Retranscription - Like a Virgin

Charlotte Pudlowski

Vous vous souvenez probablement du moment où vous avez perdu votre virginité. Vous aviez peut être 15 ans, peut être 25. Est ce que vous aviez bu? Est ce que vous aviez peur? Est ce que vous aviez préparé votre tenue et votre corps? Ou est ce que c'était inattendu? Le bruit de la soirée dans le salon parvenant jusqu'à la chambre où vous vous étiez glissés? Est ce que vous avez eu mal? Est ce que d'emblée, vous avez joui? Et puis, il y a eu un an "après". C'était fait.

Imaginez que ça ait tardé à venir. Vous aviez 25 ans, puis 26, puis soudain 30. A quel âge, est ce que cela devient une source d'inquiétude? A quel âge se dit on qu'on a raté le coche? Et l'inquiétude devient angoisse. Trop grande pour être dite. Se transforme en secret. Est ce que tard peut devenir trop tard?

Sur la page Wikipédia du mot virginité, on lit. "C'est surtout la virginité féminine qui représente un enjeu, tandis que celle des hommes est de faible importance".

Je suis Charlotte Pudlowski,

Je suis Maureen Wilson. L'épisode d'aujourd'hui est signé Lucile Rousseau-Garcia.

Bienvenue dans Passages.

Catherine

Quand on parle "vieille fille" ou "vieux garçon", on pense à quoi? On pense à la bonne soeur qui a de la moustache et qui est habillée comme en 1950. On pense à la fille qui vit avec sa mère et qui est complètement renfermée. On pense au vieux garçon qui vit dans sa bergerie avec ses chèvres au fin fond du Larzac. Mais en fait, moi, je suis une fille qui bosse dans les médias à Paris et qui a plein de copains et qui dit que les gens aiment bien et est plutôt vivante. Mais je suis quand même cette vieille fille alors, ça correspond pas à l'image qu'on projette sur cette thématique.

J'ai 19 ans, je suis à l'école de cinéma et sans rien voir venir, lors d'une réunion pour un court métrage, il y a un garçon qui s'appelle Fabrice et qui est super chouette avec moi et je vois bien que, je vois bien qu'il est super chouette d'une façon dont les autres garçons n'ont pas forcément été super chouette de cette façon là avant, avec moi. Donc, il y a quelque chose d'un peu différent dans sa façon de me parler, dans sa façon de me regarder. Et j'ai  une vraie attirance pour lui. J'ai un truc physique, quoi. Et on fait un court métrage ensemble et je vois bien que lui, il vient très facilement vers moi. Il vient très facilement me parler. Je vois qu'il me fait même des compliments. Pas des compliments directement sur moi, mais des rapport à des choses qu'on a déjà vécu ensemble. Enfin, il est attentionné, en fait.  Tout, ce sont des choses que je vois. Ça dure trois jours et au bout du troisième jour, moi, je n'ai qu'une envie, c'est de l'embrasser. J'ai un vrai truc physique avec lui et c'est comme une évidence que ça va se passer. A la fin du troisième jour, en fait, on remballe tout le matériel, tout est dans l'ascenseur et lui monte dans l'ascenseur pour descendre avec tout ce matériel à ranger. Moi, je suis dans l'ascenseur avec une autre personne et il me dit "Viens avec moi, monte dans l'ascenseur avec moi". Alors, n'importe quelle fille normale qui craque complètement pour ce garçon dirait "J'arriiive !!" Et moi, je dis "non, non, c'est bon, merci je prendrais le suivant". Et il insiste "Mais non, non, mais Catherine monte avec moi dans l'ascenseur". "Non, non, je prendrai le suivant". Et là, la porte se ferme. Mais la personne à côté de moi, elle me dit "Je crois qu'il voulait vraiment que tu montes dans l'ascenseur". Et moi, je pense que à ce moment là, je suis partie sans me dire quoi que ce soit.

Quinze jours après, je suis à ce moment là chez mes parents et je suis dans ma chambre, et là, j'ai comme un, comme une sorte de remontée de réalité et je me dis "ouah! Mince! En fait, c'est ça qui s'est passé". Donc j'ai répondu non à ce garçon dont j'ai tellement envie de l'embrasser mais je lui ai dit non, mais je me rends compte 15 jours après, en fait. Et quand je me rends compte, je suis hyper triste et hyper amère. Et puis je me dis "mais je suis vraiment idiote. C'est pas possible d'être si idiote !" Mais voilà, je me rends compte de ce ratage, trop tard, parce qu'après bien sûr, ce garçon, je l'aime toujours beaucoup donc j'essaye de me rattraper et après. Je l'appelle, je lui ai donné rendez vous, à une ou deux soirées, j'essaye de me rapprocher de lui, mais c'est trop tard, en fait. Donc, c'est un énorme ratage non voulu et qui me fait prendre conscience que faut pas que je demande trop parce que c'est peut être pas pour moi et ça risque pas d'arriver tout de suite.

J'ai l'école du cinéma, j'ai mes copains et copines, ma première vraie bande de copains. On est quand même presque tout le temps ensemble. Donc on se connaît quand même très, très bien. Tout le monde autour de moi vit des histoires à des copains, des copines, des nuits, des slow, des danses, des frissons, des trucs. Mais c'est vrai que ben moi, j'ai rien à raconter parce que je n'ai pas d'histoires d'amour. Je raconte pas les envies que je peux avoir, les vues que je peux avoir sur certains garçons. Tout ça, je le garde vachement pour moi. Et donc, elles, elles ont plein de trucs à raconter. Elles voient bien que moi, je n'ai pas grand chose à raconter, mais elles me pressent pas du tout de question, en faite. Moi, je joue très bien le rôle de poser des questions. Donc, en fait, je n'ai pas besoin de raconter parce qu'on ne demande pas vraiment.

