Le conseil podcast de Titiou Lecoq: Mon enfant terrible

Titiou Lecoq est autrice et journaliste pour Slate.fr. Tous les vendredis, vous pouvez lire sa super newsletter. Et son dernier livre paru est Libérées! Le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale.

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«Mon enfant terrible est un podcast qui ressemble à des discussions très personnelles que j’ai eues avec mes amies et amis quand, après avoir fait des blagues, on s’avoue nos peurs, nos erreurs, nos sentiments d’échec. C’est exactement ce qui me plaît dans le podcast, quand il est exploité sous la forme d’une communication de l’intime, où l’on nous murmure ce qu’on n’ose jamais dire tout haut. Ici, c’est la mère d’un petit enfant qui essaie de comprendre pourquoi il fait des crises de rage tellement violentes qu’elles l’effraient. Qu’est-ce qu’on fait, de forcément mal, pour qu’à un moment notre enfant se mette à nous taper, nous griffer, nous mordre? Comme elle le dit lucidement "avoir des enfants, c’est découvrir qu’au fond on est un monstre”. C’est rassurant à écouter, c’est drôle, c’est émouvant et encore mieux: à la fin, il y a un vrai twist.»

Mon Enfant terrible, un podcast de Karine Le Loët à écouter sur Arte Radio.

Le conseil podcast d'Iris Brey: Les Couilles sur la table

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Iris Brey est critique et auteure de Sex and the Series.

«J’aime beaucoup le podcast Les couilles sur la table de Victoire Tuaillon qui s’empare d’une question qui me semble majeure, voire la plus importante, de notre époque : les masculinités. Essayer d’analyser comment les masculinités se construisent, les interroger avec des experts, c’est encore trop rare dans les médias ou dans les recherches universitaires. Et pourtant, on se rend bien compte après #MeToo et Time’s Up à quel point il est nécessaire de déconstruire la notion de virilité, de masculinité, pour nous permettre d’avancer dans nos réflexions sur les rapports de pouvoir, notamment entre les genres. Et, d’ailleurs, c’est le thème de deux épisodes récents. Mais le dernier épisode en date, le numéro 16 sur le porno, et notamment le porno gay, m’a particulièrement interpellée car les sexualités masculines sont rarement questionnées. L’intervenant de l’épisode, Florian Vörös, professeur de porn studies, nous permet vraiment de réfléchir sur les normes de masculinité qui se dégagent du porno hétéro et gay et comment nos “consommations” culturelles façonnent notre sexualité. J’aime aussi beaucoup la manière dont Victoire Tuaillon mène ses entretiens. On la sent très préparée, curieuse, précise et soucieuse de ne jamais perdre celui ou celle qui l’écoute. Bienveillante. Chaque épisode reste unique, sans impression de répétition, ni dans la structure, ni dans les propos, ni dans ses intervenant.e.s. C’est toujours une très agréable surprise.»

Les Couilles sur la table, un podcast de Binge Audio par Victoire Tuaillon. 

Le conseil podcast de Géraldine Sarratia: Un podcast à soi

Géraldine Sarratia est rédactrice en chef des Inrocks et anime Dans le genre sur Radio Nova.

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«Un de mes podcast français préférés est Un podcast à soi de Charlotte Bienaimé sur Arte radio. Elle aborde des questions féministes, ayant trait à l'égalité homme-femme dans notre société. C'est à la fois intime, très précis fouillé, documenté, avec une vraie progression de la pensée. J'ai beaucoup aimé l'épisode “Qui gardera les enfants”, qui interroge, en lointain écho au Chanson douce de Leïla Slimani, la relation que certaines femmes blanches de classe supérieures ou moyennes favorisées entretiennent avec d'autres femmes, moins favorisées elles, souvent migrantes, à qui elles ont recours pour garder leurs enfants et résoudre l'inégale répartition des tâches domestiques.»

• Un podcast à soi, épisode 5, sur Arte Radio

Le conseil podcast de Christophe Abric: Song Exploder

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Christophe Abric, connu sur les internets sous le nom de Chryde, a créé la Blogothèque, une entité qui s'efforce de créer des moments musicaux uniques, et de les filmer.

