Retranscription - l'aîné et l'acquis
Générique
Maureen Wilson - introduction
Vous êtes au lycée en cours de philosophie et votre professeur vous annonce les différents sujets sur lesquels vous pourriez tomber au bac. Parmi eux, le sujet de l'inné et l'acquis et l'opposition de ces deux idées. Durant le cours dédié à la question, vous apprenez la différence entre ce qui relève de notre patrimoine génétique, nos dispositions intrinsèques, l'inné donc et l'acquis qui lui s'apparente à la marque de la société sur nous. Tout ce qui change en fonction du milieu dans lequel nous évoluons, de l'éducation que nous avons reçu, du pays dans lequel nous vivons, qui sont nos amis ou notre famille. Alors aujourd'hui, vous n'êtes plus au lycée. Et normalement, comme moi, vous avez retenu que la grande partie qui vous construit est plus le résultat de votre socialisation que de votre instinct ou de votre génétique, mais aussi qu'il est difficile de faire la part des deux. Alors, quelle serait votre réaction si vous apprenez que votre cousin éloigné que vous avez dû voir une fois il y a 10 ans est votre portrait craché? que vous avez la même façon de vous tenir et la même passion étrange pour le fromage trempé dans le café. Ou encore, si vous découvriez, au détour d'une conversation à un repas de famille, que l'un de vos aïeux vous ressemble comme deux gouttes d'eau? Pas vraiment physiquement, mais dans vos mimiques, vos centres d'intérêts même. Vous ne l'avez pas connu mais il semble que vous soyez liés par votre passion pour le piano ou encore votre façon de jurer constamment, par un lien qui semble dépasser la logique, qui voudrait que ce soit le temps passé ensemble, les expériences partagées et les souvenirs communs qui donnent corps à nos relations. L'histoire de Passages de cette semaine questionne ces oppositions philosophiques sur notre essence. C'est une histoire tournée par Léna Friedrich à écouter au casque Je suis Maureen Wilson, Je suis Charlotte Pudlowski. Bienvenue dans Passages.
Vladimir
À l'adolescence, je suis comme beaucoup d'adolescents. Mon corps change. Je me mets à avoir de l'acné. C'est une période où je me sens vraiment mal dans mon corps et dans mon esprit. Mes résultats dégringolent à l'école. J'avais tendance un peu à m'isoler même socialement. Et mon père reste très dur en fait avec moi à cette période là. Quand j'ai 13 ans, je reviens d'un stage de foot que mon père m'avait offert et il me dit : "tu es laid, tu n'es pas intelligent. En revanche, ce qui pourrait au moins te sauver, c'est si tu étais gentil et si tu faisais attention aux autres, ce que tu ne fais pas". Et là je suis sur le siège passager, je me recroqueville et je pleure. Et là, il me regarde d'un air de dédain en disant "et en plus, t'es même pas fort".
Vladimir
Mes parents se sont rencontrés à la fin des années 70, au début des années 80, sur un vol où ma mère était hôtesse de l'air. À la suite de ce vol, ils ont entamé une relation qui durera quelques années. Mon père avait tendance à partir puis revenir. Ma mère étant amoureuse de lui et un jour, elle tombe enceinte, s'imaginant à raison qu'il ne désirait pas avoir un enfant, quand elle lui dit, elle lui propose de partir s'il le désire. Et c'est ce que fait mon père. Et c'est quand il apprend de nouveau que finalement, je porte le nom de ma mère que là, il fera un effort actif pour me reconnaître. Et donc c'est là je me mets après plusieurs mois à porter son nom.
Vladimir
Mon père me fait rapidement peur. C'est un homme qui a une une éducation très dure, une enfance pas facile. Dans sa famille on lui disait souvent qu'il était idiot, qui n'était pas intelligent, passait bien et il est très strict. Comme je suis très tête en l'air et que je ne suis pas ancré dans le réel ben ça l'énerve. Ça l'énerve, en fait ça l'énerve que je ne sois pas manuel, que je sois pas pratique parce que lui il aime les machines et les moteurs. Globalement, j'ai essayé de m'y intéresser, mais c'est pas moi. Je m'en fous. Je suis beaucoup dans ma tête. Très petit, j'ai des grandes pensées métaphysiques ou je m'interroge sur la question de l'existence. À l'âge de 9 ans, j'ai écrit mon premier poème sur la mort, par exemple. Quand je suis enfant en fait, je me sens très isolé sur ces questions. Avec ma mère c'est, on est différents dans le sens où je suis un peu dans le monde des idées, je réfléchis, etc. Et ma mère, c'est quelqu'un de très pratico pratique et elle a un complexe d'avoir arrêté l'école et elle me laisse développer mes grandes idées. Dès 14 ans, je deviens maoïste en disant que le problème entre les nations, c'est qu'en fait, il y a des cultures différentes. Une pensée qui se développe quoi. Et donc, je lui reproche même de pas de ne pas être comme mes camarades de classe dans les milieux bourgeois ou après j'ai évolué dans certaines familles où je trouve une richesse dans les conversations que ma mère ne peut pas m'apporter mais malgré elle, en fait, ce n'est pas de sa faute.
Relationellement, c'est un peu compliqué. A l'école, c'est très compliqué. Je suis très renfermé sur moi et je me crois pas, très intelligent et je me dis j'ai peur travailler en me disant que ça va révéler mes déficiences. Et j'ai commencé à passer de dernier de classe, à vraiment devenir bon élève de nouveau au lycée. Quand je commence à pouvoir faire mes premières dissertations. Et le vrai moment, où c'est quand je suis rentré en école où j'ai pu avoir des discussions avec des gens qui me ressemblent, qui ont les mêmes intérêts, des mêmes pensées que moi, et avec qui je veux débattre. J'adore débattre.