A 22 ans, je commence à travailler et je me retrouve  - moi qui suis très réservée - dans un travail de communication. Je passe mes journées au téléphone. Moi qui n'aime pas parler, j'ai l'impression en fait, à ce moment là, j'ai l'impression bah d'apprendre, que ma personnalité évolue en fait et que je me suis beaucoup moins fermée qu'avant, mais de m'ouvrir. Donc je me sens bien là dedans. Donc, je continue à travailler dans la télévision. Je me fais plein d'amitiés, de copinage. Voilà. Moi, j'ai 30 ans, c'est des gens avec qui on va borie des coups, on va au resto tout le temps, on sort beaucoup. Mais mais après on, après moi, je raconte jamais rien d'intime sur moi. Le même schéma que j'avais avec mes amis à 20 ans, il continue. Si moi, je parle pas de mes histoires, personne ne va trop me poser de questions. Donc je laisse aussi encore beaucoup les gens parler. Et puis, je reste en surface et du coup, pour moi de ne pas en parler, c'est toujours pareil. C'est que quand on n'en parle pas, ça n'existe pas vraiment.

C'est vrai qu'au début, on est nombreux à être célibataires. Et puis, c'est vrai que petit à petit, les gens sont en couple, puis les gens ont des enfants et il y a une frustration quand même qui s'installe un peu. Et c'est cette frustration qui grossit quand même d'année en année. Vers la fin de la trentaine, ça grossit quand même pas mal, quoi. Et je sais que c'est jamais agréable de se retrouver à un dîner où on est la seule célibataire parce qu'en fait, on a l'impression d'être, de pas exister autant que les autres, d'être quand même seul face au reste du monde, en fait.

Là j'ai 40 ans, les matins, ils se ressemblent les matins. Il faut aller au travail jusqu'au soir. C'est des grosses journées de travail, mais c'est vrai qu'un matin, je suis dans le bus et je commence à pleurer. Et je et je me dis que je ne vais pas réussir à y aller, en fait. Physiquement, je sens que je suis plus en capacité de faire croire que je peux être au travail, que je peux être sympa et que je peux être souriante et que je peux faire face à la normalité de la journée. Je vais chez un médecin à Boulogne qui me dit "je vous conseille une collègue qui est psychologue, qui va vous aider. Appelez-la de ma part".

Et j'y suis allée je pense deux jours après.  Elle me posait des questions. Je lui répondait. Elle me parlait de ma famille, elle faisait des schémas et en fait, en trois mois avec elle, j'ai quand même l'impression d'avancer et de ne pas me laisser dans ce creux, en fait. Parce que je sens quand même que j'ai atteint un peu un creux et que ça ne va pas aussi bien qu'avant. Cette virginité là est à ce moment là, elle est quand même très importante. J'ai 43 ans et je n'ai jamais touché quelqu'un. Personne ne m'a jamais touché. C'est forcément très important dans ma construction et et ma façon d'être. Mais... Mais ça reste caché, quoi.

Je pense que grâce à ce travail là, ce que ça a débloqué, c'est quand même que je me suis rapproché d'amis que j'avais déjà, mais qui ont été beaucoup plus importants qu'avant. Mes trois grands amis que je découvre, je redécouvre à ce moment là, c'est Clémentine qui qui est là depuis l'école, depuis j'ai 18 ans. Il y a aussi Raphaëlle, qui est une amie que j'ai rencontré très, très longtemps au travail. Et puis il y a Cyril, qui est un garçon aussi, que j'ai rencontré par le biais du travail. Mais c'est le travail que je fais avec la psy que je fais sur moi, et puis, ce ras le bol que je ressens et que j'ai ressenti lors de la crise. Eh bien, c'est tout ce travail là que je mets en route qui m'amène à rencontrer mes amis, en fait, et à pouvoir vivre des choses avec eux. Et là, je comprends. J'expérimente quel qu'est le lien, quoi. Pas le lien physique encore, mais au moins le lien affectif avec quelqu'un.

Par exemple, avec Cyril, on passe des journées ensemble à travailler et on discute de tout et de rien : du travail et d'autres choses. Et... Je lui dis que j'ai jamais embrassé un garçon. Et en fait, et il est surpris, il me dit "mais pas quelqu'un comme toi, quand même. Pas toi ! Toi, t'es quand même ! Toi, t'es de toi, t'es fantastique. Tu peux, toi, t'as déjà.. Ah bon ?" Ça fait plaisir parce que je suis contente d'entendre qu'il me trouve chouette. Donc je sais que je parle à Raphaëlle, je parle à Clémentine de ça. J'en ai jamais parlé avec elles, mais à ce moment là, je vais pouvoir l'évoquer. Mais ce n'est pas calculé, en fait. Là, je suis bien parce que parce que en fait, j'ai pas de cachotteries, de choses à cacher. Je n'ai pas de personnages à me créer. Je peux être moi même, en fait.

