Bon bah oui", je trouve pas ça tellement important, j'y pense plus. Et comme nous sortons souvent et très souvent au restaurant, il y a un jour, nous trouvons à Aix les Bains, au restaurant, sur une terrasse. On discutait, on mangeait, il faisait beau, c'était super et tout d'un coup. Arrive cette fille avec son père. Cette fille à qui il avait dit qu'il ne pouvait pas sortir avec elle ce jour là parce qu'il avait promis à un "copain" d'aller le rejoindre... Et donc évidemment, je le vois, Marcel, se lever d'un bond. Il va leur dire bonjour. Elle lui dit "pas mal ton copain". Il devait pas être bien à l'aise. Il revient vers moi, tout ça. Mais bon. Et je lui demande "c'est qui ?" Eh bien il me dit "C'est Florence, la fille dont mes parents voudraient que j'épouse". Ah bon? Elle arrive au même restaurant avec les restaurants qu'il y a Aix. Elle vient dans le même ? C'est une fatalité quand même ! Enfin bref. Mais moi, ça m'inquiète vraiment pas. Parce que on est tellement bien ensemble que s'il ne veut pas sortir avec cette fille, il y a bien une raison quand même ! Ca passe. On est reparti.

Bref, le temps passe, l'hiver arrive et Marcel m'apprend que son père lui achète une propriété en Charente. Je dis "mais pourquoi tu t'es éloignes?"  il dit "Parce que je m'entends pas très bien avec mon beau frère à la fabrique" à l'usine, c'est compliqué et il préfère que je quitte Chambery. Alors bien sûr que je ne suis pas bien contente. On n'est pas bien content.

Donc, on est un peu déçu. On s'est promis de s'écrire régulièrement ce qu'on a fait. Et moi, je passe mes vacances en Charente dans sa propriété. Les parents ne savent pas bien sûr. On fait comme ça tout l'hiver et le printemps arrive. Et un jour, je reçois une lettre. Je ne reconnais pas l'écriture, je l'ouvre et c'est la mère de Marcel qui m'écrit.

Elle me donne rendez vous dans un collège à la Villette, où son fils était, gamin et où elle connaît bien l'abbé Loridon, qui dirige ce collège. Je monte, je prends mon vélo moteur et je grimpe à la Villette, où je rencontre cette femme qui me dit "Voilà, mon fils est fiancé avec la fille de nos amis. Nous sommes des commerçants". Elle me fait comprendre que il y a l'argent qui joue au milieu de ça et nous aimerions bien que vous laissiez Marcel tranquille". Alors bien sûr, je suis surprise, mais je lui dit "Mais madame, il n'y a pas de problème". Je reprends mon vélomoteur, je descends, je vois le père qui était caché derrière le mur pour me voir passer. Je rentre chez moi et je suis triste, bien sûr, je suis triste, mais... J'écris à Marcel en lui disant que j'ai rencontré sa mère et que c'est plus la peine qu'on se voie. Il vaut mieux que on se quitte. Je ne vais pas me battre avec ces gens. Bon, le temps qu'il reçoive la lettre et un soir, un soir très tard, j'entends taper à ma porte. J'ouvre, et je vois Marcel, je me rappelle tout le temps, il y avait un pullover rouge  à col roulé blanc. Il rentre et puis il me dit "J'ai reçu ta lettre, mais tu vas pas me faire ça, c'est pas possible !" Je lui dis "écoute de ta mère a l'air vraiment décidée et elle veut vraiment que je te quitte, que tu épouses cette fille. Qu'est ce que tu veux que je fasse contre ? Moi, je n'ai pas d'argent". J'ai pas d'argent, moi ! "Mais non, tu ne vas pas me quitter..." Enfin, ça dure. Il passe la nuit avec moi hehe...  Difficile de résister ! C'est pas possible ! Eh ben, j'ai cédé. J'ai dit que bah je le quittais pas j'ai dit "on verra bien ce qui se passe" et donc on continue à s'écrire et je continue à aller le voir en Charente.