«Song Exploder existe depuis plus de quatre ans, ne fait qu'une chose et la fait extrêmement bien: demander à des musiciens de disséquer un de leurs morceaux, d'en raconter la genèse, en nous expliquant les paroles, en nous faisant écouter les maquettes, en isolant une partie de guitare ou le bout de sample dans le fond auquel on n'avait pas fait attention. Hrishikesh Hirway, son créateur, efface toutes ses questions du montage pour laisser l'artiste raconter seul son morceau. Mais il a un incroyable talent d'intervieweur : on sent qu'à chaque fois le musicien va chercher des réponses et des histoires qu'il n'a jamais racontées ailleurs. Il faut juste écouter Michael Kiwanuka raconter son mal-être d'ado noir qui aime la musique blanche et ne trouve sa place nulle part, tout en nous faisant écouter les premières prises d'un gospel reposant sur un simple claquement de main. Ou Robin Pecknold des Fleet Foxes décrire une de ses chansons comme un ornithologue parlerait d'un rare colibri, MGMT nous révéler qu'ils ont caché un riff de piano d'Abba dans “Time to Pretend“ ou encore entendre St Vincent nous dire qu'elle aimerait qu'une de ses chansons soit assez forte pour devenir la préférée d'une poignée de gens. Le meilleur podcast musical, tout simplement.»

Song Exploder est un podcast (en anglais) du réseau Radiotopia

Les conseils de Gabrielle Deydier: Coming In et GROSSE

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Gabrielle Deydier est l'autrice de On ne naît pas grosse.

«J'hésite entre Coming In d'Elodie Font et des podcasts de Neil Jomunsi. Celui d'Elodie m'a profondément émue... Neil Jomunsi est un auteur qui a un univers très riche. Il crée des nouvelles, des pièces de théâtre... Il les adapte aussi parfois en version audio avec un habillage très habile et qui apporte une réelle plus-value à l’œuvre. En 2013, il s'était lancé un projet fou, le projet Bradbury (c'est comme ça que je l'ai découvert): écrire une nouvelle par semaine pendant une année. À côté de ça, il réfléchit beaucoup sur le statut de l'auteur à l'heure des internets. Et il pose ses réflexions sur son site. J'ai choisi un texte qui s'appelle GROSSE. En fait, Neil a lu mon livre, il l'a énormément touché. Il a décidé d'écrire ce texte qui s'appelle GROSSE parce que le livre l'a ému. L'histoire: une fille grosse se fait harceler virtuellement sur les réseaux sociaux, et une nuit, ces réseaux prennent vie et s'en prennent à elle physiquement. C'est très bien écrit, très bien mis en scène sur le plan audio. Émouvant.»

Le conseil de Jack Parker: Welcome To Night Vale

© Photo: Rémi Chapeaublanc

© Photo: Rémi Chapeaublanc

Jack Parker, de son vrai nom Taous Merakchi, est une rédactrice web devenue autrice: son premier livre, Le Grand Mystère des Règles, est sorti en mai 2017 chez Flammarion et elle vient de sortir chez le même éditeur un ouvrage collectif intitulé Lettres à l'ado que j'ai été.

«J'écoute énormément de podcasts américains, surtout des histoires flippantes, du coup j'ai eu un peu de mal à choisir. Mais celui qui garde la place n°1 dans mon coeur reste un des plus grands classiques du genre: Welcome To Night Vale. C'est une fiction audio qui dure depuis 2012, mais que j'ai prise en cours de route –j'ai dû tout écouter depuis le début, ça m'a pris des mois mais j'écoutais ça du matin au soir, dans les transports, sous la douche (merci les enceintes bluetooth waterproof), pour m'endormir... L'histoire se déroule dans une ville fictive du désert américain, et se présente sous la forme d'une émission de radio. C'est Cecil, l'animateur, qui nous guide au fil du temps dans les aventures de cette ville et de ses habitants, et c'est complètement délirant. Il y a un côté lovecraftien avec beaucoup d'humour, une énorme diversité dans les personnages (que ce soit leur couleur de peau ou leur orientation sexuelle, tout est représenté), mais il y a aussi des dragons à 5 têtes, des femmes invisibles qui vivent secrètement dans les maisons, des figures encapuchonnées qui traînent près du parc à chien où personne n'a le droit d'entrer, un service de police top secret, un chat qui lévite dans les toilettes de la radio, un gros nuage lumineux, des dimensions parallèles et des anges, même si c'est illégal de reconnaître leur existence. Ça demande un petit temps d'adaptation pour s'y mettre tellement l'univers est fou et dingo et plein de petites subtilités, mais, une fois qu'on tombe dedans, c'est super dur de s'arrêter tant la narration et les rebondissements sont palpitants. C'est totalement unique, c'est drôle, c'est touchant, c'est euphorisant et incroyablement imaginatif, et je réécoute souvent des épisodes au hasard pour me replonger dans l'univers en attendant que les nouveaux sortent... Je crois que celui qui m'a le plus marquée est "The Woman From Italy", parce que ça m'a fait flipper ma race, j'ai dû arrêter de l'écouter au lit et reprendre en plein jour, ce qui m'arrive assez peu souvent. La plupart des épisodes n'a rien de terrifiant, mais il y a des petits détails qui filent la chair de poule parfois, et c'est un plaisir pour les amateurs de frissons dans mon genre.»

