Sommes nous tous paranos ?

Ça y est ! Vous venez enfin de rencontrer le copain de votre ami d'enfance après des mois d'attente. Le déjeuner se passe bien : vous pleurez de rire quand ils vous racontent leur rencontre, les frites sont à la fois fondantes et croustillantes, et un rayon de soleil traverse même la vitre pour vous réchauffer le bras au moment du café.

Illustration par Jean Mallard

Pourtant, en tournant le dos à ce joyeux couple pour rentrer chez vous, une vague de froid vous traverse de haut en bas : le copain de votre ami vous trouve nul, c'est sûr et certain. Vous lui avez mal expliqué en quoi consistait votre travail et puis cette blague sur la sixième extinction de masse n’était vraiment pas ouf. En plus à un moment, vous avez parlé pendant, quoi, 10 minutes d'affilées sans leur laisser le temps de caser un mot ? La honte. Bon, la prochaine fois qu'ils proposent un verre, si ça arrive un jour, vous direz que votre sœur a un match de basket très important et que vous devez l'encourager.

Mais… Si vous faisiez l’hypothèse inverse ? Et si en fait, il avait admiré votre répartie et la tendresse avec laquelle vous parlez de votre grand-mère ?

C’est ce qu’ont étudié Erika Boothby, Gus Cooney et leur équipe de chercheurs : “nous avons tendance à sous-évaluer l'affection et l'intérêt que les autres ont pour nous lors de nos premières interactions ensemble”.

Ça s'appelle le liking gap ou écart d’appréciation en français.

Pourquoi sommes-nous aussi pessimistes sur la manière dont les autres nous perçoivent ? Et comment faire taire la voix envahissante et pas très sympa qui parle en nous ? On vous explique tout dans ce nouvel épisode d'Émotions.

Une quête de paillettes

Depuis la promulgation de la loi de bioéthique qui a ouvert la PMA à des couples de femmes et à des femmes seules, la demande de dons de spermatozoïdes connaît une forte hausse. Selon l'agence de la biomédecine, pour répondre à la demande, il faudrait que le nombre de donneurs double. 

La loi de bioéthique a, dans le même temps, entériné le principe de la levée de l'anonymat des donneurs à la majorité des enfants qui sont nés de ce don, si ceux-ci en font la demande. 

Qu'est-ce que cela implique, pour un donneur, de voir son identité révélée et partagée à de jeunes adultes qui sont en quête de leurs origines ? 

Illustration par johann Licard

Dans le dernier épisode de Passages, vous entendrez, au micro d'Élodie Font, l'histoire de Pierre, et de sa réaction quand Sarah a essayé de rentrer en contact avec lui. 

Tout sur nos mères

⚛️ “Je ne connais absolument rien en physique quantique, mais je sais ceci (je l’ai appris dans un podcast) : il est possible pour deux atomes distants de plusieurs kilomètres, ou de plusieurs milliers de kilomètres, d’être liés de telle sorte que transformer l’un transformera l’autre. C’est ce que l’on appelle l’intrication quantique. Dans l’intrication quantique, si vous modifiez l’état d’une particule, l’autre particule liée réagira instantanément.

Je pensais à ces atomes, il y a quelque temps. J’ai fait une dépression, j’allais très mal, et pour des raisons qui me semblaient alors un peu mystérieuses, cela transformait mon lien à ma mère. Ma dépression n’avait objectivement rien à voir avec elle, c'était lié à un événement très précis de ma vie qui lui était tout à fait étranger ; mais cela déclenchait en moi une colère terrible vis-à-vis d’elle, que je n’arrivais pas à contenir.

J’étais en colère et je pensais à ces petits atomes, et je comprenais peu à peu que si le monde me transforme (le monde, la tristesse, la colère) bien sûr, cela a à voir avec elle. Tout ce que je suis à toujours avoir avec elle, résonne toujours dans le palais intérieur de mon enfance dont elle est le centre, la reine.

Il me semble que les relations parents enfants, peut-être seulement les relations mères filles, peut-être toutes les relations entre les gens qui s’aiment, sont une forme de réplique d’intrication quantique.

👩‍👧J’étais adulte - j’avais fait le documentaire sur elle que vous savez peut-être - nous étions extrêmement proches, persuadées que les distances provoquées par les crises adolescentes seraient pour toujours derrière nous. Et l’on découvrait cela : un lien mère-fille ne met jamais rien derrière. Chaque mouvement du réel fait toujours vibrer la corde invisible de son cœur à mon cœur. Ce lien n’est jamais figé, jamais fini, toujours à découvrir.

Emilie Hussenot & Eric de Crecy

C’est ce qu’explore Nadia Daam chaque semaine, dans le podcast Entre elles. L’autrice de La Gosse, celle qui dit que son enfant est son « lait sur le feu », y interviewe à chaque épisode une mère et sa fille, et ensemble, elles décortiquent ce qui les lie, ce qu’elles traversent. Et vous comprendrez alors, un peu, de la physique quantique.”

Charlotte Pudlowski, co-fondatrice et présidente de Louie

Bonnes résolutions : pour l’amour des seuils

J’ai cette fâcheuse habitude de penser, quand il ne reste que quelques minutes - dans le métro, entre deux rendez-vous, avant que le cours de Pilates ne commence, avant qu’un ami n’arrive à la maison - que rien n’est plus possible. Que je n’aurai jamais le temps de faire quelque chose de nouveau (lire un chapitre du livre qui est dans mon sac, le lancement d’une machine à laver…) Alors généralement, je continue ce que j’étais en train de faire : mes mails, travailler - scroller sur Instagram. Je ne commence pas autre chose. 

🕰️ Je sais, en réalité désormais que j’ai peur des seuils : de passer d’un instant à un autre, d’une activité à une autre. Que ces petits instants sont des arrachements. C’est une peur minuscule, qui se niche dans mon oubli de clefs, de téléphones, de mon portable, du livre en cours, du chargeur si jamais… Je reviens en arrière, je remonte l’escalier, je repasse chez moi. C’est une peur dans laquelle se dissolvent des minutes entières qui pourraient être consacrées à des lectures, des podcasts et des films. Je me fais croire que le temps ne suffira jamais.

Je m’en suis rendu compte en discutant avec mon meilleur ami, lors d’une de ces conversations qui voguent de noyau en noyau, dans lesquelles on brasse et l’enfance, et le dernier achat de fleurs, un rendez-vous manqué, la honte d’un retard inacceptable et le récit d’une séance de psy. 

🫶 Et autant que d’avoir compris ma peur des seuils, je me dis “quelle chance d’avoir quelqu’un par qui la comprendre”. Quelle chance, ces conversations ininterrompues où l’on se dit assez de choses pour ne pas passer à côté des gens, se voir vraiment.

Pour cette nouvelle année, en plus des lectures, des podcasts et des films, en plus du sport et du rangement, je vous souhaite ça : ne plus craindre les petits arrachements, et une foule de gens pour comprendre ces peurs, et les traverser. 