Et un jour, j'apprends que son père a un accident de voiture et qu'il est décédé. Oh! Donc, la mère redemande à son fils de revenir à Chambery pour travailler à la fabrique parce que son père est plus là. C'est lui qui va diriger. Il revient à Chambery et là, moi, je découvre que je suis enceinte, donc je suis un peu embêtée et j'en parle à Marcel qui en parle à sa mère. Et moi, je ne suis pas au courant, bien sûr. Et un beau jour, on tape encore à ma porte. Et c'est la soeur de Marcel qui arrive et qui me dit "Voilà, je viens de la part de ma mère. Il faut à tout prix que vous avortiez. Vous pouvez pas. Ce n'est pas possible de garder cet enfant". Là, je la coupe. Je lui ai dit "Écoutez, moi, je n'ai pas besoin de Marcel pour élever mon enfant. Je gagne bien ma vie et mon enfant. Je vais pouvoir l'élever toute seule, mais je n'avorterai pas !"

Elle est partie. Moi, je me suis dit "Il n'y a pas de problème, mon enfant, je sais que je peux l'élever toute seule" et j'en suis sûr. Alors, deux mois après que j'apprends que je suis enceinte et que la soeur de Marcel est venue taper à ma porte, je sors de faire mes courses et je tombe. Je prends mal. Je m'épanouis dans la rue et donc Marcel est venu me voir et je lui ai raconté. Alors là, il a dit à sa mère "voià, il y a Irène elle est tombée. Elle a pris mal. Elle est seule". Elle a dit "On ne peut pas la laisser toute seule. Elle a qu'à venir vivre chez nous, à Vimines". Je me suis dit "bon, je suis toute seule, j'ai personne. Il m'arrive quoi que ce soit je suis toute seule" et moi je voulais être près de Marcel. Donc j'ai accepté. Je suis montée à Vimines, vivre à Vimines avec eux. Mais alors là, on m'a donné une chambre à part (rires). Loin de Marcel. Où il venait me rejoindre le soir. Il restait pas parce que c'était un petit lit. C'était une petite chambre avec un petit lit. C'était un peu une cellule (rires). J'étais punie. Et tous les soirs, il venait passer un moment avec moi. Et voilà. Et donc (soufflements), j'ai vécu ma grossesse là haut, chez eux, jusqu'au troisième mois. Et au troisième mois, il fallait qu'on se marie parce que j'étais enceinte, j'allais avoir un enfant. Vous rendez compte, mais surtout pas Chambery. Il ne fallait pas que les gens voient que son fils se marie avec une fille qui n'avait rien. Donc, ils nous ont envoyé se marier en Charente. Je n'ai pas voulu mettre une robe blanche parce que je méritais pas. J'étais enceinte. Ah non non ! Ben j'avais fauté. Et oui, mais à l'époque... Il fallait même aller te confesser mais je ne l'ai pas fait. La "confess", je n'aimais pas trop ça et je trouvais ça un peu faux-jeton parce que tu peux raconter ce que tu veux. Non, pas d'accord. Mais donc je me suis fait faire un ensemble à carreaux bleu et blanc, bleu, ciel et blanc. La robe toute boutonnée sur le côté, avec la petite veste courte. J'étais heureuse malgré tout, très heureuse. Je me mariais, mais pour la vie ! C'était pour la vie. J'étais heureuse. J'allais passer ma vie avec lui et mon enfant. En septembre 61, j'ai ma fille aînée, Marie-Christine. On était heureux là, à la campagne, toujours avec mon petit bout là, mon Dieu Alala!