Vladimir
A 33 ans, ça fait sept ans que je suis avec Manon. Je la demande en mariage, ce qui se fait en 2017, et on partira en voyage de noces un an après, et c'est au retour de ce voyage de noces, où il nous reste de l'argent qu'on n'a pas dépensé pendant ce voyage où on fait un listing de ce qu'il nous reste à faire avant, avant d'avoir un projet, de se poser ensemble et de faire faire un gosse et dans cette liste, je propose de passer un test My Heritage. Un pour nous deux pour savoir d'où l'on vient et deuxièmement, on se dit que ça pourrait être intéressant pour notre enfant de lui conter une histoire sur ses origines géographiques. On sait que, voilà on imagine un enfant toujours être ancré dans des racines et que ça serait un moyen de lui, qu'il puisse raconter une histoire.
Vladimir
Donc en fait, on commande en hiver, on commande le test une semaine, vraiment très, très peu de temps après il arrive. C'est assez bien fait et ça consiste en vous prenez un coton tige, vous le cassez en deux. Vous mettez un bout du coton tige sur la joue droite pendant une minute. L'autre coton tige joue gauche, vous le mettez dans un tube à essai, vous le mettez dans l'enveloppe, vous mettez l'adresse américaine, vous achetez un timbre. Il faut acheter en plus un timbre américain, vous le renvoyer. Et là, vous avez une période d'attente.
Vladimir
Ce à quoi je m'attends, comme mon père est russe, vraiment voilà un patchwork de pays baltes, Russie. Du côté de ma grand mère, plutôt Yougoslavie et ma mère, je pense que comme elle vient d'un milieu très populaire français je m'attends à ce qu'elle soit ben française. Il y a un vrai temps de latence entre le moment où on passe le test et le moment où on a les résultats et on oublie qu'on va avoir des résultats. Et là, on est le 18-Juin. Je rentre du boulot, il fait très, très chaud et donc je décide comme il fait très beau de ne pas prendre le métro et donc de rentrer à pied chez moi. J'écoute ma musique. J'ai complètement oublié l'existence de ce test et en changeant mes pistes sur Spotify, je vois une notification My Heritage qui qui m'annonce en fait que nous avons retrouvé des liens génétiques avec vous. Donc ça veut dire pour moi, c'est terminé. Je vais pouvoir avoir ma base de données et donc premièrement, je regarde la carte. Alors là, ben moi, je suis, je suis 62% Breton, 32% Balans et le reste italien, espagnol, 01% russe. Comme j'ai 30% de Balkans, je me dis qu'on est moins russe qu'on le pensait. Point. Deuxième onglet à 25%, il y a Johana Le Goff qui est marqué, demi- soeur tante, la quarantaine. C'est les seules informations que j'ai et sur le coup, je me dis oh, c'est incroyable ce site. On trouve vraiment des liens très proches et c'est en marchant chez moi. Ça prend où les idées mûrissent dans ma tête et je me rappelle de Richard Dawkins que j'ai lu sur la génétique, qui me explique très bien les pourcentages, ce que ça signifie. Et j'explore l'idée que peut-être que j'ai une tante d'abord pendant tout le trajet et je me rends compte que c'est strictement impossible. C'est donc une tante par les deux grands parents c'est pas possible. Et donc reste plus qu'une seule option. J'ai une demi soeur.
Vladimir
Je suis étonné. C'est plus la stupéfaction. Ni heureux ni malheureux. Je suis étonné et j'ai envie de le partager à mes potes, je leurs dis tiens oui, il m'arrive un truc de fou, les gars j'ai une demi sœur sur un site. Et là a tout de suite on réfléchit. Et tout le monde pense " ben ton père. Qu'est ce qu'il a fait, quoi?" Moi, je, mon interrogation c'est "est-ce qu'il est au courant et ce qu'il sait lui même ?" Parce que si il pourrait avoir eu une fille, il n'est pas au courant. En fait, une femme a très, très bien pu, comme c'était un coureur de jupons et un homme à femmes. Il aurait très bien pu lui faire un enfant dans le dos. Rapidement, j'appelle ma mère et là ma mère est au restaurant et avec une amie et je lui dis Maman, j'ai je vais te dire un truc de fou.
Vladimir
J'ai reçu les tests génétiques, alors d'abord je lui parle que je suis breton, etc. Elle me fait "Oh c'est dingue", puis au bout d'un moment je lui dis que j'ai une demi soeur sur ce site. "Oh c'est dingue". Non non non c'est pas dingue. Et là, je lui ai dit au téléphone Oui, et j'ai même son nom. Elle s'appelle Johanna Legoff. Et là, elle m'a dit "Attends, je fini de dîner et je te rappelle". Et 45 minutes après elle me dit "faut que je dise quelque chose, j'ai connu un Legoff". C'est pas grave, que t'aies connu un Le Goff, ça n'a aucun rapport que t'aies connu un Le Goff. Je suis en train de te dire j'ai une demi sœur qui s'appelle Le Goff et là, elle dit non, mais j'ai vraiment connu un Le Goff. Et là, je lui pose la question. Nan mais t'as connu un Legoff, il y a 40 ans, il y a 25 ans ? Ou il y en a 35 ? Et là elle me dit "il y a 35 ans" et là je lui dis "maman il y a 35 ans, je vais poser ma question de manière très clinique : est ce que tu a couché avec un Le Goff il y a 35 ans ?" Et là, elle me dit "Mais ce n'était qu'un ami", je dis "oui, maman, mais on s'en fout. Amis ou pas amis". Et là, elle dit oui, j'ai couché avec lui et il a une fille qui s'appelle Johanna. Je dis "Maman, mon père est pas mon père, je suis désolé, je raccroche maintenant, c'est une bombe". Là je suis pas bien. Je me sens vraiment bien. J'ai plein de questions qui me vient à l'esprit. J'ai zéro réponse et je ne sais pas si j'en aurai. Je ne sais pas comment ça va se passer. Je sais que je sais que ça va pas être cool en fait. Je sens que les mois qui vont se passer, ça va pas être bien en fait. Je pense que je dois bosser le lendemain. Je ne sais pas comment je vais faire pour travailler. Je suis hyper stressé. Manon en parallèle appelle ma mère, elle lui conseille de venir. Et donc on se retrouve le soir avec ma mère qui, qui m'explique tout, qui se sent hyper mal. Elle me dit que Le Goff elle l'a rencontré sur une escale, que c'est un commandant de bord qui, où ils ont parlé de leurs problèmes respectifs de vie et qu'ils ont un soir couché ensemble en fait, tout simplement.