Le conseil podcast d’Adeline Rapon: Flash Forward

credit : Adeline Rapon

credit : Adeline Rapon

Adeline Rapon est influenceuse et joaillière. Elle a été l’une des toutes premières blogueuses mode en France.

“En ce moment je suis fascinée par Flash Forward dont le principe est de répondre à des “et si?”. Et si un tatouage pouvait indiquer ce qui se passe dans notre corps ? Et si on récupérait l’esprit, les souvenirs d’une personne dans un ordinateur? Toutes ces questions, et également les conséquences d’une telle technologie, sont explorées à la fois par des scientifiques et des personnes qui cherchent réellement à les expérimenter. C’est un peu comme la série Black Mirror, mais sans le drama.”

Si elle devait n’en retenir qu’un ce serait: The day the internet broke. ”Il est fascinant! Il parle de la fin d’internet.”

  • Flash Forward est produit et présenté par Rose Eveleth, à écouter sur Apple Podcasts et sur toutes les applications de podcast.

Comment trouver sa voix

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Chez Louie, on aime beaucoup écouter The Heart, le podcast de Kaitlin Prest. Ici, pas de routine. Dans ce podcast narratif où le ou la protagoniste raconte une histoire très personnelle sous la forme d'une enquête, l'irrégularité c'est la règle. On ne sait jamais sur quoi va porter l'histoire qui nous sera contée. Pourtant, on peut vous assurer qu'une fois que vous aurez écouté quelques épisodes, vous saurez reconnaître The Heart entre mille. Il y a quelque chose dans la voix, comme une empreinte, chez tous les protagonistes de ce podcast, qui nous plonge dans un univers particulier.

Car la voix est le mode de communication le plus empathique et authentique. Elle est un ingrédient fondamental des podcasts. Nous en parlions dans un article, alors que la saison 1 de Entre venait d’être lancée et que l’on était subjugué.e.s par la voix de Justine. Depuis, nous avons sorti Plan Culinaire, Émotions et Injustices qui sont tous les trois des podcasts de narration. Et, à chaque enregistrement, on se demande comment rendre notre voix la plus agréable possible à écouter pour porter, accompagner cette narration.

Quand on enregistre un podcast, on le fait en studio. On se retrouve debout face à un micro, derrière une vitre. C’est une scène qu’Adélie Pojzman-Pontay raconte très bien dans l’épisode 1 d’Émotions. On a un casque sur la tête, on entend notre voix et on ne la reconnaît pas. Parce que la voix qu’on entend à l’intérieur de nous est plus grave que celle que l’on projette à cause de toutes les vibrations que l’air provoque sur nos os lorsqu’on parle. De l’autre côté de la vitre, se trouvent l’ingénieur son et les autres personnes de l’équipe qui ont travaillé avec nous sur la réalisation de l’épisode. L’ingénieur du son a deux gros écrans d’ordinateur devant lui et une table de mixage. Et autant vous dire que, dans ces conditions, c’est difficile d’avoir une manière naturelle de parler. Pourtant, ce que l’on recherche c’est que la voix soit fluide, naturelle, ni trop rapide, ni trop monotone, tout en pensant à l’articulation, à la projection de notre voix, et à la clarté de notre propos.

Pour le podcast Injustices, Clara Garnier-Amouroux commence déjà à préparer sa voix en chemin pour le studio: ”J’écoute les voix des gens que j’aime bien sur mon vélo parce qu’ils ont une intonation qui me plaît, et je répète ce qu’ils disent à voix haute jusqu’à ce que ça sonne bien dans ma voix à moi. Et, au moment de m’enregistrer, je m’étire à chaque fois que je bloque sur un passage.”

Respirer pour mieux parler

Marie Lelong est coach vocale à l’Ecole de Journalisme de Sciences Po, elle aide de futurs journalistes à poser leur voix. Vous l’avez sûrement déjà entendue dans des publicités à la radio et elle a longtemps été comédienne. “Ma voix a changé à partir du moment où j’ai commencé à jouer et à la travailler. Elle est plus puissante et l’écart de ses possibilités a beaucoup grandi. Maintenant, j’ai l’impression d’avoir plus de liberté d’interprétation, de jeux et d’univers vocal parce que je sais utiliser ma respiration.”

Pour Marie, le nerf de la guerre c’est ça: la respiration! Et, d’après elle, il faut retourner à une respiration naturelle, celle que l’on pratique lorsqu’on dort, celle que l’on pratiquait enfant; la respiration abdominale. C’est à cause du stress quotidien que nous respirons de plus en plus haut et que notre souffle se bloque au niveau de la poitrine. Alors que “la clef de voûte d’une bonne voix qui sort, qui peut varier, qui est libre (...) c’est la respiration abdominale”.
Eh oui, tout se joue au niveau du ventre. Pour y arriver, Marie demande à ses étudiants de parler avec la voix la plus grave possible. Essayez, vous verrez que votre sangle abdominale se contracte automatiquement. Parler en projetant sa voix, c’est presque du sport. “Quand je sors de studio, je sens que mes abdos se sont mobilisés, que mon corps a été présent”, raconte Marie Lelong.

Donner la parole aux critiques

Pour pouvoir être le plus naturel possible, pour pouvoir faire passer des émotions, il faut donc mobiliser son corps. Être debout devant un micro, les jambes et le tronc crispé, ne bouger que sa bouche et se concentrer sur son articulation ne mènera à rien d’autre qu’à réciter son texte à la façon d’Alexa ou celle du GPS de votre voiture. “C’est impossible d’être juste et naturel en n’utilisant absolument pas son corps. (...) Quand je suis en studio, je bouge comme quand je parle à un ami. Je fais beaucoup de gestes en parlant, donc j’essaie vraiment de me mettre dans cette disposition là.” Le fait de bouger permet de penser ce que l’on dit et pour pouvoir faire passer des sentiments, il est extrêmement important d’être porteur soi-même de ces émotions. Alors on bouge les mains, on fait des signes, des mimes même s’il le faut, pour nous permettre de vivre notre texte. Pour qu’on entende un sourire dans une voix, il faut vraiment sourire, d’un vrai sourire!

Pour le podcast Émotions, Adélie Pojzman Pontay fait des exercices avant et pendant chaque enregistrement: ”Je fais des étirements inspirés du yoga pour détendre mon cou, mes épaules, mon buste et surtout mon diaphragme. Je fais aussi quelques vocalises pour échauffer ma voix et les muscles de mon visage.” 

Marie Lelong préconise d’anticiper ce que l’on veut que les gens retiennent. Elle appelle ça le “doggy bag”: “Je me demande comment et avec quelle idée je veux que [l’auditeur] reparte. Est-ce que les gens se diront que c’était hyper drôle? Ou plutôt que ça les a séduit?” Et quand il lui arrive de devoir parler de sujets qui ne la touchent pas forcément, comme elle le fait pour des publicités, elle tente de trouver une connexion avec le thème qu’elle traite. ”Quel que soit le message, il faut qu’il fasse écho chez [moi] à un endroit”.
On ne peut pas changer le timbre de sa voix, mais avec toutes ces astuces, on peut la travailler et la rendre agréable à l’enregistrement. Plus vous l’exercerez, plus vous serez à l’aise. Ce n’est que comme ça que vous pourrez réellement trouver votre identité vocale.