Et 16 mois après, j'apprends que je suis enceinte. Pas de problème, j'étais heureuse et en novembre, 1963 nait ma deuxième fille, Véronique. C'était super. J'étais toujours très heureuse et 16 mois après, je retombe enceinte une troisième fois (rires). Et donc là, c'est en mars 1966 où j'ai ma troisième fille Nathalie. J'étais toujours heureux. Oh oui! Oh oui, je l'étais, c'est sûr. Et seize mois plus tard, je retombe enceinte une quatrième fois d'une petite fille, sophie ! Qui naît en mai 68 à Paris. Les filles ont grandi, je me suis arrêté à 4. Je n'ai jamais repris le travail. Bien sûr.

Bon, moi, j'étais toujours très heureuse avec mes filles, mais les années passant, les affaires de Marcel ont périclité. Et pour nous aussi pour notre couple, ça a été fini. Rien ne va plus, mais on continue de rester ensemble. Ma fille aînée a un enfant donc je deviens grand mère à 52 ans en 1983, mais avec Marcel, c'était la catastrophe et on finit par se séparer. 19 Et c'était en 84 et je redeviens célibataire.

Une désillusion bon... une désillusion mais malgré tout, j'y croyais quand même encore, malgré tout. Après que Marcel m'ait quitté, j'ai quand même eu des aventures et j'ai compris que l'amour existait toujours. L'amour, ce n'est pas le mariage, c'est autre chose. Le mariage c'est... Pff ! Aujourd'hui, les jeunes, beaucoup ne se marient plus et ils sont bien plus heureux! Hein ? Et c'est ça le mariage, c'est de la connerie. Moi, je serais jeune aujourd'hui, je me marie pas ! Nan nan ! Je serais jeune aujourd'hui, alors je serais partis des féministes ! Nom de chien est comment !

Musique de transition vers la deuxième histoire

Anaëlle

J'ai 14 ans et l'amour j'y crois plus du tout en fait. Et je quitte l'enfance et je quitte, je quitte l'imaginaire des Disney où la princesse va forcément trouver son prince charmant à la fin de l'histoire quoi. Et je me rends compte que ça existe peut être pas forcément et qu'on trouve peut être pas toute notre prince charmant et et en même temps, c'est pas, enfin c'est une idée que je que j'abandonne on va dire. L'idée de finir ma vie dans mon château avec mon prince et  mes 56 enfants. C'est une idée que j'abandonne et en même temps, c'est une idée que ça me dérange pas tant que ça de l'abandonner. C'est quelque chose que j'accepte et c'est quelque chose avec lequel je vis pas trop mal.

Dans ma famille en fait, déjà, on est une famille à grande majorité féminine et c'est pratiquement toutes des femmes célibataires, que ce soit ma mère, mes tantes, ma grand mère aussi. Si vraiment je suis la dernière de ma famille et donc moi, je n'ai connu personne en couple.

J'ai 14 ans et je rentre en fait en même temps dans une association, dans un château, parce que je ne crois plus aux princesses, mais j'aime les châteaux quand même. Et donc je rentre dans cette association où on fait du théâtre et je rencontre énormément de personnes et je rencontre énormément de jeunes surtout. On est une quarantaine à avoir entre 16 et 20 ans et à passer donc tous nous tous nos week ends ensemble, et ce, pendant trois mois. C'est une asso où tout se passe très bien. On est beaucoup entre jeunes, il se passe plein de choses. Alors forcément, on a tous des petites histoires d'amour les uns avec les autres, mais c'est des trucs auxquels nous mêmes, on croit pas vraiment. Et donc forcément, voilà, on enchaîne plein. On sait que c'est des choses qui n'auront jamais de lendemain.  À 14 ans, une histoire d'amour, c'est fff... On sort ensemble, on s'embrasse dans les couloirs et puis ça fait des potins à raconter pour les autres potes. Globalement, ça tourne autour de ça. Ça dure le temps de l'asso, donc entre deux semaines et trois mois. Et puis ça s'arrête et l'année d'après on se retrouve et on est potes.