À 42 ans et un soir, je dîne avec Cyril, mon copain Cyril, sa femme et puis son meilleur ami Thomas. Thomas, c'est vraiment quelqu'un que j'aime énormément, mais je les vois toujours seul parce qu'il est marié. Mais je ne vois pas sa femme et je sais que c'est compliqué entre eux en ce moment. Puis, à un moment donné, il me propose de me raccompagner parce que c'est pas très loin de chez moi. Et moi, je dis "Bah oui, j'en. Puis on va boire un verre tous les deux" parce qu'il est encore tôt. Et puis, on commence à boire un verre. Et puis on parle beaucoup. Et puis, à deux heures, il faut sortir du café parce qu'à deux heures ça ferme. Alors moi, j'ai pas trop envie de le quitter parce que moi, je suis pas fatigué. On passe un bon moment. Donc assez naïvement toujours, je lui dis "chez moi, j'ai une bouteille de champagne, je suis à cinq minutes. Viens, on continue à discuter chez moi"/ Et donc sur le chemin, je lis dis, je lui dis que je suis quelqu'un qui n'a jamais eu d'amoureux et qui a jamais même embrassé un garçon, même enfant. Et je sais que ça le surprend. Je crois que ça le surprend. Et il me passe d'ailleurs la main autour de l'épaule, le bras autour de l'épaule. On continue, on va chez moi. Bon, chez moi, j'ouvre la bouteille de champagne et on continue à discuter et moi je me sens hyper bien. Je sais que je le regarde vachement, profondément dans les yeux et donc on est assis sur le canapé et il me dit "Viens, on s'embrasse". Et ma réaction, c'est "Oh ben non, ben non, pas toi !" Bah en fait si ! Moi je l'adore, ce garçon. Enfin je veux dire, c'est un peu le garçon de mes rêves, Thomas, c'est pas du tout la réponse que je voudrais si je raisonnais lui faire ! Mais la chance que j'ai, c'est que ce garçon là, eh bah il y revient et il me dit une deuxième fois "Mais si viens, on s'embrasse"... Et en fait, je me suis laissée me faire embrasser et j'ai embrassé pour la première fois un garçon. Ce qui est marrant, c'est que, c'est très agréable, pas du tout compliqué, très naturel. Mais... Je suis quand même rattrapée par mes démons parce que ça s'arrête tout de suite. Et à peine le baiser s'arrête, je reprends mon blabla, ma discussion comme si de rien n'était. Et je pense qu'on continue à discuter encore une heure ou deux. Et bon, il se fait un peu tard quand même. Et là, il me dit "bon aller, je vais y aller". Et donc je le raccompagne à la porte. Et là, il me prend dans ses bras, mais vraiment, là, c'est un geste tendre. Après m'avoir pris dans ses bras, ça s'est transformé en un nouveau baiser. Et puis après, ça s'est transformé en plein de caresses. Et c'est pareil. C'est fou comme c'est naturel, quoi. C'est très simple, c'est très agréable, c'est très sensuel et c'est très... Je me sens pas du tout godiche. ça m'épate. Voilà donc on passe beaucoup de temps l'un contre l'autre. Et puis ensuite, le problème, c'est que j'ai un canapé minuscule. Donc être sur ce canapé, ça va pas. J'ai un lit, une place, mais ça ne marche pas, non plus ! Alors en fait, on s'est trouvé par terre sur le carrelage glacé. Bon, c'était pas génial. Moi, je m'en fous complètement moi à ce moment-là. J'ai cette impression de facilité et j'ai l'impression de nager, sur une vague de sensualité. On n'est pas allé au bout parce qu'on n'avait pas de préservatifs. Donc, c'est une nuit de caresses et de tendresse et de baisers. Et c'est surtout la nuit où en fait, pour la première fois, j'ai eu envie d'enlever un vêtement pour que quelqu'un touche sensuellement ma peau. Et en fait, c'est le geste le plus important, le plus... C'est une révélation. Humainement, ce n'était pas de ne pas avoir été embrassée qui était lourd, je pense, c'était de ne pas avoir été touchée. Moi, je me suis toujours vu comme un tout petit point isolé à côté d'un énorme rond. J'appelle ça une grosse patate remplie de petits points, donc cet énorme, rond, rempli de petits points, c'est là où sont tous les autres. Et moi, je suis un petit point à côté, en périphérie. Et en fait, le geste d'être touchée par un autre être humain. Et bien, c'est ce geste qui est important, c'est le lien à l'autre. C'est comme si, à ce moment là, je suis, je fais partie des autres humains, en fait. Après voilà, on n'a pas été complètement au bout. Alors, je me sentais encore pas complètement dans la norme, mais humainement, ça m'avait transformée .

Bon, après, en revanche, c'est assez bref parce que je pense que lui, il a tout qui remonte à ce moment-là où il se dit "oulala! Bon, j'ai quand même fait quelque chose que je n'avais pas fait avant. ok, il faut quand même que je rentre chez moi" Et tout s'arrête quand même un peu à ce moment là. Mais bon, je le laisse partir. Et pis moi, je suis hyper heureuse à ce moment là. Moi, je me vois, je me couche dans mon canapé. J'ai un sourire jusqu'aux oreilles et tout de suite à 8h ou à 7h30 du matin, j'appelle ma copine Clémentine. Et ça c'est pareil, c'est marrant parce que d'habitude, je partage rien. Mais là, j'ai envie de lui dire que j'ai passé la nuit avec lui et que que j'ai vécu un super truc et que je suis quand même très contente. Donc, la conversation avec Clémentine, elle dure deux minutes. Je rentre pas du tout dans les détails, mais j'ai besoin de le dire en fait.

Je suis toujours aussi souriante en me réveillant à onze heures et là, je dois aller déjeuner chez mes parents. En allant déjeuner chez mes parents, je m'arrête au café et pour la première fois de ma vie, je me fais draguer, ce matin-là. C'est comme si, ce n'est pas un changement seulement intérieur là pour le coup. Ça change mon lien au monde extérieur, en fait.