Vladimir
Et puis après, chacun est revenu dans sa vie. Mon père il se barrait tout le temps, il revenait. Ils étaient pas ensemble avec mes parents donc elle trompait personne elle. Elle me dit " voilà. Pour moi, c'était impossible puisque j'ai eu mes règles deux semaines après ce rapport et cinq jours après, je recouche de nouveau avec ton père et deux semaines après, je suis enceinte, donc pour moi règles puis on couche puis je suis enceinte et donc elle n'a pas creusé plus que ça. Et Manon qui est gynéco lui dit "bah en fait tu as eu des règles d'anniversaire, ça s'appelle. Après le premier mois d'aménorrhée toute femme qui qui tombe enceinte peut avoir des règles abondantes, même, donc des simili règles .Et c'est ça qui s'est passé.
Vladimir
Et je prends la décision dès ce soir là que j'en parlerai jamais à mon père. En fait, j'ai déjà un père et que quand bien même il a été dur ou quoi que ce soit, c'est lui qui m'a élevé. Finalement la relation difficile que j'ai avec lui. Ça fait un peu une bénédiction dans le sens où on se voit peu. Donc en fait, je vais pas avoir, ça peut pas être compliqué de lui cacher. C'est la phase de ma vie où je passe aux recherches. Qui sont ces gens?
Vladimir
Je veux savoir qui c'est en fait. Directement je suis allé sur Facebook. J'ai tapé Johanna Le Goff, j'ai essayé de voir est-ce qu'elle avait des frères et sœurs. Sur Facebook, je vais d'autres Le Goff et je ne sais pas qui c'est en fait, et ce n'est même pas le Legoff, c'est Legoff tiret un autre nom et donc je ne sais pas si c'est des cousins. Je sais pas, je n'en ai aucune idée. En revanche, je sais que c'est possible que ce soit des frères et sœurs. J'ai aussi une piste pour chercher mon père. Là, y'a rien. Ce n'est pas la même génération, donc y'a rien à part une annonce du syndicat des pilotes d'Air France qui dit qu'il a quitté la compagnie en 2007 quoi. Et sur un site, un annuaire quelconque, j'ai vu que Johana avait une adresse dans le 17ème et donc deux soirs de suite, en rentrant du travail, je me suis planté devant une cage d'immeuble et les deux soirs de suite, je me suis trouvé très bête parce que je me suis dit "Qu'est ce que t'attends ?" Y'a rien. Tu vas pas sonner chez des gens comme ça. Tu, enfin plein de théories qui viennent dans la tête qui se terminent, en fait, au moment où, à 4 heures du matin, je me réveille et je réveille Manon. Ou là, je sais qu'il y en a une des Le Goff tiret quelque chose qui est médecin? Comme je sais, je sais via Facebook, via des recherches par Internet. Et là, en pleine nuit, je me dis elle a fait une thèse. Si elle a fait une thèse, il y a des remerciements, si il y a des remerciements, elle cite ses frères et soeurs. Donc je n'ai pas lu la thèse, je suis allé directement aux remerciements et dans les remerciements, il y a "à ma soeur Johanna", et mes frères François et
Léon. Et là, je comprends qu'ils sont quatre en fait. Léa François, Léon, venaient se rajouter à la liste de Johanna comme étant mes frères et soeurs.
Vladimir
Je comprends même par les remerciements que il y a eu un remariage. Je vois que enfin, on apprend énormément de choses. J'ai compris qu'il y avait une forme de dureté chez mon père dans ces remerciements. Pourquoi ? Parce que elle fait des remerciements très froid vis à vis de son propre père, qui a écrit Merci pour ta rigueur et ton intransigeance. Avant, c'est plein d'amour. Et là, c'est plein de froideur. On est fin juin, début juillet. A ce moment là, même avec Manon, on se met à s'engueuler parce que elle est elle n'exprime que des craintes. Elle me dit juste "ça peut mal se passer", "tu ne sais pas ce que c'est que d'avoir des frères et sœurs" parce qu'elle en a plusieurs. Moi qui cherche en fait à faire baisser le stress, je suis en train de fondre parce que je mange plus et je dors plus. Ça crée des tensions dans mon couple. Je deviens assez dur dans cette période là. Je sens une forme de violence en moi. Je pardonne à ma mère tout en étant quand même dur dans les propos avec elle et je veux comprendre en fait. Donc du coup, je fais mes recherches sur chacun d'eux. Johanna je n'ai pas grand chose. Je savais que Léa habitait pas à Paris. Léon, J'avais rien. Et François, lui, je sais qu'il est comédien. Il suffit de taper son nom, mais en fait, je vois le lien entre l'affiche que je vois et le lien Facebook en fait je sais qu'il est comédien et donc, sans qu'il le sache, je suis allé le voir en fait, c'est fin juillet. Fin juillet, et il ne reste plus qu'une date. Et avec mon meilleur pote et Manon, on prend des billets et on se retrouve à voir la pièce de seul en scène de mon frère, très politisé à gauche et en permanence il regarde le public et il me regarde et les interprétations, c'est "est-ce qu'il m'a reconnu, est-ce qu'il m'a pas reconnu, est ce qu'il est au courant?"