Amel Almia

Le conseil podcast de Angelo Foley: Les Couilles sur la table

Angelo Foley est directeur artistique, thérapeute et conférencier. Il a accompagné de nombreux artistes dans leur développement, de Christine and the Queens à Eddy de Pretto. Il a créé le compte Instagram et le podcast Balancetapeur, qu’il considère comme espace d’expression de nos vulnérabilités.

credit : Angelo Foley

credit : Angelo Foley

« Quand j’ai découvert Les Couilles sur la table, j’étais heureux de voir que ma propre éducation du masculin allait aussi pouvoir se faire à travers un podcast tenu par une femme.

Mon épisode préféré est celui qui s’intitule : La Vraie Nature du mâle.

Il est très riche d’informations et remet en question beaucoup de clichés sur la virilité et la construction du masculin. L’invité, Thierry Hoquet, qui est un philosophe spécialisé dans les sciences naturelles, a une façon très simple et très accessible de nous expliquer en quoi la biologie a tendance à justifier nos grandes croyances sur le conditionnement des hommes dans leur construction. Il nous permet aussi d’avoir plus de discernement sur notre imaginaire collectif en regard de notre définition de la virilité et il apporte l’angle socio-culturel qu’on oublie parfois. J’ai appris à faire la distinction entre ce qui est naturel et ce qui est de l’acquis dans ma propre expérience en tant qu’homme. »

• Les Couilles sur la table est une production Binge Audio présentée par Victoire Tuaillon, à écouter sur iTunes et sur toutes les applications de podcasts. 

Parlez-moi de livres

Chez Louie, on a plusieurs passions, et les bons livres en font partie. Certains livres ont été constitutifs dans la construction de l’identité de Louie et influencent encore profondément qui nous sommes et notre amour des histoires. Il y a en beaucoup, mais dans notre bibliothèque intérieure, il y a évidemment Une chambre à soi de Virginia Woolf, mais aussi Fun Home d’Alison Bechdel ou encore L’Empreinte d’Alexandria Marzano-Lesnevich. Ces livres font partie de Louie.

Pourtant, allier podcast et littérature ne va pas de soi. Il y a de nombreuses manières de parler de livres au micro –la question étant toujours : à qui donne t-on la parole ? Aux écrivain.aines, aux lecteur.rices, aux journalistes, aux chercheur.ses ? Quel format pour parler de littérature ? Comment rendre justice aux livres par l’audio ? Des émissions de radio et des podcasts natifs se sont aventurés avec succès sur le terrain de la littérature avec des formats particulièrement efficaces. Voici quelques suggestions d’émissions et de podcasts littéraires qui nous plaisent et nous inspirent –en attendant la surprise que nous vous préparons pour cet été.

Donner la parole aux auteur.rices

Dans Le Temps des écrivains sur France Culture, Christophe Ono-dit-Biot fait se rencontrer et dialoguer deux écrivain.aines qui partagent –parfois sans le savoir– une même obsession ou un intérêt commun pour une même thématique. L’émission organise leur dialogue et forme des couples d’auteur.rices passionnants et souvent inattendus. Et le résultat est là : le rapprochement entre deux œuvres littéraires permet, en creux, de mieux saisir la spécificité et l’ampleur de chacune. On retient par exemple les très belles émissions avec Frédéric Boyer et Yannick Haenel sur le thème de la fascination, ou encore celle avec Jean-Christophe Rufin et Jean Teulé sur la déraison. 

Donner la parole aux lecteur.rices

Dans le podcast de littérature afroféministe Après la première page, Maly Diallo donne elle aussi la parole à des écrivaines dans de longs entretiens sur leur dernier livre. Mais elle enregistre également des épisodes où des lectrices se retrouvent pour parler ensemble d’un même livre : ça débat, ça se coupe la parole, ça rit beaucoup, ça se prépare du thé et on entend l’eau qui bout –bref, ça prend le temps de créer une vraie discussion. Et toujours, la parole émerge et la littérature est là. On vous en parlait déjà dans notre newsletter sur les podcasts et l’afroféminisme, et on vous le recommande encore –et tout particulièrement l’épisode où Maly, Ornella et Myriam commentent leur lecture de Swing Time de Zadie Smith. 

Donner la parole aux expert.es

Dans l’émission Personnages en personnes, Charles Dantzig donne cette fois la paroles aux universitaires et chercheur.ses en littérature pour aller à la rencontre de grands personnages de roman. L’épisode où Philippe Zard, maître de conférences de littérature comparée à l'Université de Paris-Nanterre, parle du personnage d’Adrien Deume du roman Belle du Seigneur d’Albert Cohen est drôle et émouvant. Parler d’un livre à travers l’un de ses personnages : une petite prouesse qui rappelle avec force que les êtres de fiction nous aident aussi à mieux comprendre ceux qui nous entourent.

Donner la parole aux critiques

Après les auteur.rices, les lecteur.rices et les spécialistes, la parole peut aussi être donnée aux critiques. C’est le cas tous les dimanches soirs dans Le Masque et la Plume sur France Inter : une véritable institution. Dans cette émission, Jérôme Garcin s’entoure de quatre critiques littéraires –Olivia de Lamberterie (Elle), Frédéric Beigbeder (Le Figaro Magazine), Michel Crépu (NRF), Arnaud Viviant (Transfuge) ou encore Nelly Kapriélian (Les Inrockuptibles)– qui commentent avec humour et aplomb les dernières sorties en librairie.

Donner la parole au texte

Harry Potter and The Sacred Text est un ovni sonore venu tout droit des États-Unis : une analyse littéraire (solide) de la saga Harry Potter chapitre par chapitre, livre par livre (ils en sont actuellement au livre 5). Le pari du podcast est de faire de Harry Potter de JK Rowling un « texte sacré », c’est-à-dire de le prendre assez au sérieux pour en interroger en profondeur les intrigues, la langue et les personnages. Dans chaque épisode on trouve : un résumé du chapitre étudié, une problématique articulée autour d’un grand concept (l’engagement, le regret, la honte…), une analyse linéaire, et enfin un pont entre le texte et l’actualité. Bref, une analyse de texte, et un bel hommage rendu au pouvoir de la fiction pour éclairer le monde contemporain.

Si vous êtes séduit.e par l’idée d’échanger entre passionné.e.s de Harry Potter tout en vous replongeant avec plaisir dans le texte, nous accueillons justement Vanessa Zoltan du podcast Harry Potter and The Sacred Text dans les locaux de Louie pour un événement spécial consacré au personnage d’Hermione, le 22 juin prochain.