Le problème, c'est que moi, j'ai besoin d'en parler avec lui, même si je savais que ce n'était pas simple. C'est vraiment pas simple donc j'arrive pas à le joindre. J'arrive pas à reprendre un café avec lui. J'arrive pas à discuter avec lui. Donc, en fait, on ne s'est pas revu avec Thomas pendant deux ans et demi. 3 ans. De pas pouvoir en parler avec lui, ne pas reparler de ça, repartage et ça, ça m'a...C'est comme s 'il y avait encore une négation de quelque chose. Là, c'est arrivé, mais on me le refusait encore. Ça m'empêche d'être sereine et de prendre ça comme une véritable avancée.

Je dois avoir 44 ans et je trouve un atelier d'écriture avec des tas de propositions d'angles d'écriture et l'un de ces angles d'écriture c'est "écrire pour se lâcher". Celle qui donne l'atelier, c'est une romancière qui arrivée avec une façon d'écrire, une formule d'écriture et puis un thème. Un soir, elle est arrivée, elle était tourneboulée. Ça se voyait physiquement et elle est arrivée en nous disant "ce soir, ça ne va pas, j'ai un problème avec mon mari. Là, je vais, on va profiter de ce que je ressens en moi. Et puis je vais vous demander d'écrire". En gros, c'était chacun devait écrire de façon très spontanée, une expérience de couple... Bon, moi, je me suis retrouvée devant ma feuille et me suis dit "Qu'est ce que je fais en fait?" Parce que l'expérience de couple, personnellement, je n'en ai pas. Et il y a une ambiance un peu spéciale ce soir là. Et moi, je ne sais pas pourquoi, si c'est cette ambiance là, mais ça a déclenché l'envie de décrire une réalité. Alors j'ai pris le thème d'une plante. Donc j'ai été une plante élevée sans lumière. Comme comme une personne élevée sans... Pas, sans amour, j'ai eu l'amour maternel, familial. Tout ce que j'ai eu amical mais d'être aimée, son toucher la lumière, sans être touchée.

Donc, j'écris ça, mais voilà, après, en atelier d'écriture, on écrit mais ce qui est assez fort, c'est qu'on lit ensuite aux autres. Ça touche beaucoup les autres. C'est un moment important pour moi. Je m'en rends compte parce que je suis, je suis très émue et je tremble un peu à ce moment là. Quand je le lis. C'est un peu la fin d'un mensonge. Comme si je mettais fin à ce mensonge que moi même je m'imposais en fait. Quelque chose que j'ai mis de côté pendant tellement d'années.

Quelques mois après, je suis au travail et un samedi, donc il y a personne au travail à  part cyril avec qui je monte. Sauf que en fait, très, très vite, je m'écroule comme jamais je me suis écroulée. C'est un peu comme si je n'avais plus aucune force en moi et aucune vie. Et donc, j'arrive plus à parler, j'arrive plus à dire ce que je ressens. J'arrive plus à... Je vois que je perds, je perd les pédales.

Donc Cyril me dit "Qu'est ce que je peux faire?" Et donc je lui demande d'appeler un taxi, de m'emmener à l'hôpital. Et donc, je me retrouve aux urgences de Sainte-Anne et j'y reste deux jours.

Autant le premier jour, je suis un peu dans un nuage, autant le deuxième jour, quand j'ai quand même un peu recouvré mes esprits, là, je me rends compte que je suis là et c'est assez étonnant. Je suis quand même assez costaud, assez fort, je ne pensais pas me retrouver là, dans un hôpital comme ça, psychiatrique. Bon, je déteste cette phrase parce qu'on entend souvent et ça ne m'a jamais parlé. Mais là, ce qui me dit en fait cette phrase, elle est vraie. C'est "une fois qu'on a touché le fond. On ne peut que remonter". Et j'ai l'impression à ce moment là que c'est ça que je fais. C'est à ce moment là que je me dis "Il faut que j'existe. Il faut que je me sente vivante" parce que finalement, je me suis jamais autorisé à exister. J'ai besoin de vivre, en fait.

Quand, avec ma psy, j'avance un peu, elle me donne ce défi là, en fait, d'aller de m'inscrire sur un site de rencontres et puis d'aller à des rendez vous. Et... Pourquoi pas essayer? C'est pas du tout dans l'idée que ça va marcher. J'y crois pas trop, mais je me dis "continuons à avancer et à tenter des trucs, ça coûte rien".

Ce n'est pas une passion d'aller sur ce site, ça me demande toujours des efforts, donc j'y vais pas souvent. Parfois, je me dis "Allez, vas y, prends sur toi", donc je commence à parler à deux ou trois garçons. Très vite, moi, je propose d'aller prendre un café comme plus simple, donc je dois rencontrer quatre ou cinq garçons en tout entre 43, 44, 45 ans. Avant d'y aller à chaque rendez vous, c'est l'enfer. Mais physiquement, je suis toute rouge, j'ai des plaques, j'ai, je ne suis pas bien quoi. Donc, à chaque fois, c'est comme un défi que je me lance, qui me demande et qui me coûte beaucoup. Et à chaque fois, c'est un fiasco total. Le premier, je l'attendais au café. À peine, il est arrivé devant ma table avant de s'asseoir. J'ai vu dans son regard que je ne l'intéressais pas. Un autre était en retard, donc je l'attendais aussi. Et quand il est arrivé, moi, j'avais déjà commandé et donc lui s'asseoit, le garçon arrivé tout de suite, mon rendez vous dit aux garçons "Non, non, mais je vais rien boire, je vais pas rester". C'est une claque dans la face à chaque fois. Et puis ça m'enfonce dans ce truc de "l'amour, c'est pas fait pour toi. Qu'est ce que tu vas chercher un truc ou c'est pas fait pour toi?" Donc c'est très douloureux mais après, comme je passe beaucoup de temps avec Cyril, qu'il est au courant de ces rendez vous, il me voit y aller en étant super mal à chaque fois. Moi, je prends un peu l'habitude de le débriefer après, lui raconter le fiasco. Et puis, du coup, c'est assez rigolo parce que j'enchaîne les catastrophes. Donc c'est assez marrant. Et finalement, oui, je me rends compte que là, même si c'est négatif ce qui se passe, j'ai quelque chose à raconter. Je ne suis pas juste là pour écouter quoi. Je vis des trucs.