Vladimir
Potentiellement, il sait qui je suis. Potentiellement il fait qui je suis parce que Johana, je ne sais pas si elle en a parlé ou pas à ses frères et soeurs, je n'ai aucune idée de leur situation familiale. Donc, en fait, quand il me regarde droit dans les yeux et comme on voit ma tête sur Facebook il suffit de taper mon nom, y ma tête qui apparait sur Facebook. Au début, quand on arrive au théâtre, en fait, je me suis dit mais c'est pas grave, on va être je sais pas 50 machin. Je vais être fondu dans la masse. On était 6 et comme on était 6, il voyait individuellement chaque personne. Donc en fait, si il savait qui j'étais, il allait me griller, donc j'étais hyper mal pendant toute la pièce. En plus, ils devait jouer et comme parfois, ils étaient balbutiant pendant qu'il jouait ou quoi que ce soit. Je me disais si ça se trouve c'est moi. C'est pour ça que quand il a proposé que les gens se revoient après la pièce, je suis sorti. J'ai fait. On se casse, on court. J'ai même couru. J'ai dit "on non je ne veux pas que je le vois comme ça. Je peux aller dire bonjour, je suis votre frère, je peux pas le faire. C'est pas une option.
Vladimir
En sortant de la pièce, je me dis que politiquement, on n'est pas d'accord, qu'il est pour moi très engagé France insoumise. Physiquement, je trouve qu'il ne me ressemble pas tant que ça. En revanche, il a des mimiques comme moi et en vrai, à ce moment là, je suis plus focalisé par les premiers arrivés qui sont Johana et mon père, parce que c'est par eux que je vais pouvoir les contacter. Donc en fait, j'ai toujours l'idée comment je contacte. Je me suis dit, Je réfléchis tout l'été. J'écris en septembre.
Vladimir
Et là seul moyen d'écrire, c'était via le site. En substance, le message que j'envoie à Johanna, c'est, "j'imagine que tu es chamboulée. Moi aussi, je suis au courant maintenant que mon père est pas mon père, dans le sens, au sens de la science, que j'ai des informations sur ce qui s'est passé. Si tu veux en savoir plus, n'hésite pas à me contacter. Moi, ça me ferait plaisir" point et c'est ça que j'ai envoyé le 12 septembre à midi et je suis au boulot et à 16 heures, je reçois un message de texto de Johanna et elle me dit qu'elle habite dans le 17ème arrondissement de Paris. Donc je ne m'étais pas trompé d'adresse. Donc, elle habite à 150 mètres de chez moi et que elle attendait ce message avec impatience. Et qu'elle m'embrasse. Elle dit "Ta grande soeur Johanna". Trois jours après, on se donne rendez vous juste à côté de chez nous, un bar qu'on connaît bien tous les deux puisque l'on habite vraiment à 200 mètres l'un de l'autre. Je suis hyper stressé, je suis hyper stressé et je la reconnais assez rapidement, même si j'ai vu vraiment que des photos très vagues d'elle sur Internet. Et là, je vois une belle fille très, très élégante, très souriante et contente de me voir. On s'installe et je sens
qu'elle a quelque chose à me dire et je la coupe tout de suite en la rassurant. En lui disant que je sais qu'il y en a trois autres et elle me dit "cool je pensais. Je pensais devoir t'annoncer une autre grosse nouvelle et je savais comment le dire". Après, on parle, on se demande rapidement, on parle rapidement du test. D'abord, on évoque les raisons pour lesquelles on a passé le test. Je lui dis comme elle que c'était pour m'amuser, elle aussi, elle l'a passé parce que son fils lui a demandé et on passe ensuite sur ben sur mon père. Je lui dis que le mien a été très dur et elle me dit du tac au tac "T'as pas gagné au change". Son père, elle, me décrit que c'était un homme très jovial qui maintenant devient de plus en plus dur avec l'âge.
Vladimir
Et que donc qu'ils se voient plus directement et elle me dit qu'elle ne veut pas trop m'en dire parce qu'elle me dit "ça sera ton histoire". J'apprends aussi, elle me dit que il n'y a que Léa qui est au courant. Là, j'apprends que François Léon ne savent pas et je me rends compte que les deux soeurs sont très proches, que les deux frères sont très proches et que ils se voient beaucoup plus sporadiquement entre frères et soeurs. Je commence à comprendre les interactions familiales.Après, on finit chez moi. Elle invite son nouveau copain. Manon débarque plus tard. Bon, on fume, on boit, on rigole et elle me dit que non pas elle, mais Léa va prévenir ses deux frères parce qu'en fait, elle, c'est la demi sœur de tout le monde, comme moi d'ailleurs.
Musique.
François
La première fois que j'entends parler de Vlad, c'est ma soeur qui m'appelle, qui, qui vient d'avoir un appel de notre demi sœur Johanna. Elle me dit "Voilà papa, il y a 35 ans, il a une rotation à Nairobi et je sens qu'elle tourne autour du pot. Vraiment elle galère pour lâcher le morceau. Et au moment où elle dit, il a une rotation à Nairobi et il a rencontré, et au moment où elle me dit il a rencontré J'explose de rire. Je vois très bien où cette conversation là. Je comprends très bien. En plus, on soupçonnait depuis longtemps que mon père avait eu un passé volage et elle rigole aussi et m'explique comment on s'est retrouvé avec un demi frère de plus quoi. Et là elle me présente du coup, ce Vladimír, que je connais pas du tout. Elle me dit qu'il a un peu le même profil que moi, c'est à dire une école de commerce qui joue un peu au foot, etc. Et j'apprends que apparemment, on se ressemble un peu. Elle me donne son nom. Je vais le retrouver sur Facebook et immédiatement, je lui ai écrit "Salut, on vient de me lâcher la bombe. Je ne sais pas quoi faire de cette information. Est ce que tu veux boire un coup?".
Vladimir
Je reçois le lendemain un message de François intitulé "La bombe", avec un franc-parler qui correspond avec le mec que j'avais vu il y a deux mois. On se donne rapidement rendez vous pour la semaine d'après au Belvédère, à Belleville. Je me dis ça va être cool, je vais revoir un autre quoi je vais en voir un autre, et j'essaye de ne pas y penser. Je sors du bureau, je sors mon Google Maps et je tape Belvédère, pas de belvédère.Je cherche, je me sens très con, je cherche sur Internet, etc. Je ne vois pas de belvédère, 0 belvédère.