Donc, forcément, des liens se créent et là bas, je rencontre un garçon qui s'appelle Keryan et donc je suis encore au collège, lui il est au milieu du lycée. Un moment donné, on n'est pas dans les mêmes phases de nos vies. Puis les années passent donc il y a toujours le garçon, cette association que je retrouve donc un an plus tard. J'ai 15 ans. J'ai toujours le même style de relations avec tout le monde. Lui, ça reste un pote. De son côté, lui, il a une copine où c'est un peu plus sérieux déjà. Et on se croise toujours dans les couloirs du château. On est potes, mais rien n'a changé.

Arrive ensuite l'année d'après et donc là, on est en 2020. Et évidemment, pas d'association, pas de château, pas de théâtre parce que le confinement arrive, tout se ferme. On est confiné et donc on se retrouve chacun à passer  ces trois mois comme ça, chacun chez soi, sans se voir. Donc on passe nos journées au téléphone les uns avec les autres pour essayer de garder un contact. Je passe des après midi entières en visite avec mon meilleur pote pour essayer d'avoir un petit contact humain de temps en temps. Et bah on en souffre beaucoup parce que moi, j'ai 16 ans et c'est difficile quand même de passer autant de temps tout seul et de ne pas avoir de contact et de perdre toutes ses habitudes qu'on avait de voir les gens à l'école dans cet asso, dans les activités, enfin partout.

Et on arrive donc en juin. On n'est pas allé au cours depuis trois mois et donc, après trois mois de confinement, on pète un peu un plomb. Et forcément, avec l'été, les soirées, les sorties, les retrouvailles, je les trouve chez les autres. Mais là, après trois mois passés sans voir personne, on a cumulé. On a fait des soirées dès qu'on pouvait.

Puis un soir, la toute première soirée qu'on fait, on la fait juste avec les trois filles du groupe. Donc on est toutes les trois, soirée pyjama et on dort dans une tente et on apprend un truc assez sympa c'est quand on est au téléphone avec Kerian justement. Ce qui est un truc un peu exceptionnel, parce qu'il répond globalement jamais au téléphone. Donc on est au téléphone avec lui et au détour de la conversation, il nous apprend qu'il n'est plus en couple. Et donc, heu bah on est un peu triste pour lui sur le moment. Mais finalement, il nous dit que ça va... enfin que c'était sa décision tout ça, donc cool, c'est chill. C'était notre première, notre première soirée de l'été, juste entre filles. Et ensuite, on enchaîne les soirées avec forcément les garçons.

Et et à ces soirées là, avec Kerian on se retrouve beaucoup et on sympathise beaucoup plus qu'avant. Parce que c'est vrai qu'avant on était pote de loin on va dire. Moi, j'étais très copine avec sa sœur à l'origine. Et là, on se retrouve à ces soirées où on discute les yeux dans les yeux toutes les soirées, au point où s'en ai vraiment pénible pour les autres parce qu'ils n'arrêtent pas de nous dire "c'est relou, juste arrtez et venez un peu dans le groupe" et c'est comme si rien n'existe autour en fait. On est l'un avec l'autre, on discute et quoi qu'on fasse, on trouve toujours moyen de revenir sur cette conversation où il y a plus que nous deux, en fait.

La première soirée, c'est mon anniversaire, on est fin, on est fin juin et on voit le lever du soleil. On trouve ça super cool et à partir de ce moment-là, on a décidé qu'à chaque soirée qu'on ferait, on allait soit se coucher suffisamment tard pour voir le lever du soleil, soit pas dormir pour voir le lever du soleil. Et donc, on a vu tous les lever de soleil qui pouvaient avoir à chaque soirée. On a fait une soirée où tout le monde s'est couché à deux heures du matin et nous, évidemment, on n'avait pas envie de se coucher vu qu'on était complètement en grand plan drague et donc on s'est dit non, mais on peut pas ou pas dormir, on n'a pas vu le lever du soleil. Donc c'est devenu une excellente raison de rester éveillé jusqu'à 6 heures du mat en attendant que le soleil se lève, qui nous donnait un petit peu un top pour nous dire c'est bon, là, vous pouvez dormir deux heures et et vous reposer un petit.

