Comment réalise-t-on le podcast Émotions ?

Lorsque j’ai postulé chez Louie Media, j’ai envoyé une courte production radiophonique sur la solitude, un sentiment qui me pesait particulièrement à ce moment-là. J’avais envie de comprendre comment la solitude qui m’alourdissait tant au quotidien était ressentie chez les autres: en existait-il différents types? Quelques semaines plus tard, en arrivant à la première conférence de rédaction de Louie, on m’a annoncé que j’allais devenir l’une des attachées de production –avec Amel Almia– du nouveau podcast: Émotions. Un programme imaginé par Louie et qu’Adélie Pojzman-Pontay présente. On y décortique une émotion par épisode: le tracla confiance en soila négation de la douleur, etc. Depuis, les émotions étudiées ont un certain écho sur ma vie... Ce 2 janvier par exemple, c’était mon premier jour. J’avais le trac, or c’était tout le sujet de l’épisode 1!

Plus tard, il y a aussi eu l'épisode 6 sur la compersion. Un mot que je ne connaissais pas avant de travailler dessus. La compersion, c’est le bonheur que l’on ressent quand on voit quelqu’un que l’on aime être heureux. À la première réunion, je me rappelle très bien avoir dit: “Je suis très amoureuse de mon compagnon, mais s’il me laisse pour quelqu’un d’autre, je serais heureuse de le savoir heureux”. Quelques semaines plus tard, il me quittait pour une autre femme. Coup du sort, nous terminions de travailler sur la compersion.

Parfois, c’est trop difficile, trop sensible de parler de ses émotions. Les choses sont sous notre nez mais il est compliqué de trouver les mots pour en parler. D’autres fois encore, on ne se rend même pas compte que nos émotions nous rongent parce qu’une foule de sentiments s’entrechoquent dans notre tête et forment une jungle. On n’y comprend plus rien!

Dans Émotions, nous voulons décortiquer toute cette gamme de sentiments pour les expliquer, les valoriser et les comprendre parce qu’ils sont parfois complexes, dérangeants ou tabous. Entre ami.e.s, en famille, il arrive que l’on parle assez librement de nos émotions. Mais, en public, c’est tout de suite plus compliqué.

Historiquement, on oppose émotions et raison. On voit les premières comme un obstacle à l’efficacité, notamment au travail. En intégrant le monde professionnel, on nous apprend vite que l’on doit laisser nos réactions émotionnelles hors du bureau. Ici, dans Émotions, nous voulons les comprendre grâce à des histoires et à des analyses qui ne soient pas uniquement pour les enfants.

À chaque épisode, on part à la recherche de témoignages. On sollicite autour de nous, des amis d’amis ou des gens que l’on ne connaît absolument pas et qui ont laissé des commentaires quelque part sur Internet. On fait des appels sur les réseaux sociaux ou on trouve nos histoires en lisant les journaux. On rencontre alors des personnes qui ont vécu des événements incroyables et qui nous racontent les émotions ressenties à ce moment-là. Par exemple, lorsqu’on a travaillé sur la culpabilité et que l’on s’est demandé s’il y avait une bonne dose de culpabilité, Mathilde Truong est venue à nous avec ce message sur Twitter: “Bonjour, je culpabilise de culpabiliser, ça vous semble correspondre?". Comme on cherchait quelqu’un qui ressentait une culpabilité exacerbée, on avait trouvé la bonne personne! Adélie l’a rencontrée chez ses grands-parents, en banlieue parisienne. Au passage, elle en a profité pour interroger Juliette, la petite sœur de Mathilde. Depuis qu’elle est enfant, Mathilde culpabilise en permanence, même quand à 9 ans, elle casse un verre en rangeant la table... Alors pour la confronter, sa petite sœur a une méthode toute personnelle: elle la fait “culpabiliser de culpabiliser pour qu’elle arrête de culpabiliser”!

À l’opposé de l’extrême dose de culpabilité, on voulait comprendre ce que c’était de vivre sans ce sentiment de culpabilité, et comment on le faire naître. Parce que la culpabilité, c’est une émotion que l’on apprend. Adélie a donc rencontré Jean-Rémi Sarraud. Cet homme est calme. Il a une cinquantaine d’années. Quand il était plus jeune, il a été l’auteur d’un crime. Aujourd’hui, il a purgé une peine de vingt ans pendant laquelle il a senti émerger son sentiment de culpabilité. Une émotion qui ne lui était pas naturelle parce que jamais aucune personne ne la lui avait appris étant enfant. Jean-Rémi, c’est Adélie qui l’a trouvé. Un de ses proches le connaissait. Elle a pris le train et l’a rencontré chez lui, en Bretagne.

Toutes ces illustrations servent à visualiser les émotions. S’ajoutent à ces histoires intimes des analyses d’experts. Nous les trouvons grâce à leurs travaux de recherches et leurs ouvrages. Ce sont souvent eux qui nous aiguillent et nous font comprendre toutes les subtilités des émotions, comme avec François Vialatte, chercheur en sciences cognitives à l’ESPCI qui nous a aidé, dans l’épisode 6, à comprendre les mécanismes de la construction de la confiance en soi.

Une fois que l'on a toutes ces interviews, on souffle! Enfin, pas Adélie qui repart dans un nouveau marathon pour la construction de l’épisode. Elle réécoute toutes les heures d’interview –en moyenne de cinq à dix– pour donner vie à une quarantaine de minutes cohérentes. Elle forme un plan, puis écrit son texte. Ensuite, on retrouve Charlotte Pudlowski, la rédactrice en cheffe, pour les fameuses “lectures”. On est généralement trois par réunion. C’est un moment crucial où Adélie lit ce qu’elle a écrit et fait écouter les morceaux d’interviews qu’elle a sélectionnés. S’en suivent deux heures de coupes, de reformulations et d’ajouts. Après deux lectures, c’est vraiment là qu’on peut véritablement souffler: l’épisode est formé!

On continue le montage avec des allers-retours pour être bien certain.e que les coupes sont fluides, puis on passe à l’enregistrement. Pendant une à deux heures, Adélie enregistre son texte. Ensuite, on peaufine l’épisode avec la musique. Il y a un vrai travail de création sonore qui habille chacun des volets. Nicolas de Gelis a créé la musique de générique. Claire Cahu et Nicolas Ver font des propositions musicales pour chaque épisode. Ils utilisent également des bruitages que l’on a enregistré sur le terrain, comme l’arrivée d’Adélie chez Jean-Rémi Sarraud dans l’épisode sur la culpabilité. Puis, on envoie tout ce travail à ce qu’on appelle “le mix” pour harmoniser toutes les hauteurs de sons grâce à Jean-Baptiste Aubonnet. Dernière étape: l’illustration. Jean Mallard est l’illustrateur d’Émotions. À chaque nouvelle création, on est tous.te.s ébahi.e.s par son travail. 

Quand l’épisode est publié, on aime recevoir les messages des auditeur.ice.s chez qui les émotions résonnent. Adélie a par exemple rencontré dans un bar une musicienne qui, après avoir écouté notre premier épisode, n’a plus jamais eu le trac pour remonter sur scène. Depuis le début de cette aventure, on reçoit souvent des messages des auditeur.ice.s qui ont envie et besoin de partager leurs émotions. Et c’est vraiment là que l'on se rend compte à quel point parler de ce qui nous bouleverse est important.

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Les nouveaux épisodes d'Émotions sont à découvrir un lundi sur deux. Vous pouvez retrouver Émotions sur notre site, vous abonner sur Itunes (et laisser plein de commentaires et foule d’étoiles!), Soundcloud et Youtube.

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Maud Benakcha