François
J'arrive en métro au métro Belleville avec deux minutes de retard. Il est au carrefour sous les feux de croisement en remontant la rue de Belleville. Moi je la descends. Je le vois sous le feu, et je me fais "ah d'accord". La manière de se tenir. La manière dont il bouge, les yeux rieurs. Mon père quoi, mon père, aucun doute. Du coup, je l'aborde confiant. Je n'ai même pas un doute sur le "c'est toi". Et le premier truc qu'il me dit "Je suis désolé, je ne vois pas quel bar c'est le belvédère de Belleville. Et là, je lui dis direct". Ah non, non, non, non, non, on s'est pas compris. Moi, je suis pauvre. Le belvédère, c'est un parc. Et là, il se marre et on achète des bières. On va se poser en haut du parc de Belleville.
Vladimir
Je vois un type qui ne s'est pas mis sur son 31 pour aller me voir. Quelqu'un de hyper naturel et qui arrive avec un énorme sourire. Je vois tout de suite ses jaune et c'est ça, il a un look bohème et là, je vois, je lui dis juste, tout de suite, je me dit Tiens, on va bien se marrer.Lui, il va lâcher les chevaux. On va parler quoi.
François
On arrive. Et le premier truc qui me choque, c'est la manière dont il s'assoit. C'est une manière de croiser les jambes que je n'avais jamais vu autre que chez mon père et chez moi. Une gestuelle qui m'évoque quelque chose. Puis, en plus, le premier truc que je vois, c'est son hyperactivité et sa nervosité. C'est impressionnant. Moi, je suis plus nerveux, lui plus hyperactif. Mais ça, pour le coup, c'est du gène paternel. Il n'y a aucun doute.
Vladimir
Rapidement, on commence à parler politique et on rentre dans des débats et là, c'est fluide. Fluidité, mais on n'est pas d'accord, mais pas d'accord de la même façon. Dans le sens où on expose nos idées, nos arguments de la même façon. Mais ce qui fait que c'est, je sens une vraie richesse dans le débat. Je vois ce qu'il veut dire, c'est parce que je me suis parfois posé la question et lui apporte en fait une réalité que je n'ai pas, une réalité social. Moi je lui apporte une réalité parfois économique qu'il n'a pas et c'est riche.
François
Je comprenais déjà la position Macroniste, c'est pas la question. Je comprends leur argumentaire. Il n'y a pas de souci, mais c'est la première fois que je tombe sur un macroniste pas en carton. C'est-à- dire qui peut défendre sa position, qui comprend la position d'en face et qui comprend les faiblesses de sa propre position. Et on échange là dessus et forcément, ça monte dans les tours. Comme d'hab avec les libéraux, je le traite de lâche. Il me traite de gros coco, mais on est capable de continuer à expliquer nos désaccords en passant du coq à l'âne et on continue. On continue, tous les, tous les sujets politique, philosophie, culture, art, religion et à chaque fois, je comprends sa position. Il arrive à l'étayer, il arrive à la défendre et on se pige, c'est très rare de rencontrer un être humain que tu piges.
Vladimir
Moi, j'ai tendance à regarder en boucle des scènes de Game of Thrones et à jouer dans ma tête. Et là, ce qui est hallucinant, c'est qu'il fait pareil. Et on s'est rendu compte qu'on avait des scènes qui nous avaient marqué. En fait avec Tyrion et Lord Janis. Pile au moment, on a dit exactement la même scène, "are you questioning my honor ?" et là Tyrion répond" I am not questioning your honor I am juste dyning existence". Et on a dit cette phrase en même temps.
François
En fait, le. Je pouvais comprendre facilement que la gestuelle, les traits physiques, etc soient du saut du génome, c'est-à-dire soient très influencés par la biologie, mais on arrivait dans des degrés de reconnaissance de la forme d'esprit. Pour moi, c'était hallucinant. C'était hallucinant. Je n'avais rien partagé avec ce type avant cette seconde là et on se découvre des similitudes de pensée, de réflexes, de rigueur intellectuelle et puis de jeu. C'est-à- dire, on adore jouer, débattre, enfin le débat, comme à la fois comme match et comme amusement. C'est fou, c'est mon jumeau diabolique ce type, enfin mon jumeau diabolique je précise ma pensée. C'est moi, en grand bourgeois parisien,
Vladimir
Je me dis que j'aurais pu faire faire ça en fait, j'aurais pu, mais simplement moi, j'avais quelque chose à prouver dans ma vie qui était que j'étais pas idiot. Ces études, je les ai continuées. Lui Il n'avait rien à prouver il s'est cassé. Mais sinon on est pareils en fait.
François
Moi, je suis un gros gauchiste, donc je partais du principe que l'inné et l'acquis. En plus, je suis fils d'instit. C'est 10 pourcent et 90% d'acquis d'éducation, de milieux socio culturels, et de classe social, évidemment, et je constate que c'est beaucoup moins que ça. Je ne sais pas. Je constate que c'est beaucoup moins que ça. J'ai un contre exemple. J'ai en face de moi un contre exemple. Quelqu'un dont je suis visiblement très, très, très proche et supposer que toute ressemblance soit une coïncidence est absurde. Ce serait juste pas rigoureux intellectuellement. Le milieu moi j'ai grandi dans un bled de 400 habitants, lui, a grandi en plein milieu de Paris, dans les beaux quartiers. Notre rapport au monde ne peut être que différent fondamentalement, on n'est pas d'accord sur mille trucs, mais ce qui nous rassemble est tellement important, tellement énorme que tu ne peux pas nier quoi.
Tu ne peux pas nier que t'as une version de toi chelou en face de toi.
Vladimir
François, le numéro 2 que j'ai vu, mais en fait je sais qu'il reste deux à voir sa grande soeur Léa et son petit frère Léon. Léa, qu'il voit peu parce que elle vit dans le sud, et Léon, avec qui ils sont comme cul et chemise, il arrête pas de m'en parler. C'est son vraiment, son frère.