Donner la parole aux idées

L’importance des livres dans les luttes féministes n’est plus à démontrer. Dans Le Deuxième Texte produit par Slate.fr, Aude Lorriaux, Nassira El Moaddem et Marie Kirschen décortiquent un livre féministe par épisode : à terme, l’ambition est de créer une boîte à outils de concepts féministes à partir de sa très riche littérature. Dans le premier épisode, elles parlent de Ma vie sur la route de Gloria Steinem, préfacé par Christiane Taubira dans sa traduction française, et s’interrogent sur le rapport entre féminisme et le voyage. Puis, la discussion s’ouvre une question plus générale pour se demander qui serait l'équivalente de Gloria Steinem en France ; qui pourrait incarner le féminisme français en 2019 ? Une discussion à plusieurs voix et un concept ambitieux qui rappellent avec force le pouvoir des livres et pourquoi les femmes qui lisent sont plus dangereuses que jamais.

Amel Almia et Maud Benakcha

Les coups de cœur printemps de Louie

Ce mois-ci, nous n'avons pas voulu nous limiter à une seule et unique recommandation de l'équipe de Louie. Nous avons décidé de vous parler de quatre coups de cœur auditifs qui sont entrés dans nos oreilles pour ne plus en ressortir. 

Alexandra Sacks, Motherhood Sessions

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Avoir un enfant, on ne va pas se mentir, c’est toujours compliqué. Le podcast Motherhood Sessions explore la face cachée de la maternité: Que ressent-on quand on devient mère? Qu’est-ce qu’il se passe émotionnellement? Et puis, comment faire quand on ne sent plus capable?
Chaque épisode est une conversation intime entre une mère et la psychiatre Dr Alexandra Sacks qui écoute, réagit. On bascule entre des aveux de tous les jours et des analyses profondes qui renversent les propos de ces mères qui se livrent entièrement.  

Dans l’épisode 2 par exemple, Anne avoue, dès les premières secondes, qu’elle est devenue mère parce qu’elle a cédé sous la pression mais qu’en réalité, elle n’a jamais vraiment voulu d’enfant. Au fur et à mesure de l’échange, elle réalise pourtant que ça ne fait pas d’elle une mauvaise mère. Dans l’épisode 1, Zoé, la voix tremblante, décrit ses soirées désastreuses. Celles pendant lesquelles elle laisse son garçon de 2 ans jouer à la tablette pendant qu’elle cuisine. Alexandra Sacks lui annonce alors qu’elle est la dixième mère de la semaine à lui raconter exactement cette soirée.

C’est beau d’entendre les voix de ces femmes fortes se confier et ouvrir au monde cette réalité vulnérable, imparfaite, quotidienne. Les filtres de perception sur la manière dont elles vivent leur maternité que la société, leur éducation ou leur personnalité leur imposent sont peu à peu levés et on entend le poids s’alléger, le timbre s’éclaircir et la voix s’apaiser.

• Motherhood Sessionsd'Alexandra Sacksà écouter sur Gimlet Media et sur toutes les plateformes de podcasts. 


Mathilde Guermonprez, C'est papy-mamie

cest_papy-mamie.jpg

Dans ce très court podcast - moins de quatre minutes - Mathilde Guermonprez propose une compilation de messages téléphoniques laissés sur des répondeurs par des grands-parents à leurs petits-enfants. C’est tour à tour, drôle, triste et touchant. Un grand-père qui s’interroge face à un message qui s’affiche tout à coup sur son ordinateur; une grand-mère qui se demande ce que les enfants de sa fille prennent pour le petit-déjeuner; ou simplement des grands-parents qui viennent aux nouvelles. Mais toujours, à l’oreille, des voix âgées qui sentent l’amour. Des voix d’inconnu.e.s qui pourtant, nous font entrer immédiatement dans l’intimité d’une famille - on a l’impression de les connaître. On a l’impression que ce sont les nôtres. On touche du doigt l’universel.

Mathilde Guermonprez n’en est pas à son coup d’essai: retrouvez aussi les compilations des messages téléphoniques laissés par des mamans et des papas, dans les podcasts “c’est maman”, et “c’est papa”. Tout aussi efficace et poétique.

• C’est papy-mamie de Mathilde Guermonprez, produit par Arte Radio, à écouter sur toutes les plateformes de podcasts.

Claire Richard, Les chemins de désir

Les chemins de désir.jpg

"Les chemins de désir matérialisent ce que les gens veulent." Dès les premières secondes, la voix de Claire Richard, autrice et narratrice du podcast, pose l’enjeu de sa fiction: nos désirs nous gouvernent. Au fil de six épisodes, le personnage qu'elle incarne interroge les désirs et leurs constructions au fil des âges et des inventions technologiques.
On voit les scènes décrites apparaître sous nos yeux et lorsque l’autrice nous parle de ses désirs, on partage presque son excitation.

Côté réalisation la voix de la narratrice se mêle à des scènes jouées, à de la musique et à des sons d’ambiances. Parfois, on se croirait presque plus dans un documentaire que dans une fiction.

• Les chemins de désir, de Claire Richard produit par Arte Radio et à écouter sur toutes les plateformes de podcasts.
• Le podcast accompagne la sortie d’un roman éponyme accueillant l’imaginaire créé par le podcast.


Stéphane Berthomet, Disparue(s)

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Depuis 1952 et la disparition inexpliquée de Marie-Paule Rochette à Québec au Canada, les informations manquent. L'enquête n'a rien donné de concluant et les indices se perdent. Pourtant la famille Rochette semble persuadée que Marie-Paule et "la noyée de la rivière des prairies", une jeune femme non-identifiée retrouvée l'année suivant la disparition de Marie-Paule, ne sont qu'une seule et même personne.

L'ancien policier Stéphane Berthomet qui mène le podcast,  s'engouffre dans cette enquête aux pistes multiples, qui viennent mettre à jour de nombreux secrets de famille. Il veut tenter de comprendre ce qu'il s'est passé : Où est Marie-Paule ? Qui est cette femme retrouvée noyée ?

Dix épisodes où l'on est emporté dans les années 1950, à une période où les tests ADN n'étaient pas encore en vigueur pour faire avancer les enquêtes policières. 

• Disparue(s), produit par Radio Canada, à écouter sur toutes les plateformes de podcasts.

Le conseil podcast de Lili Sohn: Bouge ton curcuma

credit : Marie Pacifique Zeltner

credit : Marie Pacifique Zeltner

Lili Sohn est bédéiste. En 2014, elle a 29 ans et ses médecins lui diagnostiquent un cancer du sein. À l’époque, elle est graphiste et décide d’ouvrir un blog pour raconter toutes les étapes qu’elle endure. De son blog sont nées une puis plusieurs BD. Dernière publication en date: Vagin Tonic.

"Bouge ton curcuma, c’est une de mes amies, Cindy, qui a aussi eu un cancer du sein et qui interroge la question de la santé à travers des interviews de plein de gens différents. C’est une problématique qu’on n’avait pas trop vu en podcast jusqu'à maintenant.