Les conseils podcast de Mathilde Lacombe: How I Built This et Serial

© Photo: Anne Lemaître

© Photo: Anne Lemaître

Mathilde Lacombe est entrepreneuse, co-fondatrice de Joliebox devenue Birchbox, auteure du livre Une question d'équilibre et fervente auditrice de podcasts! 

«Je recommande le podcast How I Built This et en particulier l'épisode avec Sara Blakely, fondatrice de Spanx. C'est le genre de parcours que je trouve vraiment très inspirant. Sara est partie de rien et a juste créé un produit qui correspondait à ses besoins (et pour le coup celui de millions de femmes). Aujourd'hui c'est une des plus belles réussites entrepreneuriales au féminin. J'adore ces success stories à l'américaine, ça me booste et ça me motive. Sinon, je recommanderais le premier épisode de Serial, saison 1. C'est le tout premier podcast que j'ai écouté. Je ne pensais pas être captivée à ce point par une série audio. C'est la première fois que j'ai ressenti le même sentiment d'addiction qu'avec une série télé. J'avais tellement hâte d'être dans le train ou le métro pour écouter la suite. Une belle entrée en matière dans le monde des podcasts»

Les conseils de Kaitlin Prest: Heavyweight, Heaven's gate, The Truth

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Kaitlin Prest est la réalisatrice et présentatrice de «The Heart», un super podcast américain sur les relations amoureuses. Elle développe actuellement un projet pour CBC Radio au Canada.
 
«J'écoute Heavyweight, le podcast de Gimlet animé par Jonathan Goldstein. J'adore tout simplement Jonathan Goldstein. J'écoute aussi The Truth et Heaven's gate, qui est nouveau.
Mais je sais surtout ce que j'aimerais écouter. J'aimerais avoir la même expérience en écoutant des podcasts que je ce que j'ai quand je regarde Mad Men: c'est juste magnifique, tous les personnages sont bons et parfaitement justes, tout est orchestré dans le but de provoquer une catharsis émotionnelle massive et complète. C'est comme lire un livre qu'on ne veut pas voir se finir. Je veux ça. Je veux
Twin PeaksStranger ThingsDear White People. Je veux des podcasts aussi magnifiquement faits que ces séries-là: des voix distinctes, des styles distincts. Pour l'instant, tout est un peu pareil, tout est un peu un dérivé de This American Life.»

Le conseil podcast de Marina Rollman: «A piece of work»

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Humoriste suisse. Elle joue actuellement «Un spectacle drôle» au théâtre du Marais à Paris. On a vu le spectacle et on a fini pliées en deux de rire. Courez-y. 

A PIECE OF WORK«Une des deux génies derrière la série Broad City a fait ce podcast de vulgarisation de l'art. C'est en partenariat avec le MoMA et c'est une approche hyper basique et
décomplexée de l'art moderne/contemporain, par thème, artiste, medium ou courant. L'épisode 2 avec Tavi Gevinson est super, le 4 sur l'œuvre de James Turrell aussi, et le 6 avec RuPaul sur la performance est top. Ça te donne envie d'approcher l'art simplement, franchement, spontanément. Ça ramène la jouissance (un peu dépouillée) de toi face à une œuvre, dans un chouette endroit. C'est simple, drôle, poétique et intéressant.»