François
Léon, c'est mon petit frère du coup, on a un an et demi d'écart, car on se ressemble beaucoup. Lui il est ingénieur enfin la caricature de ingénieur un peu bourrin, il est plus sportif, très dragueur il plait beaucoup aux nanas. Et il est plus provocateur. Il est moins dans le jeu de la discussion, de la conversation, etc. Lui, il est vraiment dans le match. Enfin, quand il discute avec quelqu'un, c'est pour gagner quoi. Quand ma sœur me prévient que visiblement, j'ai un nouveau frère, immédiatement après, j'appelle j'appelle mon petit frère pour le mettre au courant. Alors lui, il rit pas beaucoup. Il prend le coup dans la gueule, quand même je crois. Il ne veut pas que j'en parle. Il ne veut rien savoir. C'est comme comme un pote qui ne veut pas être spoiler sur une série, mais même sur des détails. Tu vois qu'il veut juste rien savoir, qu'il veut même pas connaître le synopsis. Du coup c'est quelques semaines après que moi, je rencontre Vlad. Il monte à Paris et sous ma pression un peu, il accepte de rencontrer Vlad. Et alors là, Léon, tout craché, quoi.
Vladimir
La première fois que je rencontre Léon, je suis installé depuis 30 minutes avec François au café le jour de mon anniversaire. Et Léon arrive. Et là, je me rends compte que c'est lui qui a pris tous les muscles de la famille, plus costaud que nous quoi. Il arrive, il me tape sur l'épaule et il me demande est-ce que tu étais premier à l'école. Je lui dis que non. Je n'ai pas toujours été premier de ma classe et il me dit "Alors t'es pas un Le goff". En revanche, je lui ai dit que j'ai fait, contrairement à lui, une grande école. Et là, il me dit "Ah ok, alors t'es mon frère". Par le fait qu'en fait, on ait une réplique qu'on s'agresse gentiment comme ça. Ça a été acté, en fait. Et donc voilà. Et rapidement, dans les semaines qui ont suivi, on essaye de se découvrir et on se découvre de manière plutôt dynamique puisqu'on a le même rythme. On aime sortir, boire beaucoup. Prendre tout type de substances. Se parler jusqu'au bout de la nuit. S'effondrer dans les canapés. Et il me reste, j'en ai bien conscience à ce moment là, la dernière sœur à aller voir qui habite dans le Sud, donc, Léa. On est fin octobre. J'ai pris mes billets d'avion avec Manon pour aller voir Léa dans le sud et la veille du départ Manon me dit qu'elle me quitte et qu'elle en tout cas qu'elle quitte l'appartement. Et donc, le lendemain, je prends l'avion tout seul pour aller voir, pour aller voir Léa avec l'état psychologique qu'on imagine. Surtout que c'est un événement en soi. En fait, je vais voir pour la première fois ma sœur et en même temps, je passe une journée où j'étais censé visiter Toulouse. Je me retrouve à passer ma journée dans une chambre d'hôtel, à écrire message sur message, en pleurant pour comprendre ce qui m'arrive. Vis à vis de ma relation et tout en restant focus sur l'idée que je vais rencontrer ma soeur pour la première fois de ma vie en fait. Ce qui fait que quand le soir j'arrive, je m'installe, je suis arrivé avant elle d'ailleurs au restaurant ou quand à peine était arrivé le première, la première chose que je suis, c'est que je viens me faire quitter. Ma femme vient de quitter. Et donc c'est là que commence mon rapport avec Léa, un rapport plus difficile au premier abord, dans le sens où, pendant la première heure, elle ne fait que parler du test. Et des mauvaises raisons pour lesquelles je l'ai passé, puisque les laboratoires pharmaceutiques pour exploiter les données. Donc un rapport plus lent à se mettre en place. Mais voilà, c'est comme ça que je fais ce rapport. On s'est revus le lendemain pour, pour déjeuner et ce qui s'est passé, c'est que comme elle se livrait trop en plein milieu du brunch, elle s'en va. Elle s'en va en disant "J'en dis trop, je suis désolé, faut que je m'en aille" et là, je me retrouve tout seul en attendant mon avion pendant 8 heures à Toulouse avec mes problèmes, en réécrivant frénétiquement à ma femme. Je ne dors plus, je ne peux plus dormir, je ne peux plus manger. C'est un fait. Je suis l'ombre de moi-même et je vais vivre chez ma mère. Et pour faire passer ma peine à ce moment là, je me suis dit la meilleure façon de pas se plaindre, c'est d'apprendre des poèmes de gens qui ont souffert. Toujours mes histoires en boucle. Apprendre par coeur les quatre Spleen de Baudelaire, du Victor Hugo, du Rimbaud. Voilà, je me suis mis à apprendre plein de poèmes. Et puis un moment, en y réfléchissant, je me suis dit m'étant, mais je pourrais même en faire un truc de ce truc là. Et c'est là qu'est venue l'idée de faire un juke box poème dans les festivals. C'est là que je dis "Toi comme tu es comédien, François, tu veux pas me faire jouer".
François
Le jour où il me contacte pour travailler des poésies, j'arrive dans un dans un café. Je le vois effondré. Il est accablé de tristesse. Littéralement, alors t'essayes de lui changer les idées mais quand les poèmes qu'il veut travailler, c'est du Cioran ou Les fleurs du mal, etc. C'est mal barré pour lui remonter le moral. Ce n'est pas du Feydeau, c'est hyper dépressif qui parle de suicide. Du coup, j'essaie de concentrer son esprit sur des trucs techniques. Je lui fais découvrir ce que c'est que de travailler un texte. Autant dire que je suis chiant, c'est à dire tous les cinq mots. Je lui fais reprendre tout les cinq mots je lui fais reprendre en même temps, comme je travaille moi quoi. On lui a jamais appris. Et pour lui, réciter des poèmes, c'est les apprendre par cœur et se noyer dans la musique des mots et les retranscrire comme ça. Il ne rentre pas dedans, quoi finalement, il reste en surface et regardez la jolie poésie que je fais. Alors que dire un texte, c'est l'incarner, c'est rentrer dedans. C'est pas se laisser noyer par la poésie d'un alexandrin et la joliesse d'un alexandrin. Mais aller à qu'est ce que ça veut dire?Qu'est ce que ça veut dire quand tu dis maintenant, tu vois, maintenant ça te saisit le bras? Moi, mon boulot, c'est de faire le rapport entre les mots et les choses et l'inconvénient de la poésie, surtout quand on nous l'apprend à l'école, c'est justement de rester sur les mots.