Son épisode préféré: celui avec le journaliste Feurat Alani

"C’est un épisode qui sort un peu des sentiers battus. Cindy y présente un journaliste qui s’appelle Feurat Alani, un Français d’origine irakienne. Il est retourné en Irak quand il était petit, juste avant la guerre du Golf et c’est pendant un de ces voyages qu’il a décidé de devenir journaliste. Cindy l’interroge énormément sur le quotidien: quel est le lien des gens avec la médecine? Quel rapport ont-ils au corps? C’est assez intéressant. Ça change un petit peu des autres épisodes où elle va vraiment interroger des médecins, des patients, des gens qui ont des pratiques alimentaires, qui sont très attentifs à leur corps. Ici, elle interroge le corps et la santé en période de guerre.

• Bouge ton curcuma est disponible sur Curcuma Box, Youtube et sur toutes les applications de podcast. 

Comment réalise-t-on le podcast Émotions ?

Lorsque j’ai postulé chez Louie Media, j’ai envoyé une courte production radiophonique sur la solitude, un sentiment qui me pesait particulièrement à ce moment-là. J’avais envie de comprendre comment la solitude qui m’alourdissait tant au quotidien était ressentie chez les autres: en existait-il différents types? Quelques semaines plus tard, en arrivant à la première conférence de rédaction de Louie, on m’a annoncé que j’allais devenir l’une des attachées de production –avec Amel Almia– du nouveau podcast: Émotions. Un programme imaginé par Louie et qu’Adélie Pojzman-Pontay présente. On y décortique une émotion par épisode: le tracla confiance en soila négation de la douleur, etc. Depuis, les émotions étudiées ont un certain écho sur ma vie... Ce 2 janvier par exemple, c’était mon premier jour. J’avais le trac, or c’était tout le sujet de l’épisode 1!

Plus tard, il y a aussi eu l'épisode 6 sur la compersion. Un mot que je ne connaissais pas avant de travailler dessus. La compersion, c’est le bonheur que l’on ressent quand on voit quelqu’un que l’on aime être heureux. À la première réunion, je me rappelle très bien avoir dit: “Je suis très amoureuse de mon compagnon, mais s’il me laisse pour quelqu’un d’autre, je serais heureuse de le savoir heureux”. Quelques semaines plus tard, il me quittait pour une autre femme. Coup du sort, nous terminions de travailler sur la compersion.

Parfois, c’est trop difficile, trop sensible de parler de ses émotions. Les choses sont sous notre nez mais il est compliqué de trouver les mots pour en parler. D’autres fois encore, on ne se rend même pas compte que nos émotions nous rongent parce qu’une foule de sentiments s’entrechoquent dans notre tête et forment une jungle. On n’y comprend plus rien!

Dans Émotions, nous voulons décortiquer toute cette gamme de sentiments pour les expliquer, les valoriser et les comprendre parce qu’ils sont parfois complexes, dérangeants ou tabous. Entre ami.e.s, en famille, il arrive que l’on parle assez librement de nos émotions. Mais, en public, c’est tout de suite plus compliqué.

Historiquement, on oppose émotions et raison. On voit les premières comme un obstacle à l’efficacité, notamment au travail. En intégrant le monde professionnel, on nous apprend vite que l’on doit laisser nos réactions émotionnelles hors du bureau. Ici, dans Émotions, nous voulons les comprendre grâce à des histoires et à des analyses qui ne soient pas uniquement pour les enfants.

À chaque épisode, on part à la recherche de témoignages. On sollicite autour de nous, des amis d’amis ou des gens que l’on ne connaît absolument pas et qui ont laissé des commentaires quelque part sur Internet. On fait des appels sur les réseaux sociaux ou on trouve nos histoires en lisant les journaux. On rencontre alors des personnes qui ont vécu des événements incroyables et qui nous racontent les émotions ressenties à ce moment-là. Par exemple, lorsqu’on a travaillé sur la culpabilité et que l’on s’est demandé s’il y avait une bonne dose de culpabilité, Mathilde Truong est venue à nous avec ce message sur Twitter: “Bonjour, je culpabilise de culpabiliser, ça vous semble correspondre?". Comme on cherchait quelqu’un qui ressentait une culpabilité exacerbée, on avait trouvé la bonne personne! Adélie l’a rencontrée chez ses grands-parents, en banlieue parisienne. Au passage, elle en a profité pour interroger Juliette, la petite sœur de Mathilde. Depuis qu’elle est enfant, Mathilde culpabilise en permanence, même quand à 9 ans, elle casse un verre en rangeant la table... Alors pour la confronter, sa petite sœur a une méthode toute personnelle: elle la fait “culpabiliser de culpabiliser pour qu’elle arrête de culpabiliser”!

À l’opposé de l’extrême dose de culpabilité, on voulait comprendre ce que c’était de vivre sans ce sentiment de culpabilité, et comment on le faire naître. Parce que la culpabilité, c’est une émotion que l’on apprend. Adélie a donc rencontré Jean-Rémi Sarraud. Cet homme est calme. Il a une cinquantaine d’années. Quand il était plus jeune, il a été l’auteur d’un crime. Aujourd’hui, il a purgé une peine de vingt ans pendant laquelle il a senti émerger son sentiment de culpabilité. Une émotion qui ne lui était pas naturelle parce que jamais aucune personne ne la lui avait appris étant enfant. Jean-Rémi, c’est Adélie qui l’a trouvé. Un de ses proches le connaissait. Elle a pris le train et l’a rencontré chez lui, en Bretagne.

Toutes ces illustrations servent à visualiser les émotions. S’ajoutent à ces histoires intimes des analyses d’experts. Nous les trouvons grâce à leurs travaux de recherches et leurs ouvrages. Ce sont souvent eux qui nous aiguillent et nous font comprendre toutes les subtilités des émotions, comme avec François Vialatte, chercheur en sciences cognitives à l’ESPCI qui nous a aidé, dans l’épisode 6, à comprendre les mécanismes de la construction de la confiance en soi.

Une fois que l'on a toutes ces interviews, on souffle! Enfin, pas Adélie qui repart dans un nouveau marathon pour la construction de l’épisode. Elle réécoute toutes les heures d’interview –en moyenne de cinq à dix– pour donner vie à une quarantaine de minutes cohérentes. Elle forme un plan, puis écrit son texte. Ensuite, on retrouve Charlotte Pudlowski, la rédactrice en cheffe, pour les fameuses “lectures”. On est généralement trois par réunion. C’est un moment crucial où Adélie lit ce qu’elle a écrit et fait écouter les morceaux d’interviews qu’elle a sélectionnés. S’en suivent deux heures de coupes, de reformulations et d’ajouts. Après deux lectures, c’est vraiment là qu’on peut véritablement souffler: l’épisode est formé!

On continue le montage avec des allers-retours pour être bien certain.e que les coupes sont fluides, puis on passe à l’enregistrement. Pendant une à deux heures, Adélie enregistre son texte. Ensuite, on peaufine l’épisode avec la musique. Il y a un vrai travail de création sonore qui habille chacun des volets. Nicolas de Gelis a créé la musique de générique. Claire Cahu et Nicolas Ver font des propositions musicales pour chaque épisode. Ils utilisent également des bruitages que l’on a enregistré sur le terrain, comme l’arrivée d’Adélie chez Jean-Rémi Sarraud dans l’épisode sur la culpabilité. Puis, on envoie tout ce travail à ce qu’on appelle “le mix” pour harmoniser toutes les hauteurs de sons grâce à Jean-Baptiste Aubonnet. Dernière étape: l’illustration. Jean Mallard est l’illustrateur d’Émotions. À chaque nouvelle création, on est tous.te.s ébahi.e.s par son travail. 