À ces moments là, je découvre à peu près tout de lui parce qu'en fait, c'est vrai qu'on se connaissait pas si bien que ça. Moi, je l'ai rencontré. Il avait 16 ans. Là, il en a 18. C'est deux ans où il a énormément changé et où, de toute façon, les peu de choses que je pouvais déjà connaître de lui étaient quasiment plus d'actualité, on va dire. Donc, je découvre un garçon vraiment génial. Il est hyper intelligent, il est hyper drôle, il mêle tout ça et il est juste extraordinaire. Et et c'est vrai que c'est sympa d'être un peu avec quelqu'un de plus grand et donc il a une maturité supérieure et forcément, il y a quelque chose de super cool qui se crée. Et donc, c'est à ce moment là, on fait où après deux ans à se connaître, on se rencontre vraiment.

Contrairement aux jeunes de nos âges qui d'habitude passent leur vie à draguer sur les réseaux sociaux, à s'envoyer des messages et à passer la nuit au téléphone. Nous, on n'est pas très téléphone, donc le fait qu'il réponde au téléphone, c'est une folie. Moi, je déteste passer des nuits au téléphone parce que je trouve ça très impersonnel. Les textos, c'est une chose que j'aime, pas du tout. Et donc, en fait, on se voit mais qu'est aux soirées et en dehors des soirées, on ne se voit pas. Il y a ce truc qui fait que, certes, en soirée, on passe notre vie ensemble, mais notre côté comme on cherche pas à se voir plus que ça, je ne sais pas vraiment ce que je lui plais, ou est-ce que je lui plais pas. C'est vrai qu'à chaque soirée, j'ai l'impression que oui, il a l'air content de me voir. Mais en dehors, quand la soirée se termine, la soirée se termine et on passe à autre chose. Est ce que c'est juste dans la mouvance de la soirée et dans l'ambiance où on se retrouve tous les deux et c'est sympa, on passe des bonnes soirées où il y a pas plus que ça ? Je n'ai pas d'attentes particulières de cette relation, au fait. Ça peut devenir ce que ça deviendra, ça n'a pas vraiment d'importance à ce moment là et donc j'attends de voir ce qui va se passer et je ne suis pas amoureuse à ce moment là. Je pense que lui non plus. Il y a ce garçon et et je le vois demain et c'est génial. Et puis on passe la soirée, puis la soirée d'après je le vois et c'est génial. Et à chaque fois, je le vois et c'est encore plus génial. Et je me rends compte en fait un peu indépendamment de ma volonté, il n'y a que lui que j'ai envie de voir aux soirées. Et le moment où il arrive à la soirée est le meilleur moment de la soirée. Et forcément, les choses se font de telle manière que l'on ne peut plus se passer l'un de l'autre en fait. Et c'est il n'y a pas de moments où on se pose, on se dit "Tiens, qu'est ce qu'on fait, où on en est, qu'est ce qu'on veut? C'est juste que les choses se font et ça se passe comme une évidence".