Vladimir
On est en décembre. Il est deux heures du matin, François et Louis me disent qu'ils ont quelque chose à me dire entre deux whisky coca, mais ça a l'air sérieux et ce qui est sérieux, c'est qui ils veulent que j'en parle le plus rapidement possible à leur père. Puisque ils me disent qu'ils ont bien conscience que c'est compliqué, mais que ça devient aussi compliqué pour eux. Et je comprends que c'est compliqué pour eux également de ne pas pouvoir lui dire, et donc d'être dans une forme malgré eux de mensonges vis à vis de leur père et que du coup, cette situation elle peut pas tenir longtemps. Je les rassure immédiatement en leur disant que j'ai pris ma décision et que j'ai prévu de contacter mon père début janvier, après les Fêtes. Je me mets à réfléchir et à Tortelier dans ma tête mille versions de "Comment pouvoir écrire une lettre beaucoup plus complexe à écrire que celle que j'avais écrit à Johanna, qui était au courant de la situation. Comment écrire à quelqu'un des nouvelles si importantes qu'il a un fils? Sans le heurter, sans le brusquer?
François
Notre père est un type assez aigri, assez dur, qui est toujours dans le jugement, très droit, très honnête, etc. Mais qui s'est refermé sur lui. Car avec le temps qui a rapport au monde et entre l'ours et l'hostilité pure qui était visiblement autrefois très charmant. Mais moi, je n'ai jamais connu ce type là. Si je l'ai connu quand j'étais tout petit, mais assez rapidement, il a fait des dépressions, il s'est séparé de ma mère et ils se haissent encore et moi, celui que j'ai vu, c'est surtout le reliquat. Et c'est juste pas agréable de passer du temps avec lui.
Vladimir
Mais moi, je suis pas à la recherche d'un père. Ma démarche n'est pas du tout là-dedans, ma démarche, le rencontrer, la curiosité. Savoir qui c'est. On a fait un appel téléphonique ou j'ai dit "étant donné les circonstances? Si vous voulez, on peut se tutoyer". Il me dit "Je ne tutoie pas les gens, je connais pas".
François
Au début, je pense qu'il a pensé que c'est un canular, etc. Et du coup, ils me questionnent sur Vlad et je lui réponds très clairement comme j'ai ressenti la première fois qu'il n'y a aucun doute, il y a tellement de ressemblance physique, ne serait ce que ça que ça, ce n'est pas, ce n'est pas niable comme état de fait, non, il se marre un peu. Il est très embarrassé. Il soupçonne la mère de Vlad de duplicité et il ne croit pas du tout à l'erreur honnête et mais quand même, il se marre un peu. Enfin, il se rend compte que c'est très gros, mais direct, mon père étant mon père, s'il veut le rencontrer, c'est pour le jauger et voir ce qu'il a dans le ventre. Ce n'est pas tout de suite dans le rapport filial, quoi.
Vladimir
Mes frères voulaient donc que j'aille en vacances avec eux en Ardèche et lui a dit non, le père il a dit non, qu'il refusait que j'y aille. J'avais interdiction d'aller là bas. Pourquoi? Dans le risque que leur mère rentre?
François
Il faut bien comprendre un truc, c'est que mes parents se haïssent, mais se haïssent. C'est viscéral quoi, à notre avis, à tous, ils se sont beaucoup aimé et une rupture qui s'est très mal passée quand j'avais 6 ans, à 6 ans, 7 ans et depuis 25 ans, ils se font une guéguerre absolument ridicule. C'est procès sur procès, sur des conneries absolues au début c'était des histoires de droit, de garde et de droits de passage. Parce qu'en plus, s'ils ont deux maisons voisines littéralement voisines à 30 mètres l'une de l'autre, que ni l'un ni l'autre a voulu lâcher pour pas donner le point à l'autre évidemment, c'est une guerre stupide, c'est un niveau de haine, mais c'est incroyable à regarder et de puérilité, vraiment. Et là, sur le coup de Vlad, forcément, quand ma mère a été au courant, ça lui a donné des munitions pour, dans leur guéguerre absurde quoi et donc qu'elle a commencé soft, c'est à dire un jour où ils se sont croisés au marché, elle a hurlé le nom de la mère de Vlad et elle a surenchéri juste avant que Vlad arrive du coup dans mon bled, en Ardèche, pour rencontrer mon père, elle a mis un panneau juste devant la maison de la maison de mon père, disant juste "Welcome Vlad!" Et elle était tellement fière de son coup qu'elle nous a envoyé à tous la photo du panneau. Honnêtement, c'est une gaminerie. C'est absolument puéril, mais pour une fois, elle était bonne. Le truc, c'est qu'il faut bien comprendre que si j'ai rigolé, c'est parce que je savais que ça allait marcher. Et effectivement, ça a marché. Mon père a pété un câble, mais il était très "voyez le niveau de votre mère, etc". Et là, Vlad a super bien joué le coup.
Vladimir
Moi, ça m'amuse pas du tout. Moi, ça me fait pas rire du tout. Je dis "mais vous êtes vous, mais vous êtes complètement fous en fait", et je me rends compte, ils sont comme dans toute famille. En fait, oui, ils sont dingues en fait, c'est un côté fou. Oui, c'est là que je dis je vais l'appeler et je lui ai dit "J'imagine que toutes les actions de votre ex-femme ne vous touchent pas, vu que c'était des trucs, des vrais, des gamineries". Et là, il a été obligé de le dire. Non, je m'en fous. Alors ce n'était absolument pas vrai et je me suis retrouvé à devoir jurer que si jamais la mère de François Léon et Léa débarque. Il me dit "mais vous ne dites pas un mot à mot, pas un mot", je lui dis "mais je vais dire bonjour." "Non, non, rien du tout. Pas un seul mot. Et là, vous vous prenez vos affaires et vous, vous partez, elle est, elle est néfaste. C'est un serpent". J'ai fait "ouais OK, j'ai dit oui, bien sûr" il me dit "et si jamais vous lui parlez, vous faites un choix. Mais moi, je vous parlerai plus".