Quand l’épisode est publié, on aime recevoir les messages des auditeur.ice.s chez qui les émotions résonnent. Adélie a par exemple rencontré dans un bar une musicienne qui, après avoir écouté notre premier épisode, n’a plus jamais eu le trac pour remonter sur scène. Depuis le début de cette aventure, on reçoit souvent des messages des auditeur.ice.s qui ont envie et besoin de partager leurs émotions. Et c’est vraiment là que l'on se rend compte à quel point parler de ce qui nous bouleverse est important.

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Les nouveaux épisodes d'Émotions sont à découvrir un lundi sur deux. Vous pouvez retrouver Émotions sur notre site, vous abonner sur Itunes (et laisser plein de commentaires et foule d’étoiles!), Soundcloud et Youtube.

N’hésitez pas aussi à nous suivre sur Facebook,TwitterInstagram et à commenter, partager… Vous pouvez aussi nous envoyer des questions, des critiques et des histoires à l’adresse hello@louiemedia.com. Vous recevrez toujours une réponse!

Maud Benakcha

Le conseil podcast de Léa Frédeval: Un podcast à soi

Léa Frédeval est autrice. Après deux publications aux Éditions Bayard, elle écrit et réalise son premier court-métrage: La Répétition. Elle collabore avec plusieurs revues et travaille à la rédaction de son blog qu'elle tient depuis plusieurs années. En 2018, Léa Frédeval adapte son premier livre au cinéma, Les Affamés. Elle écrit actuellement son deuxième long-métrage ainsi qu’un troisième livre.

credit : jean picon

credit : jean picon

Ce que j’aime dans Un podcast à soi, c’est la multiplicité des voix et des styles de point de vue. J’ai l’impression d’être au milieu d’une pièce sonore, une pièce d’opinions et d’assister à des échanges. C’est hyper immersif. C’est le premier truc qui me botte bien. Et puis, j’apprends plein de trucs. Moi, j’ai compris il y a très peu de temps que j’étais une femme. C’est quelque chose qui est assez nouveau. J’ai l’impression qu’une fois qu’on a mis le doigt dessus, on ne peut plus faire autrement, tu ne peux pas l’éviter. Le défi au quotidien, c’est de le travailler sans ne voir que ça. Plus je me renseigne, mieux je vis les choses. C’est là où ce podcast m’aide dans les questions que je me pose et dans les questions que je ne me pose pas.”
Son épisode préféré:les femmes sont-elles des hommes comme les autres?

Cet épisode pose des questions que je me pose moi-même avant d’être mère. Je suis célibataire, je n’ai pas d’enfant. J’ai gardé 27 familles donc c’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup. Éduquer des "enfants" et non pas uniquement comme des garçons ou comme des filles.

Il y a trois ou quatre mecs qui sont interrogés sur ce qu’est être un garçon. J’ai rarement l’occasion d’entendre parler des jeunes hommes sur la masculinité. Ça me touche beaucoup. C’est quelque chose qui n’est pas simple à aborder, comme moi, ce n’est pas simple d’aborder la féminité.

Le podcast est dit féministe mais pourtant cherche à comprendre les hommes, ce que je trouve très intéressant.  Mon féminisme à moi en ce moment c'est de m'intéresser à comment les jeunes hommes se positionnent face aux femmes indépendantes d’aujourd’hui.” 

• Un podcast à soi est un podcast présenté par Charlotte Bienaimé, disponible sur Arte Radio, Youtube et sur toutes les applications de podcast. 

Do you speak podcast?

Chez Louie, nous aimons beaucoup les podcasts américains et, grâce à un article d’Emma Beddington dans The Guardian, on a compris que les podcasts français ont aussi toute leur place dans les oreilles de celles et ceux qui veulent apprendre le français. Emma Beddington, la journaliste et blogueuse qui collabore régulièrement avec Elle, The Guardian ou notamment The Times, explique qu’elle avait si peur de perdre son français qu’elle s’est inscrite aux cours particuliers de l’Alliance Française. Elle y décrit quatre semaines d’efforts quotidiens: Emma Beddington suit des cours, lit des journaux et alors qu’elle part promener son chien... écoute des podcasts. Elle conseille Le nouvel esprit public de Philippe Meyer, Vieille Branche produit par Nouvelles Écoutes  et Entre.

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Après la publication de cet article, nous nous sommes aperçues que plusieurs de nos auditeurs.trices écoutaient eux.elles aussi des podcasts dans des langues étrangères, que certain.e.s, originaires de pays non francophones, avaient découvert Entre.

Tara écoute depuis le Vietnam les podcasts d’InnerFrench, un site créé par Hugo Cotton en 2017 qui propose des programmes abordant des sujets variés toujours accompagnés d’une transcription. Tara a “encore du mal à comprendre le français dans des contextes réels, le fait d’avoir une transcription [l’]’aide énormément pour apprendre des nouveaux mots,  des expressions idiomatiques et des structures de phrase”.À Buenos Aires, une professeure d’anglais, Mila, écoute beaucoup de podcasts en français comme Entre, ou Les podcasts de Madmoizelle, des podcasts en allemand comme Die Liebe ohne Selfies ou Was wenn? et en anglais comme Pump up the Jam ou Reply All“L’anglais est une langue que je maîtrise bien car je l’étudie depuis toujours, mais écouter des podcasts me permet d’être au courant des expressions les plus courantes, pareil pour le français.”

“Ça me permet de mieux comprendre comment se prononcent les mots”

Markéta, habite à Paris mais vient de République tchèque. Elle parle français, anglais, tchèque et slovaque et assure qu’elle apprend plus en écoutant des podcasts qu’en lisant des livres. Elle qui a pourtant étudier l’anglais et le français à La Sorbonne. Markéta est dotée d’une bonne mémoire auditive. Les podcasts lui permettent “de mieux comprendre comment se prononcent les mots et élargir [son] vocabulaire. En écoutant, c’est plus facile de connaître la structure de la phrase et d’intégrer cela dans la pensée”. Ce qu’elle apprécie c’est que, contrairement à la radio diffusée en direct, le podcast permet de mettre sur pause et revenir en arrière si elle n’a pas compris une phrase ou une expression.

En nous plongeant dans l’internet des polyglottes, nous avons croisé le chemin de Nathaniel Hiroz, un multilingue qui parle 9 langues –le français, l’anglais, le suédois, le portugais, le danois, le norvégien, l’allemand, l’italien et le polonais– rien que ça! Depuis sa Suisse natale, Nathaniel a créé le blog devenirpolyglotte.com dans lequel il partage ses expériences personnelles et ses conseils pour apprendre les langues.