L'été avance et et on a un gros projet cet été avec pas mal de potes auquel je participe, auquel lui ne peut pas participer parce qu'il bosse comme caissier à ce moment là, et donc toute une semaine où je vais pas pouvoir le voir et où je suis excessivement fatiguée. Gros gros manque de sommeil à ce moment là. Et en fait, à ce moment là, comme justement on est amené à parler de ce projet, on commence à parler un peu plus par message. Donc tous les soirs, je lui raconte un peu comment se passait comment se passe la journée. Et le premier soir, je lui écris et au milieu de la conversation, je m'endors et je me réveille le lendemain matin à 6 heures. Et je vois que je n'ai pas envoyé, enfin que le dernier message que j'ai envoyé clairement, c'était pas un message qui annonçait que j'allais me coucher. Je lui envoie 10 messages pour m'excuser parce que je me sens trop mal et du coup, il me dit "non pas ça n'est pas un souci. J'avais cru que j'ai fait quelque chose de mal, mais du coup, tant mieux en fait". Et je le dis "promis, t'inquiète pas, ce soir, on discute, je me rendort pas". Et le soir, on discute. Évidemment, je me rendors en plein milieu de la conversation et donc j'essaye de trouver des stratagèmes. Il y a un soir, je mets le flash de mon téléphone pour avoir de la lumière dans la chambre et pour me tenir éveillée. Et je me réveille le lendemain matin avec le flash bien allumé dans les yeux et je me suis évidemment endormie. Puis, la nuit d'après, on s'appelle et puis je m'endors au téléphone. Et tous les soirs comme ça, je suis exténuée et je finis par m'endormir. Et ça devient une sorte de jeu avec cette histoire du fait que je m'endors ou si je mets plus de 30 secondes à lui répondre à un message il me dit "ah bah ça y est, t'es endormie !".

Un dimanche, pendant ce projet, il n'est pas en train de travailler parce que c'est dimanche et il nous rejoint sur le projet et il  arrive au milieu de la journée. Nous, la journée a déjà bien commencé.  Je le vois au loin et je me dis j'ai envie qu'ils viennent me voir. Et c'est comme si tout le reste du projet n'existait plus alors qu'il y avait plein de problèmes à gérer à ce moment là. Et à ce moment là, c'est un peu bizarre parce que tous les deux, on est terriblement contents de se retrouver. On n'attendait qu'une chose depuis toute la semaine, c'était de se voir à ce moment là et en même temps, il y a, il n'y a rien dans notre relation qui légitime on va dire le fait de se sauter dans les bras et d'être super contents de se retrouver parce qu'en soi, c'est pas mon meilleur pote depuis dix ans. Donc pourquoi lui plutôt que n'importe quel autre, alors qu'on est 20 ce jour là à se retrouver? Et donc, c'est à ce moment là que je sais qu'il se passe quelque chose, quoi, et que ça ne va pas juste être "on se drague tout l'été, puis il se passe rien derrière". Je ne sais pas encore exactement de quoi je ne saurais pas dire sur quel type de relation ça va nous mener, mais je sais qu'il va se passer quelque chose. Donc, quatre jours après, le projet se termine... Enfin ! Donc quelque chose à fêter. Arrive la soirée et donc là, évidemment, je suis un peu nerveuse parce que pas vraiment parce que je le retrouve, mais parce que je sais qu'est ce qui va se passer quelque chose en fait. Implicitement, c'était c'était la dernière soirée avant que je parte en vacances avec ma famille, donc on savait qu'on n'allait pas se revoir pendant un certain temps. Je sais qu'il va se passer quelque chose à cette soirée là et je sais que s'il ne se passe rien, de toute façon, il se passera jamais rien et je sais qu'il ne va pas, jamais rien se passer, donc il se passera quelque chose. C'est un peu obligé, quoi. C'est "the last chance" donc forcément, c'est la soirée où tout arrive. Et donc on arrive à cette soirée où c'est une soirée tranquille encore une fois, on n'est que sept cette fois ci. Et je me souviens d'un moment assez marrant où on est trois à discuter et où on parle des écarts d'âge dans les couples et de "est ce que c'est choquant? Combien d'écart d'âge c'est choquant ? Est ce que ça dépend tout ça?" Et en fait. On tourne toute la conversation pour savoir si ça dérange l'autre globalement. Et on est tous les deux en train de parler très clairement de notre situation, très ouvertement. Et on a un pote au milieu qui sait pas du tout et qui comprend pas du tout ce qui est en train de se passer et qui lui donne son avis hyper factuellement. Et lui, il est là, il dit "oui, non, mais moi, je pense que" le gars, il argumente tout ça, c'est exceptionnel. Et à chaque fois qu'il avait un argument qui est un peu contraire à ce que nous, on a envie d'entendre, on est là, on fait "oui, mais je pense qu'après, ça dépend des situations. Ou alors dans certains cas", et c'est très drôle parce qu'on essaye de en fait, on amène la conversation pour dire que non mais entre 16 et 18 ans, franchement, je trouve que c'est un écart d'âge il n'y a pas de souci limite. C'est vraiment le meilleur écart d'âge pour sortir ensemble. Et donc, c'est ça toute la soirée, on passe la soirée collés l'un à l'autre. On se lâche pas. Et arrive la fin de la soirée où on commence tous à être un petit peu épuisé, forcément. On commence tous être un petit peu alcoolisé aussi, forcément.