Le 8 février 2020, six mois après Ste-Anne, ça faisait longtemps que je n'étais pas allée sur le site Internet comme un exercice à chaque fois, je me dis "Allez là ce soir, t'as rien à faire! Continue cet exercice que t'as un peu lâché". Je retourne sur le site, je regarde des photos. Et je tombe sur les photos d'un garçon, Olivier. C'est deux photos, qui sont comme un selfie un peu en gros plan qu'il a dû prendre un jour au travail où il s'ennuyait. Et tout de suite je me dis "Oh là là, j'adore sa tête". Donc je lui écris et on s'envoie de 2-3 messages le lendemain, mais très, très rapidement. Et bien sûr, comme à chaque fois, je me dis et "bon, là, il faut boire un café et ça sert à rien de discuter". Et donc, je lui ai écrit "Ben allez, on va arrêter de parler virtuellement. Il faut qu'on se voit". Donc lui, il est très content et me dit "Bah oui, bien sûr, on se voit. Alors on se voit samedi".

Olivier

Ça faisait très, très longtemps, ça faisait quatre ans que j'étais sur des sites de rencontres. Alors j'ai été mariée 17 ans, j'ai eu deux garçons et je me suis séparé il y a cinq ans. J'étais très content d'avoir ces enfants. On était un couple de parents, pas un couple d'amoureux. Donc tout tournait autour des enfants et je ne parlais pas de moi. J'ai été complètement effacée dans ce couple, comme j'avais une ex-femme qui parlait que d'elle et que de son environnement à elle... Évidemment, moi, je ne me disais jamais rien. J'écoutais et j'ai laissé prendre cette place qui m'arrangeait certainement aussi, parce que comme ça, on n'a pas de problèmes. Et à un moment donné, c'est devenu dérangeant de ne plus exister. Corentin était en stage de troisième, c'est l'aîné. Et il voulait faire son stage en tant que graphiste avec son papa. Et on est allé un jour dans une rédaction. Et en sortant de cette rédaction, on rentre dans la voiture. Et puis je lui dis "ah bah alors, t'es content ? t'as vu, c'est un grand magazine, c'est un grand féminin". Il me dit "mais oui, papa, je suis super content, mais en fait, je te connais pas". Et ça, ça m'a fait vraiment bizarre de passer à côté de mes enfants et de ne pas pouvoir raconter à la maison tout ce que c'était et ce que j'étais vraiment.

Début 2020, donc, je vaquais à ces occupations qui étaient mes sites de rencontres. Donc j'envoyais souvent le même texte à toutes les filles qui matchaient sur le site. Mais donc tu attends que ça réagisse, etc. Puis Catherine réagit. On commence à s'écrire. Et puis on s'envoie deux ou trois messages. Et puis on se fixe un rendez vous, quelques jours plus tard.

Catherine

Et donc, j'arrive en bas de chez lui. On avait rendez vous en terrasse en bas de chez lui, dans le 10e. Je le vois, ce n'est pas du tout un coup de foudre à me dire "olala lui, il y a de l'enjeu. Lui me plaît". Non, c'est juste très sympa. C'est juste très facile.

Olivier

Et puis, on discute de tout et de rien, d'arts, de bouquins. Ce qu'elle fait, ce qu'elle a envie dans la vie. Elle parle d'elle et moi, je parle de moi beaucoup aussi.

Catherine

Je comprends qu'il a beaucoup de rendez vous. Je comprends que, il peut certainement coucher très facilement à droite, à gauche. Ben moi, je suis vierge. Donc, je me dis "ce garçon et moi, on a quand même pas grand chose en commun. Il est trop éloigné de moi".

Olivier

Et puis, elle me dit "Je m'en vais, j'ai un autre rendez vous cet après midi chez des amis" ou je ne sais pas où.

Catherine

Et alors, cette journée là, du coup, en fait, j'y pense pas trop. Je vais au cinéma, je me souviens de ça et je sors du cinéma vers 5 heures et j'ai un message de lui, en fait

Olivier

Je lui  envoie un message dans le sens que j'avais envie de la revoir.

Catherine

Bah, c'est pour moi une grosse nouveauté parce que personne ne m'a jamais fait ce retour. C'est nouveau pour moi en fait, ce genre de textos.  Donc ça me rassure beaucoup. Ça me fait du bien et je me dis "ah ce garçon, il est chouette, il est gentil, il est charmant, lui, je vais pouvoir l'embrasser". Je l'invite à boire un verre. Trois fois, je crois, je lui lance l'invitation. "On boit un verre, on boit un verre ? "Et puis, à chaque fois, il me plante.

