Le Book Club présidentiel #1 : En attendant l'homme providentiel

Dans cette nouvelle saison du Book Club, nous avons voulu redonner un souffle de vie à l’émission : vous faire entendre des lieux, des sons, des gens qui font l’actualité pour réussir à mieux la comprendre. Alors que le bruit et la fureur du débat public peuvent nous donner l’impression d’être démunis, de ne pas avoir les outils pour saisir pleinement les enjeux du monde contemporain, nous avons voulu prendre le temps d’essayer de les comprendre en faisant appel à la littérature.

Jean Garrigues est historien spécialiste d’histoire politique. Son livre La Tentation du Sauveur. Histoire d'une passion française est réédité chez Payot, en mars 2022.

Dans ce premier épisode, il nous éclaire sur le “mythe bien Français” de l’homme providentiel. Il nous parle, pour cela, de trois grands auteurs français du XIXème siècle : Stendhal, Balzac et Hugo. A travers La chartreuse de Parme, Le colonel Chabert et Cromwell, Jean Garrigues nous donne à comprendre ce mythe qui nourrit le paysage politique français.

Ensemble, nous nous demandons s’il est “dangereux de tout attendre d’une figure politique”. Et pourquoi ce mythe est une composante majeure du storytelling de toute campagne électorale, alors qu’il est si loin de ce que Jean Garrigues appelle “nos désirs de démocratie participative”.

Pour répondre à ces questions, Jean Garrigues revient sur le premier homme providentiel, une femme : Jeanne d’Arc. Venue du peuple, elle inaugure une lignée de personnages qui, a posteriori, seront construits comme des figures providentielles dont se revendiquent aujourd’hui nombre de nos politiques. 

Hors du champ des élites traditionnelles, elles émergent en “temps de crise” et donnent l’impression de pouvoir, d’un coup d’un seul, rebattre les cartes pour sauver la France. Nourries par les représentations politico-médiatique, ces figures messianiques contemporaines sont travaillées, pensées, scénarisées pour contribuer à construire le récit d’un roman national millénaire dans lequel elles s’inscriraient. A “toutes les époques”, nous dit l'historien, "les jeunes générations ont ressenti ce besoin de rupture” et c’est sans doute cela qui rend toujours aussi actuelle cette figure de l’homme providentiel, ce mythe du sauveur. 

Agathe Le Taillandier a écrit et monté cet épisode, Lola Constantini l’a réalisé et Etienne Gatianette s’est occupé du mixage. La musique est signée par Antoine Graugnard et Mélodie Lauret.

Soukaïna Qabbal est à l’édition et à la production du Book Club.

Le Book Club est une création Louie Media aussi rendue possible grâce à Maureen Wilson, responsable éditoriale, Marion Girard, responsable de production, Charlotte Pudlowski, directrice éditoriale et Mélissa Bounoua, directrice des productions.

Titiou Lecoq : “À 13 ans j’ai eu les lunettes féministes avec Simone de Beauvoir”

JULIETTE LÉVEILLÉ

JULIETTE LÉVEILLÉ

Pour Titiou Lecoq, lire des classiques de la littérature, c’est comme regarder des séries: “Il y a des retournements de situation, des vrais plot twists [NDLR : des rebondissements]. Tout ce que les scénaristes américains peuvent utiliser dans les séries, tu l’as dans Balzac” (21’16). Habituellement, les grands classiques de la littérature sont découverts par les lecteur.ice.s à l’adolescence, dans des cours de français qui - avouons le - ne les passionnent pas toujours! Or, l’écrivaine nous donne une toute autre lecture de ces pavés: “Il n’y a pas de questions de difficulté. C’est vraiment comment nous, adultes, on amène les enfants à ces lectures” (24’50). 

Titiou Lecoq ne fait pas partie des élèves qui auraient pu être dégoûté.e.s par ces classiques littéraires. Ce sont d’ailleurs ces ouvrages qui l’ont aidée à construire sa vision de la littérature. Au micro de Maud Ventura, elle présente : Mémoire d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir aux éditions Folio, Le Père Goriot d’Honoré de Balzac aux éditions Flammarion et La fonction du balai de David Foster Wallace aux éditions Au diable vauvert. “Tu as l’autrice Simone de Beauvoir qui m’ouvre la porte sur les choses, Balzac est sur une fonction de la littérature [...], et après tu as Wallace qui arrive dans ma vie et qui me dit : “T’es sûre que la littérature sert à ça ? T’as réfléchi ? C’est quoi un mot ?” (38’18). 

La bibliothèque de l’autrice féministe est très organisée : tous les livres sont rangés dans l’ordre alphabétique à l’exception de deux auteurs qui lui sont chers. “Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre ont droit à leur étagère à part. [...] J’ai une relation très proche et très particulière avec eux. Je me suis tellement servie de leurs bouquins, je les ai tellement lus que j’ai besoin de les avoir dans un espace à part” (01’48). Sa relation avec ces auteurs est si intime, qu’elle leur parle à travers leurs livres. “Comme si je parlais à Simone, j’ai écrit en haut de la page [...]. Comme si je lui répondais” (09’45).

Titiou Lecoq se remet en question, que ce soit en tant que lectrice ou en tant qu’écrivaine. “Si je lis pour le plaisir, je vais culpabiliser. Il faut que je rentabilise les choses que je lis ou que je fais. C’est assez obsessionnel” (04’25). Par conséquent, la militante féministe ne s’est pas toujours sentie légitime à être une femme de lettres. “Je n’avais pas fait de thèse, ni de doctorat sur Honoré de Balzac. Je ne suis pas universitaire. Je me suis dit que je ne pouvais pas écrire de livre sur lui” (06’26). Quelques mois après la publication de son livre Honoré et moi aux éditions L’Iconoclaste, Titiou Lecoq a maintenant réglé cette question de légitimité. “J’arrive à écrire pour le plaisir d’écrire sans me gâcher les choses avec des prises de tête, ce qui est un miracle” (07’00). Une déconstruction qui lui a pris des années à matérialiser mais qui lui permet aujourd’hui d’écrire et de lire sans trop de limites.

Cet entretien a été mené par Maud Ventura. Amel Almia a fait le montage. Maud Benakcha était en charge de l’édition et de la coordination. Jean-Baptiste Aubonnet était au mix, Maureen Wilson était responsable éditoriale et Charlotte Pudlowski était à la rédaction en chef.

Pour que les podcasts de Louie soient accessibles à toutes et tous, des retranscriptions écrites des épisodes sont disponibles sur notre site internet. Si celle de l’épisode que vous cherchez n’est pas encore disponible, vous pouvez nous écrire à hello@louiemedia.com


Le Book Club #12

C’est le retour des rencontres du Book Club ! Pour cette rentrée 2020, nous vous donnons rendez-vous le mardi 21 janvier à partir de 19h30 dans les locaux de la maison d’éditions L’Iconoclaste en présence de l’autrice Titiou Lecoq !

Nous parlerons des Mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir. Sachez que pour chaque inscription, vous recevez gratuitement un exemplaire Folio de l’oeuvre, que vous pouvez venir chercher dès maintenant, dans nos locaux, chez Louie Media.

Rendez-vous, le 21 janvier prochain à L’Iconoclaste au 26 rue Jacob dans le sixième arrondissement de Paris. Inscrivez-vous vite, les places sont limitées !