Pour lui, tout le monde peut devenir polyglotte et l’apprentissage est beaucoup moins difficile que ce que l’on pense. La première langue qu’il a apprise par lui-même -en dehors de l’école- c’est le suédois et Språket est le premier podcast qu’il a écouté toute langue confondue. C’est un outil important pour lui: “Avec les films et les vidéos c’est facile d’être distrait, il y a le contexte, les expressions, les sous-titres. Dans un podcast on a aucune autre aide que la langue elle-même donc on est forcé de (...) se concentrer que sur [elle]”. Il utilise tellement les podcasts en langue étrangère qu’il a décidé de lancer prochainement le sien sur l’apprentissage des langues.

Podcast bilingue ou monolingue?

Pour Nathaniel, il vaut mieux perdre un peu de temps et trouver le bon podcast plutôt que de se forcer à écouter le premier venu. Et pour choisir le bon, il explique d’abord qu’il en existe plusieurs types.

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Il y a les podcasts “normaux”, soit ceux qui ne s’adressent a priori pas aux apprenants mais plutôt aux natifs. Il y a les podcasts pour apprenants. Ils peuvent être de deux de sorte. Ils sont soit bilingue et reprennent les bases dans la langue de l’apprenant soit 100% dans la langue d’apprentissage comme Español Automático, présenté par Karo Martínez et qui vise à expliquer l’espagnol à des apprenants mais uniquement en espagnol, comme un cours de langue où le.la professeur.e ne parlerait que dans la langue enseignée.

Nathaniel conseille vivement d’écouter des podcasts monolingues : “je tends à ne pas employer de podcasts bilingues parce que mon but c’est de m’immerger (...) Ça vaut la peine d’écouter même si on ne comprend rien au début, pour habituer l’oreille”.

Mieux comprendre et parler juste

Écouter régulièrement une langue permet de mieux la comprendre.  Laetitia Deracinois est professeure d’anglais à l’Université de Paris-Est-Marne-la-Vallée. Pour elle, l’une des grandes difficultés  en anglais, c’est la prononciation et “plus on écoute d’anglais, plus on l’a dans l’oreille, plus on peut reconnaître des mots”. Écouter permet de se familiariser avec les sons d’une langue et la manière dont les mots sont prononcés. Non seulement pour mieux les comprendre, mais aussi pour mieux les prononcer soi-même par la suite.

Nathaniel en a fait l’expérience. “Quand j’ai commencé le polonais, c’était très éloigné des langues que je connaissais déjà. Mais simplement le fait d’écouter des podcasts, même si je comprenais rien, ça m’a permis de développer un bon accent.” C’est même l’accent dont il est le plus satisfait. Il écoute Real Polish, un podcast uniquement en polonais créé et présenté par Piotr, un polyglotte de 49 ans vivant en Varsovie, à destination des apprenants. “Il parle pas trop rapidement, d’une manière très claire et il répète souvent les phrases en les reformulant, par exemple avec un synonyme ou une paraphrase et c’est excellent parce que (…) les explications, ça permet d’apprendre des nouveaux mots sans avoir à traduire.”

Contenu authentique

Pour Céline Haumesser, formatrice d’enseignants d’espagnol à l’Université de Cergy-pontoise, un support qui permet d’écouter les mots du quotidien est nécessaire et même fondamental dans le processus d’apprentissage. Il permet de nous confronter à “des points de vue et à la culture du pays”. Donc non seulement la forme est primordiale mais aussi le contenu.

Une expérience a été menée en Iran dans une classe d’anglais divisée en deux groupes. Les étudiants du premier groupe ont été confrontés à l’écoute de podcasts alors que le deuxième groupe n’a utilisé que des supports écrits. Les résultats sont significatifs: c’est le premier groupe qui a atteint un niveau plus élevé plus rapidement.

Le polyglotte Nathaniel insiste sur le fait qu’il ne faut pas avoir peur de se lancer et d’écouter des podcasts dans des thématiques telles que la politique, l’histoire ou la philosophie. Pour lui, au niveau du vocabulaire il sera par exemple plus facile de comprendre des discussions scientifiques puisque beaucoup de termes sont les mêmes, dérivés du grec ancien ou du latin et sont utilisés de la même manière. 

Pour Nathaniel, l’essence de l’apprentissage d’une langue, c’est l’inconscient. Concrètement, la grammaire est partie intégrante d’une langue mais il faut tendre à un apprentissage qui nous permette de nous exprimer sans avoir à y réfléchir consciemment. C’est la théorie de l’apprentissage naturel de Stephen Krashen

Écouter même en arrière fond d’une oreille distraite peut permettre d’apprendre une langue plus rapidement. Le magazine de vulgarisation scientifique, Scientific American publie un article à ce sujet en janvier 2017 et cite deux expériences selon lesquelles le fait d’entendre les sons d’une langue sans y prêter complètement attention, en plus de cours, aide les apprenants à apprendre plus vite. Alors pourquoi ne pas écouter des podcasts en allemand en faisant votre repassage?

Outil du quotidien

Cette caractéristique du podcast -pouvoir faire autre chose en même temps- représente un réel gain de temps. On peut en écouter en conduisant, dans les transports, à la salle de sport ou pendant les courses, ou même... juste avant de s’endormir. Le site d’informations américain, Quartz et Duolinguo, un site gratuit destiné à l’apprentissage des langues, ont analysé ensemble les habitudes des utilisateurs de la plateforme et en sont arrivés à la conclusion que les personnes qui apprennent les langues entre 22h et minuit avaient les meilleurs résultats. Ce qui en ressort, c’est aussi que les utilisateurs qui avaient tendance à apprendre avant de dormir était aussi ceux qui apprenaient au quotidien.

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Un podcast par jour, la tête sur l’oreiller, c’est un programme qui nous parle. Mieux encore, si vous avez peur de vous endormir, rassurez-vous, une étude publiée dans Cerebral Cortex en juin 2015 montre que le fait d’écouter une langue durant son sommeil facilite l’apprentissage du vocabulaire.

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Alors qu’attendez-vous pour vous mettre enfin au russe, à l’italien, ou à cette langue que vous avez toujours voulu apprendre? Vous pourriez écouter Alle otto della sera pour apprendre l’italien, Escriba Café pour vous initier au portugais ou Sproglaboratoriet pour vous aider à découvrir le danois.

Amel Almia et Maud Benakcha

Le conseil podcast de Kyan Khojandi: Un café au Lot7

Kyan Khojandi est auteur, acteur et réalisateur. Il est surtout connu pour la série Bref et il publie bientôt une adaptation graphique de son spectacle, Pulsions illustré par Boulet et coécrit avec Bruno Muschio.

Crédit: Thomas O’Brien

Crédit: Thomas O’Brien

“En ce moment j'écoute Un Café au Lot7 de Louis Dubourg. Il y reçoit des comiques et discute avec eux de comédie.