Olivier

Donc plusieurs jours après, elle me propose des choses et à ce moment là, je devais certainement avoir des problèmes. Je devais avoir du Airbnb où je devais voir les enfants, quelque chose comme ça. Donc, j'ai été obligé d'annuler plusieurs fois des verres. C'était pas l'envie de pas aller la voir, c'était vraiment que je pouvais pas aller la voir puisque généralement, je dis toujours oui à des rendez vous.

Catherine

Alors, au bout de trois fois, je me dis "bon écoute, j'ai compris, tant pis, ce sera pas lui. C'est bête parce que lui, je me sentais de l'embrasser. C'est dommage", mais je lâche un peu l'affaire.

On est en mars 2020. Et là, c'est le confinement. Le monde s'arrête et à ce moment là, je crois que c'est le lendemain ou deux jours après le début du confinement. Je reçois un texto de ce garçon que j'ai vu qu'une seule fois il y a un mois. Et depuis, pas de nouvelles, vraiment. Et ce garçon me dit "comment tu vas? Est ce que tout va bien pour toi? C'est une période difficile. J'espère que tout va bien pour toi" Et en fait, on s'appelle ce jour là, on commence à parler, puis on s'appelle le lendemain. On commence à prendre l'habitude de s'appeler beaucoup.

Olivier

Au début, on communique une fois par jour, puis deux fois par jour. Et puis puis on passe des heures en Skype, à papoter, à raconter des bêtises. Puis il y a un jeu de séduction qui se met en place à ce moment là. Donc, c'est rigolo.

Catherine

Le deuxième coup de fil, donc peut être le deuxième jour.. Lui, tout à coup, me dis "moi, je te parle beaucoup de moi, mais toi, pas moi, un peu de toi". Et en fait, je me dis à ce moment là : "Bon, il va falloir que je dise en fait mon gros truc". Il faut qu'il sache quoi. Et je lui dis "Ben moi, ce que je peux dire, c'est que je n'ai jamais eu d'amoureux. Je suis complètement, complètement vierge. J'ai juste passé une nuit avec un garçon il y a 2 ou 3 ans, mais j'ai jamais eu d'amoureux.

Olivier

Je me suis dit "ça c'est encore un tout nouveau qui m'est arrivé dans les sites de rencontre : la Vierge de 46 ans !" Et je me pose mille questions. Je me dis que "c'est quand même, a 46 ans, il y a un truc, il y a un loup quelque part..." Et je n'ai pas du tout le sentiment d'avoir une vieille fille qui vivait dans sa grotte. Mais c'est complètement déstabilisant parce que ça ne rentre pas dans les codes.

Catherine

Après nos discussions, elles ne sont pas que là dessus, on passe à autre chose aussi très vite. On en parle pas des heures. Mais au moins, il sait à qui il a affaire. Ça, c'est important pour moi, sinon c'est... Sinon ça veut rien dire. Ce n'est pas une vraie relation sinon.

Olivier

Le Skype, ça nous permet de dire plein de choses tout en étant en sécurité dans son cocon personnel. Puisqu'on est dans un cocon qui est le sien, on peut dire encore plus de choses et on peut aller beaucoup plus loin. Sans que ça porte à conséquence.

Catherine

Et vraiment, dans ma tête, c'est de me dire "c'est fou parce que le monde s'arrête. Et moi, j'avance". C'est vraiment cette impression à ce moment là qu'il se passe un truc pour moi, alors qu'on est supposé tous être cloîtré chez soi à ne plus pouvoir avoir aucun lien avec le monde. Et c'est à ce moment là que je me lie avec quelqu'un. Ça nous permet à nous de nous connaître sans avoir cette obligation physique qui, à certains moments, me bloque depuis toujours.

Un soir, je sens que oui, on se dit qu'on a envie l'un de l'autre, quoi. Et lui il me dit "je vais prendre ma douche"  Et moi je dis "bah moi j'ai envie d'être avec toi". Alors il prend son téléphone et il amène son téléphone dans sa salle de bains.

Olivier

Je me suis foutu à poil et puis j'ai pris ma douche. Et c'était un moment rigolo, c'est un moment d'intimité pour lui montrer qu'il n'avait pas de soucis, qui avait qu'il n'y avait pas de problème, que c'était... Ce sera simple.

Catherine

Donc, en fait, je vois, je le vois nu sous la douche et dans ma tête, c'est ça, Cydia, "là je suis dans la cour des adultes". C'est un vrai corps d'homme qui a du désir pour moi et ça m'impressionne vachement. C'est la première fois que je vois un corps d'homme puisque avec Thomas, c'était dans le noir. Mais que je vois un corps d'homme. Et ça rend la chose très réelle, même si on est en virtuel. On vit quelque chose de très réel. C'est la première fois que je me rends compte que je peux moi aussi avoir des désirs et du désir.

Olivier

Et puis, je suis toujours dit "Il faut que tu dises ce que tu penses, que tu sens, que tu souhaites". Et comme ça, je te dirai si moi, je suis d'accord ou pas, mais au moins qu'on sache où tu veux aller et où moi je veux aller.

Catherine

Eh bien, c'est moi qui vais dire "écoute, on va, on va prendre le risque de traverser Paris et de se rencontrer. Moi, j'ai envie de venir chez toi. Moi, j'ai envie qu'on passe un moment ensemble. J'ai envie de toi".

Donc, on laisse un peu cette idée en suspend, mais un soir, il m'envoie un texto et il me dit "J'ai envie de toi, j'ai envie d'être avec toi demain matin. Tu viens chez moi et tu m'apportes le petit dej et on passe un moment ensemble ?"