Les conseils de Bruno Muschio: «Crackopolis», «Flicopolis», «Les Braqueurs», «Diamant sur canapé»

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Auteur-réalisateur de BrefBloqués et Serge Le Mytho.

«J'hésite entre 4 mini-séries d'Arte radio “Crackopolis”“Flicopolis”“Les Braqueurs““Diamant sur canapé”.«Crackopolis»«Flicopolis»«Les Braqueurs»«Diamant sur canapé». On s'immerge dans des mondes qu'on ne connaît que par la fiction ou les faits divers. Mais cette fois, on écoute directement la personne concernée, comme si on l'avait croisée par hasard et qu'on prenait un verre avec elle. C'est très intime. Les trois premiers fonctionnent très bien ensemble et le dernier “Diamant sur canapé” est peut-être le plus fou, dans le sens où c'est sûrement la seule fois qu'on entend parler UNE “michtoneuse” au lieu d'entendre parler D'UNE “michtoneuse”.»

Le conseil podcast de Nadia Daam: «Sex and sounds»

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Nadia Daam est journaliste pour 28 minutes sur Arte,
pour Europe 1 et Slate.


SEX AND SOUNDS. «J’aurais bien aimé recommander un podcast sur l’entreprenariat au féminin ou sur l’art contemporain, parce que c’est classe quand même. La vérité, c’est que ce sont des sujets qui m’intéressent finalement assez peu et qui sont par ailleurs traités dans beaucoup d‘autres médias. Ce qui n’est pas le cas du sexe. Hormis les très bons sites ou blogs, l’offre sonore était somme toute limitée. Il y a bien quelques podcasts anglophones mais ils nécessitent un très bon niveau d’anglais ou impliquent de chercher régulièrement, pendant l’écoute, le sens sur internet de termes obscurs (j’ignorais par exemple ce que signifiait “cum” avant de googler, ça a pas mal limité ma compréhension du podcast américain “Guys we fucked”). Bénie soit Arte Radio, bénie soit Maïa Mazaurette. Avec “Sex and sounds”, il existe enfin un podcast “dédié aux liaisons fructueuses entre plaisirs d'en-bas et sons d'en-haut”. Le son, c’est précisément le prisme choisi pour ce podcast court (5 minutes en moyenne). Maïa nous parle à l’oreille d’ouïe et de sexe, comme une mise en abyme (oui, “mise en abyme”, j’écoute pas de podcast sur l’art contemporain, mais on est pas chez les cons). Maïa, qui connaît son sujet (elle est sexperte pour GQ et Le Monde) se demande si parler français est si sexy que ça, évoque le son de l’orgasme masculin, les bandes originales du porno…

Je recommande particulièrement à tous, sauf à ma mère, l’épisode consacré au “dirty talking”. Sujet souvent évoqué dans la presse féminine mais de façon bien crétine (“Pimentez votre couple : demandez-lui de vous appeler ma petite cochonne”). Comment parler sale sans imiter Joey Starr dans “Ma Benz”? Pourquoi c’est rigolo de dire des gros mots, surtout quand on est une femme? Pourquoi dispose-t-on d’aussi peu de vocabulaire pour exprimer son désir sans emprunter au champ lexical animalier ou à la torture? Et si Maïa confesse elle-même préférer aller sur Twitter si elle veut qu’on lui parle mal, elle pose néanmoins les bonnes questions…»

Le conseil d'Alex Blumberg: «Uncivil»

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Alex Blumberg est le patron de Gimlet Media.

«UNCIVIL» (10 épisodes). «Uncivil s'intéresse à la guerre de Sécession aux États-Unis (1861-1865), dont on débat encore aujourd'hui, 150 ans plus tard. Quand ça a été terminé, et l'esclavage aboli, l'Amérique blanche était du genre à dire: “la guerre est finie, tout va bien!” Mais nous n’avons jamais eu de grande conversation nationale sur le sujet. Des millions de personnes sont mortes pendant des siècles et il n'y a jamais eu de réparation. C’est pour cette raison que nous avons lancé cette émission, cela semblait nécessaire, et j’en suis très fier.»