Retranscription - Doit-on plaire pour se satisfaire ?

Léa Chatauret : je suis Léa Chatauret et dans l'épisode précédent d’Émotions, je vous parlais de la satisfaction. Dans l'épisode, Rémy Pawin, docteur en histoire contemporaine, professeur agrégé d'histoire géographie et auteur du livre Histoire du bonheur en France depuis 1945, nous expliquait comment la satisfaction était devenue l'une des valeurs principales de nos sociétés contemporaines. Pour ce bonus, nous avons eu envie de vous partager un extrait de l'interview où il nous parle des injonctions sexistes faites aux femmes et de comment celles-ci ont été justifiées par notre besoin de satisfaction.

Rémy Pawin : alors effectivement, je pense qu'aujourd'hui, la bonne vie est devenue la valeur principale des sociétés contemporaines et les autres valeurs tirent une partie de leur légitimité de celle-ci. Dans une certaine mesure, par exemple, on conseillait aux Français de faire leurs devoirs. Et par exemple, un des devoirs qui était assigné aux femmes, c'était de plaire. Donc les femmes, dans un contexte machiste et patriarcal, devaient plaire parce que c'était leur rôle social, et on leur conseillait de faire leurs devoirs.

Si on lit des couvertures et ce qu'on appelle de la presse dite féminine des années 30, il y a des guides de maquillage, de beauté et les femmes doivent plaire parce que c'est comme ça.

Il y a un certain nombre de femmes qui remettent en cause cet impératif. La bonne vie prend son essor par ailleurs, dans la société française. Et depuis les années 70, si on regarde à nouveau les magazines féminins, qu’est-ce qu’on conseille aux femmes ? Se maquiller ! Être belle ! Les choses n'ont pas tellement changé à ce niveau là et en revanche, ce qui a changé, c'est le système de justification de cet impératif. C'est-à-dire qu'auparavant, l'impératif, il était dit : tu doit plaire parce que c'est ton devoir. Et aujourd'hui, et c'est là où c'est d'ailleurs un dispositif, un outil de gouvernement au sens focalien du terme, désormais, la justification, c'est : tu dois plaire, non pas parce que c'est un devoir, mais parce que ça va te rendre heureuse. Donc la nouvelle justification de la morale finalement, c'est en ce sens que la satisfaction est devenue la valeur principale de nos sociétés, c'est que cette satisfaction guide, inspire, justifie, informe les systèmes moraux actuels. 

On peut complètement parler d'une injonction à la satisfaction et à la bonne vie. Effectivement, puisque c'est devenu une valeur et la valeur cardinale de nos sociétés, il faut la respecter, c’est le principe d’une valeur. 

Donc, il faut être heureux et il faut être satisfait.