Catherine

Et donc je reçois ce texto. Je pense que je dormais déjà. Il est déjà minuit, je reçois ça et je me dis "OK, ça y est, je vais le voir. On va passer un moment ensemble demain matin". J'ai pas de stress et je me fais pas du tout le film de "on va se voir, on va faire ci, on va faire ça". C'est juste que j'ai très envie et je dors pas beaucoup. Mais je pense que j'ai un grand sourire et je n'ai qu'une envie, c'est d'y aller, en fait.

Du coup, le matin, alors je me demande "est-ce que c'est trop tôt 8 heures, 8 heures et demie, 9 heures ? À quelle heure je dois y aller?" Bon, j'en ai marre, j'y vais. Il est 8h, c'est un peu tôt, mais tant pis. Je prends le 38. C'est vraiment le bus qui va directement de chez moi à chez lui. Ça traverse Paris, ça traverse la Seine, c'est tout droit et je monte dans le 38. Il n'y a personne. Je traverse Paris et je vois Paris vide. Ce qui donne aussi une impression très étrange. Et j'arrive chez lui vingt minutes après, dans sa rue vide. Et je suis hyper contente de sonner à sa porte.

Olivier

Donc, elle est arrivée avec du bon pain, des pains au chocolat, des œufs et tout ça. Et puis voilà, ça se passe plutôt bien. Elle est très pressée de passer à l'acte, etc. Donc j'ai dit "allez hop, on y va".

Catherine

Il est très prévenant. L'intérêt est que lui, il a assez d'expérience pour faire les choses bien. Pour que je sois bien. Et en fait, il me dit "oulala attends, attends tu saignes. Et je regarde et ouais "ah mince ! C'est vraiment beaucoup de sang". Et donc là, forcément, on se relève très vite lit. Et moi, je vais vite à la salle de bain, sous la douche. Je suis un peu décontenancée parce que c'est beaucoup de sang, en fait, c'est à dire que les draps deviennent tout rouge. Moi, je file à la salle de bains dans la douche, mais ça s'arrête pas. Je crois que je reste dix minutes, un quart d'heure dans la salle de bain. Ça ne s'arrête pas. Et en fait, je me dis "mais mince, personne m'a prévenu que ça pouvait être ça". Je ne savais pas que ça pouvait être ça. Je suis embêtée, puis j'ai peur.

Catherine

Ça m'a impressionné. Vu la quantité de sang, elle été un peu gênée de cette situation. Je lui dis "c'est pas grave, t'inquiète pas, ça arrive". Mais dans mon fond intérieur, je me disais "oulala J'espère que ça a pas été compliqué"

Catherine

Comme le sang continue à couler, moi, je me sens pas bien parce que je me dis je ne sais pas "c'est une hémorragie. C'est quelque chose de normal ou pas ?" J'en sais rien si 'est normal. Il n'y a pas de normalité à ma situation, encore moins que les autres. Donc lui me dit "Tu sais, tu as perdu pas mal de sang. Peut être que tu vas être très fatiguée".  Moi, je sais que je n'ai qu'une envie, c'est de rentrer chez moi. Je ne vais pas rester là à discuter avec lui et prendre un café. Mais voilà, moi, je rentre chez moi et je ne sais pas quand on va se retrouver. Mais au moins, je suis plus vierge. J'ai 46 ans et je suis plus vierge.

En fait, après le confinement, Olivier a des soucis aussi avec son entreprise, tout ça donc en fait, il se trouve qu'il est obligé de repartir, de partir de Paris. Donc on se revoit pas vraiment souvent. On sait qu'au mois d'août, il va pouvoir venir une semaine entièrement à Paris et ce sera notre première semaine vraiment ensemble.

Olivier

On s'entend super bien, on commence à tisser vraiment des liens et donc tout roule jusque là.

Catherine

C'est la semaine de la canicule. On est à Paris, dans son petit appartement, il fait une chaleur affreuse. Et puis, le cinquième jour, en fait, la météo dit que, "enfin, la canicule va s'arrêter". Mais nous, on se dit peut être qu'il fait un peu meilleur, on va peut être aller se balader quand même sur le canal Saint-Martin. Et donc vers 2 heures, on a marché une bonne heure, même pas. On rentre à la maison. On se déshabille et on se dit on va faire une sieste et on s'embrasse et je le vois perdre connaissance. Très vite je cherche le portable pour appeler les secours et la personne me dit "Est ce qu'il respire?" Je vois qu'Olivier là, à ce moment là, il est un peu violet et il respire pas. Alors je lui dis "non et respire pas". "OK, eh bien, il va falloir le masser". Je me mets à côté de lui et en fait, je commence illico le massage sans me poser de questions. Je masse, je masse, je masse, je masse... Pendant un quart d'heure, je masse. Je suis à la fois hyper assidue et concentrée sur ce que je fais et à la fois, je crie à Olivier "Mais Olivier réveille toi, réveille toi et je pleure". À ce moment là, j'entends frapper à la porte et je vois arriver des pompiers. À un moment, j'entends dans l'appartement un bip. Et je comprends le fait que le cœur est revenu. Donc, je vais dans la pièce et je dis "c'est bon, il est revenu ?!"  Et quelqu'un me dit "oui, le cœur marche, le cœur fonctionne, mais très faiblement. Mais par contre, on l'a intubé parce qu'il respire pas". Je les vois enlever le corps, le porter et ils l'emmènent à l'hôpital. Le lendemain, je vais le voir. Bien sûr, le matin, l'après midi, je vais le voir, il est en réanimation, il est dans un coma et ils ont baissé sa température. Donc tout ça, les médecins me font bien comprendre que c'est quand même un peu mal barré. Il ne faut pas avoir trop d'espoir. Et je passe donc une heure le matin et une heure l'après midi avec lui, à lui parler et à pas savoir ce qui va en être dans les heures à venir.