Et donc, on est dans l'appartement d'une copine et il y a sa chambre. Et donc on était supposé dormir tous dans le salon et on arrive à délicatement se faufiler pour aller dans la chambre. Et c'est à ce moment là qu'on se retrouve juste tous les deux et où il se passe un truc, forcément, parce qu'on n'avait pas fait tout ça pour rien. On discute encore toute une bonne partie de la nuit, juste sur l'un à côté de l'autre. Et puis finalement, il m'embrasse.

Je l'attendais quand même depuis assez longtemps à ce moment là et en même temps, c'est un peu sorti du réel en fait. C'est comme si à ce moment là, on est comme si, comme entre deux mondes, c'est à dire qu'il se passe des choses où c'est impossible d'analyser ce qui est en train de se passer. Les choses se passent et c'est le lendemain matin. On se dit mais enfin, qu'est ce qu'on fait en fait? Qu'est ce qui s'est passé? Qu'est ce qu'on fait? Et on en discute pas vraiment en fait. On a une copine qui rentre dans la chambre qui fait "oh mon dieu" et puis qui repart. Et à ce moment là, juste, on est tous les deux. On est bien et c'est prêt pour durer, en fait.

Et aujourd'hui, hiver 2021, on est toujours ensemble. Ça fait bientôt un an et demi qu'on est ensemble et tout se passe merveilleusement bien.

Ma vision de l'amour, maintenant qu'il est rentré dans ma vie, c'est que forcément, j'y crois, parce que quand les choses sont sous nos yeux, c'est un peu abusé de les fermer. Je crois peut être pas à l'amour au premier regard, mais en tout cas, je crois à la construction de quelque chose. Et et je pense que oui, quand l'amour est là, il peut durer. Il peut durer toute une vie. En ayant Kerian qui est rentré dans ma vie, j'ai aussi forcément sa famille qui est entré dans ma vie, chez qui je passe énormément de temps parce que il vivait encore chez ses parents l'année dernière à cause du confinement. Et ses parents sont un couple très heureux qui sont mariés depuis vingt ans. Et ça fait un exemple qui n'est pas forcément le mien. Et un exemple aussi de quelque chose qui marche et qui fonctionne et qui dure depuis longtemps et donc en fait, c'est tout plein de choses qui, mises ensemble, font que bien sûr, aujourd'hui, je crois en l'amour et plus en l'amour des dessins animés mais aujourd'hui, j'y crois vraiment en fait.

Musique de transition vers la troisième histoire

Marie

De qui es tu amoureuse ?

Romy

De Guilhem. C'est mon amoureux.

Marie

Ou est ce que tu as rencontré Guilhem ?

Romy

Au parc de l'école. On jouait au parc, on faisait une maison d'insectes et Guilhem m'a dit "Est ce que tu veux qu'on s'embrasse tout de suite?" Ben j'ai répondu "oui".

Marie

C'était romantique comme moment ?

Romy

Ça veut dire quoi romantique ?

Marie

Est ce que c'était un joli moment? Est ce que tu t'es senti bien?

Romy

Oui. En fait, Guilhem il m'a dit que peut être, on pouvait se marier tout de suite et du coup on s'est marié tout de suite.