François
Ça se passe en plein été. Je suis déjà en Ardèche depuis quelques jours et Vlad, s'est organisé, doit passer quelques jours chez nous. On avait congédié notre mère, elle nous avait laissé la maison très gentiment et du coup, les premiers jours, on est en train de prendre l'apéritif avec mon frère. Des amis à lui, là il y a le nouveau frère qui arrive et je le sents un peu stressé, tendu. Du coup, on boit quelques coups pour se donner du courage. Au bout d'un moment, sans Vlad, un peu éméché, je lui dis "Allez, allez, c'est parti". C'est le moment de la rencontre et visiblement, ça a bien marché. Le coup du courage, puisque il part la fleur au fusil rencontrer mon père. On sonne au portail de chez mon père à nous ouvrir et là, on prend de nouveau un verre de vin sur sa terrasse. Je viens à cette rencontre en tant que facilitateur, mais assez sur mes gardes. Je suis préparé à ce que ça se passe mal au moindre mot de travers de mon père, je prends la défense de Vlad quoi.
Vladimir
Quand j'arrive, je vois, je vois un homme qui a à peu près le même âge que mon père. Ce qui me marque dans sa dans sa gestuelle, c'est que c'est quelqu'un très tendu, je voyais même. Il a des tremblements, non pas parce qu'il tremble qu'il a une maladie ou quoi que ce soit c'est qu'il tremble de nervosité. C'est quelqu'un de nerveux. Moi aussi, je suis nerveux. D'un point de vue juste abstrait dans l'abstrait. C'est quelqu'un de dur. Je le suis parfois. C'est quelqu'un de nerveux, je le suis. Quelqu'un qui adore les débats, je le suis. Qui qui va ou qui lâche les gants et qui aime le combat. Je le suis aussi. Mais il n'y a aucune chaleur derrière, il n'y a pas la chaleur. Les rapports humains n'intéressent pas. C'est pas méchant, il est pas méchant. Quand je le quitte, si je me dis je peux devenir comme ça. Je peux devenir si je perds la flamme de mon rapport avec les autres, je peux devenir quelqu'un d'arride aussi. Je suis un peu rude. Manon, quand elle m'a quitté, m'a expliqué aussi que j'étais trop rude pour elle. Ça m'a donné une image de moi, c'est mon moi, pas sympathique. Certes. Certes, c'est brillant dans son sens. Oui, c'est intéressant. On a plein d'idées, etc. Mais c'est
pas la vie que j'ai envie d'avoir. J'ai envie aussi de la chaleur avec les gens. Depuis la rencontre, je ne peux pas dire qu'on a beaucoup de rapports. On s'ai eu au téléphone qu'une seule fois on s'est appelé lors du jour de L'an. Il m'a tutoyé. Et donc maintenant, je pense qu'on va avoir une relation tout à fait cordiale, peut être avec le temps amicale. En tout cas, jamais une relation père fils. Parce que j'ai déjà un père
François
Maintenant avec Vlad, on se voit. Je sais pas tous les dix, quinze jours à tout péter quoi, je lui ai présenté mes amis. Il m'a présenté les siens. On se ramène très souvent en soirée l'un l'autre. Et quand je me présente à ses amis ou quand je le présente à mes amis, je dis toujours "Je suis ou voici le nouveau frère". C'est fou parce que la fraternité c'est à la fois du déjà là et du à construire, c'est à dire le déjà là, c'est toutes les ressemblances qu'on a mille et une chose à construire c'est le truc qui se construit naturellement que j'ai avec mon petit frère, c'est à dire la rivalité fraternelle, le fait d'avoir grandi ensemble, jouer de s'être battu, etc. Avec Vlad, je pourrai jamais l'avoir, c'est évident. Mais du coup, c'est forcément différent. Tout ce que j'ai avec Vlad et tout ce que j'aurai avec Vlad. Ce n'est pas la même fraternité fraternité est un mot très large.
Vladimir
En fait, le fait de rencontrer des frères et de me retrouver en eux. Et d'avoir une forme de reconnaissance. Je les trouve intelligents. Ça fait que je m'accepte beaucoup mieux moi même, en fait. Maintenant, je suis plus dans un absolu. Je suis un Le Goff enfin, je fais partie de ces gens là, je comprends et donc en fait, ça permet d'avancer beaucoup plus sereinement. Je n'ai pas une crise de légitimité vis à vis des autres avec ce syndrome, ce foutu syndrome de l'imposteur que j'avais depuis tout petit en fait, mes démons, c'était mon démon d'enfance. C'était est ce que tu es intelligent, pas intelligent? C'est terminé. Ça s'est évaporé grâce à cette rencontre et ça s'est hyper riche et assez incroyable quand même.
Générique
Maureen Wilson - conclusion
Cet épisode de passage a été tourné et monté par Léna Friedrich avec l'aide de Maud Benakcha. Maud était aussi à l'édition et à la coordination. L'épisode a été réalisé par Juliette Medevielle et la musique a été composée par Benjamin Grossmann. L'épisode a été mixé par Jean-Baptiste Aubonnet. Marion Girard est responsable de production, Mélissa Bounoua, directrice des productions, et Charlotte Pudlowski, directrice éditoriale. Le générique de passage a été composé par November Ultra. Je suis Maureen Wilson et Passages est une production de Louis Media. Vous pouvez vous y abonner sur toutes les plateformes de podcasts, nous laisser des commentaires des étoiles et en parler autour de vous à vos amis, vos abonnés sur Instagram ou à vos grands parents. Et si vous souhaitez soutenir Louis, n'hésitez pas à vous abonner au club sur Louiemedia.com/Club, à très vite.
Générique de fin