Le lendemain, je retourne le voir à l'hôpital. Bien sûr, le matin, j'arrive, mais là, surprise, dans la même chambre, avec les mêmes files, les mêmes bips... Et bin je vois Olivier qui a les yeux ouverts, il me regarde. Il commence à avoir des larmes qui coulent. Je lui dis "Mais qu'est ce que c'est que ça ? Mais tu as les yeux ouverts ! Mais c'est dingue !" Et un des interne passe à ce moment là, je lui dis "Vous avez vu, c'est fou quand même, il a les yeux ouverts, ça y est, il est revenu" et l'interne me dit "oui, alors attention, ça peut être aussi des gestes réflexes". Et moi je dis au monsieur, "mais non. Regardez, il me répond" parce que moi, quand je parle à Olivier, en fait, je vois bien dans ses yeux qu'il me parle. Donc je dis à l'interne "non, non, je vous assure, il est vraiment là, regardez. Effectivement l'interne, je crois à ce moment là, se rend compte que, il est pleinement revenu. Alors, il n'est pas tiré d'affaire parce qu'il peut toujours pas parler. Il ne peut pas respirer seul. Et puis, on sait toujours pas quelles sont les conséquences. Est ce que son cerveau était touché? En tout cas, il est avec moi? Il est là. Il est là. Et ça, c'est assez miraculeux, en fait.

Deux jours après, quand on commence à lui enlever petit à petit les tuyaux, les fils. Les médecins n'en reviennent pas qu'il soit revenu. On lui dit même "Vous savez, au delà de 30 minutes d'arrêt cardiaque, il n'y a que cinq pour cent des gens qui reviennent. Et.. Dans quel état... Vous, il n'y a aucune séquelle", donc déjà, c'est magique. Et puis moi, à chaque fois que je suis là, il y a toujours un infirmier ou quelqu'un qui passe et qui me dit "Ah, vous êtes l'amie, c'est vous qui lui avait sauvé la vie !". Et là, je réalise en fait que ce garçon, qui est mon premier amoureux, je viens de le faire revenir à la vie. Je lui ai sauvé la vie. Oh ça... C'est assez dingue, quoi !

Olivier

Catherine vient tous les jours à l'hôpital. Elle est très, très présente. Et là, on se rend compte que je m'étais pas trompé sur le premier épisode. La personne qui t'aime vraiment est là vraiment pour toi. Quand tu es au fond de ton lit, dans une chambre d'hôpital et ça renforce une intimité, ça renforce une confiance, ça renforce tellement de choses et ça se réveille comme une évidence.

Catherine

Depuis cette semaine d'août, on s'est pas quitté, en fait. Le fait d'avoir vécu ça avec lui, d'avoir eu cette expérience si forte, fait que ça a accéléré les choses.

Olivier

C'est vrai que jusque là, toutes les personnes que j'ai eues, je ne me voyais pas me retrouver dans un couple traditionnel. Et comme Catherine s'est révélée comme une évidence. Je suis très bien en couple et je trouve ça super chouette. Et on est dans l'acceptation des envies de chacun. Sans que ça nous provoque une frustration ni être dans le compromis. Et pour qu'il n'y ait pas de compromis, il faut pouvoir s'exprimer, mais vraiment s'exprimer. C'est dire les choses telles qu'on le ressent au moment où on le ressent.

Catherine

C'est très naturel tout ce qu'on partage. Avant, j'étais certainement pas capable de partager les choses avec qui que ce soit. Là, avec lui, je me suis jamais posé la question, mais c'est plus que naturel. Donc c'est clair que là, je joue pas un personnage avec lui. Je triche pas. Avant, je devais à moi me cacher beaucoup de choses et cacher beaucoup de choses aux autres. Mais là, c'est fini. Là, avec lui je suis pleinement moi même. Je vis ce que j'ai envie de vivre, je ressens ce que j'ai envie de ressentir et c'est aussi une légèreté de vivre. Mais juste parce que j'ai le droit d'être moi même, en fait, avec lui.

Donc n'était pas tellement le fait d'être vierge qui pouvait me poser problème, mais en fait, ce qui me pesait autant, c'était le fait de ne pas vivre pleinement qui j'étais, de ne pas l'assumer certainement pleinement et de pas me m'autoriser à être ce que j'étais vraiment et faire croire. Je faisais croire, mais à force de faire croire que je savais pas qui j'étais et je savais pas ce que j'étais vraiment.

Charlotte Pudlowski

Cet épisode de Passages a été tourné et monté par Lucile Rousseau-Garcia. Maude Benakcha était à l'édition et à la coordination, la musique à la réalisation et le mix sont de Bénédicte Schmitt. Maureen Wilson est responsable éditoriale et Marion Girard responsable de production. Mélissa Bounoua, directrice des productions et le générique de passage, a été composée par Novembre Ultra.

Je suis Charlotte Pudlowski et Passages est une production Louie média Vous pouvez vous abonner sur toutes les plateformes de podcasts, nous laisser des commentaires, plein et des étoiles, tout autant et en parler autour de vous, à vos amis, à vos abonné·e·s, sur Instagram ou sur Twitter et même à vos grands parents. Et si vous souhaitez soutenir Louie, n'hésitez pas à vous abonner au Club louiemediacom/club

À très vite.