Marie

Et se marier, ça veut dire quoi, en fait?

Romy

Ça veut dire se faire un bisou sur les lèvres.

Marie

Qu'est ce que t'as ressenti?

Romy

Bah, de l'amour. J'étais amoureux et heureuse.

Marie

Est ce que vous pouvez vous faire des bisous alors ?

Romy

Quand on est seul. Dans la cour, on essaye de se trouver un coin de fois. Et à ceux qui nous demandent "de me faire le bisou eh bah on le fait".

Marie

Qu'est ce que vous faites quand vous êtes tous les deux avec Guilhem ?

Romy

On se parle. Et quand je l'invite chez moi eh bin on joue, on se raconte des histoires d'amour.

Marie

D'autres que la vôtre ?

Romy

Non la nôtre! On se dit des trucs d'amour, des mots d'amour comme "je t'aime" ou et on se fait des bisous aussi.

Marie

Est-ce que vous voulez avoir des enfants?

Romy

Oui, je veux adopter un enfant parce que j'ai pas envie d'en faire. Et ce sera une fille et elle aura sept, huit ans ou 9 ou 10 parce que je n'ai pas envie d'avoir un bébé. Le bébé peut rien faire avec nous alors que les grands, oui.

Marie

Et Guilhem aussi ?

Romy

Il m'a dit "Mais comment on va faire? Mais si ils nous aiment pas ? Si on n'en trouve pas ?" Je lui ai répondu "mais si on va en trouver, dans un orhelinat".

Marie

Et qu'est-ce que tu as répondu à "si jamais l'enfant ne nous aime pas ?"

Romy

Mais il nous aimera sûrement.

Marie

t'en est sûre ?

Romy

Bah oui parce qu'à chaque fois qu'on prend un enfant, il nous aime. Il trouve aussi des parents.

Marie

Pourquoi tu aimes Guilhem?

Romy

Parce qu'il est gentil et parce qu'il est beau. Parce que je suis amoureuse de lui et que je suis marié avec lui.

Marie

Et où, est ce que vous aimeriez habiter avec Guilhem ?

Romy

Dans une grande maison avec un grand jardin. On aura des animaux, des chiens, des chats, des poissons, des tortues, des poneys et même, on aura abandonné l'école, nous on la reprendra avec Guilhem.  On veut la reprendre parce que ont veut changer les trucs.

Marie

Ah tu veux dire "la reprendre", la diriger plus tard?

Romy

Oui, la racheter. On changera l'école. On la fera encore mieux.

Marie

Avec quelles idées, par exemple?

Romy

Je ne sais pas.

Marie

Vous avez pensé à quoi tous les deux ?

Romy

C'est que moi qui ai eu cette idée,

Marie

Mais  tu aimerais quand même travailler avec Guillem ?

Oui ! "Guilhem pas Guillem !" 

Générique de fin

Cet épisode de Massages a été tourné et monté par Marie Salah. La musique est de Charles de Cilia et la réalisation de Lucile Aussel. Le mix est de Jean-Baptiste Aubonnet. Maud Benakcha est la chargée de production de Passages. Cet épisode a également été rendu possible grâce à Marion Girard, responsable de production, Melissa Bounoua, directrice des productions, et Charlotte Pudlowski, directrice éditoriale. Le générique de Passages a été composé par November Ultra et retravaillé par Charles de Cillia pour cet épisode.

Je suis Maureen Wilson et Passages est une production louie Media. Vous connaissez la chanson? Vous pouvez vous abonner sur toutes les plateformes de podcasts, nous envoyer vos histoires à hello@louiemedia.com. Et si vous souhaitez soutenir Louie, pour ces fêtes de fin d'année, n'hésitez pas à vous abonner au club. Vous y retrouverez des bonus, une newsletter, des rencontres avec l'équipe et en plus, c'est sur louiemedia.com/club. A très vite !

Générique de fin