Si vous êtes fan d'humour et que vous voulez percer les rouages des comiques et ce qu'ils pensent avant de monter sur scène ou quand ils montent sur scène ou après... Sur leurs échecs, leurs joies, leurs peines et leur enfance surtout, parce que ça vient de là, la comédie, écoutez  Un Café au Lot7. C'est vachement intéressant!”


Un café au Lot7 est un podcast présenté par Louis Dubourg, disponible sur son siteYoutube et sur toutes les applications de podcast. 

Des femmes noires aux micros des podcasts

Certains visages et certaines voix sont sous-représentés à la télévision, à la radio et dans la presse. À l’inverse, les podcasts sont souvent perçus comme étant un porte-drapeau de ces paroles invisibilisées, notamment celui des femmes racisées. Mais n’est-ce qu’un mirage? Nous avons posé la question à des femmes noires, présentatrices et créatrices de podcasts français. Des podcasts que l'on vous conseille de glisser dans vos oreilles si ce n’est pas déjà fait.

Se revendiquer afroféministe, c’est considérer que le racisme est vécu différemment en tant que femme et que la machisme revêt d’autres réalités lorsqu’on est noire. D’où le terme “misogynoire” qui additionne la misogynie et le racisme, à l’intersection entre ces deux discriminations. Ces expériences-là, celles des femmes noires, sont rarement présentes dans les médias traditionnels. Binge Audio produit Miroir miroir de Jennifer Padjemi et Kiffe ta race avec Rokhaya Diallo et Grace Ly, tous les deux lancés en septembre 2018. Hormis ces exceptions, les femmes que l’on a interrogées ont créé leur podcast de manière indépendante pour faire entendre leurs voix.

Sexuality Matter

C’est le podcast “le moins assumé de la planète” et c’est elle qui le dit à chaque début de chronique. Wendie Zahibo a 27 ans. Elle a lancé son webzine Reines des temps modernes il y a quatre ans. Dans son podcast, elle veut parler de sexe comme on en parle à des potes. “C’est un sujet tabou de manière générale. Quand on est une femme noire [particulièrement], c’est un sujet que l’on ne peut pas aborder avec ses parents.” Alors, une fois lancée, elle voulait quelque chose de “ludique et fun”.
 

Pari réussi car dans ses chroniques de dix minutes, elle combine humour et sérieux sans une once de gêne. Elle parle de masturbation, de cunnilingus et parfois elle y ajoute son analyse afroféministe, comme dans l’épisode sur le porno noir“Je me suis toujours décrite comme féministe. En grandissant, en me lançant dans mes différents projets, je me rendais compte que ça ne suffisait pas. On ne prenait pas en compte le fait d’être une femme noire dans l’Hexagone.”

Maintenant, on attend avec impatience la deuxième saison. Elle ne nous a pas donné de date précise, mais nous a assuré que cela devrait être pour bientôt…

The Womanist

Direction les États-Unis, où vivent deux françaises: Laéthycia Judy et Louisa Adj. C’est en s'épanouissant dans une start-up new-yorkaise aux idées “extrêmement progressistes” que Louisa Adj a compris les enjeux de l’afroféminisme. Ou plutôt, du womanism “même si les termes sont plutôt proches”. Pour elle, contrairement à sa vision de l’afroféminisme, le mouvement womanist ne se concentre pas uniquement sur les femmes mais “inclut aussi les hommes et les enfants”.

Le déclic du podcast est né en 2017: le moment était venu pour elles de “célébrer et réunir les femmes noires. Nous donner une voix.” Outre-Atlantique, elles se sont imprégnées d’une autre forme de liberté d’expression qu’elles n’avaient pas dans l’Hexagone. “La plupart des podcasts français que je connais et qui sont abordés pour et par des personnes racisé.e.s sont produits de manière individuelle, indépendante et diffusée à plus petite échelle. Aux États-Unis, c’est beaucoup plus inclusif avec des programmes vraiment distribués à grande échelle, vraiment populaires. Ce sont des podcasts qui sont pour les femmes noires et qu’on n’entendrait pas en France”. On peut citer notamment 2 Dopes Queens de Phoebe Robinson et Jessica Williams produit par la WNYC et Yes Girls ! de Cori Murray, Charli Penn et Yolanda Sangweni diffusé par Essence.

Un an et demi plus tard, les deux créatrices ont déjà vingt-deux épisodes à leur actif. Elles parlent aux femmes, noires entre 25 et 45 ans. À chaque début du talk, les deux animatrices prennent quelques minutes pour revenir sur leur quotidien, leur bien-être. Ce n’est qu’ensuite qu’elles approfondissent –seules ou avec une invitée –un sujet comme l’importance de savoir dire non ou le “racisme anti-blanc” . Elles abordent principalement des problématiques de société (amour, famille, sexualité), d’actualité et de bien-être. Ce dernier thème est presque emblématique des podcasts afroféministes. D’après Louisa Adj, “de manière générale, on en parle beaucoup depuis deux ou trois ans [...] mais encore plus dans le discours militant parce que, quand on est racisé, on doit faire face à des micro agressions permanentes. Il y a une fatigue mentale. [...] Les personnes qui vivent le racisme et les discriminations constamment doivent prendre soin d’elle. C’est le premier geste, c’est une façon douce de lutter contre les agressions extérieures. C’est indispensable”.

Me, My Sex And I®

Ne parlez surtout pas d’afroféminisme à Axelle Jah Njiké! La créatrice de Me, My Sex and I® est noire et féministe un point c’est tout. Dans son podcast, elle veut mettre en valeur “les féminités noires” dans leur pluralité. Elle s’entoure de femmes qu’elle trouve inspirantes. Chacun de ses épisodes porte sobrement le prénom de celle qui partage son témoignage et ses expériences. Comme Paoline, elle est la première joueuse noire de l’équipe de France de basket et elle revient sur une enfance emplie d’extrême violence. Avec ses invitées, elle parle de l’intime, de l’enfance: “J’ai essayé de proposer [cette idée] à d’autres podcasts. Mais ils ne comprenaient pas l’importance de l’intime. Ils étaient accoutumés à ce qu’on leur parle de discriminations”.
 

Axelle Jah Njiké souligne l’importance qu’il y a à parler de l’intimité des femmes noires et se lance, seule, en mai 2018. Adolescente, elle déplore n’avoir accès à aucun contenu à propos de l’intimité dans les communautés noires. Donc elle développe sa vision propre: “[Dans] la communauté afro, les podcasts ont un peu tous la même trame. On est encore sur le fait d’être noir plutôt que d’être des personnes. Je voudrais voir des personnes noires aborder des thématiques plus vastes, comme par exemple, celles des nouvelles technologies.”  Pour elle, l’un des meilleurs exemples est le prochain podcast de cette liste: Après la première page.

Après la première page

On s’immerge dans la littérature. Pour Maly Diallo, la créatrice d’Après la première page, ce podcast est un “objet”. Elle est une femme noire et elle invite des autrices noires et / ou des lectrices à parler derrière son micro. “Ma démarche est afroféministe en ce qu’elle met en avant les femmes noires sur un plan sur lequel elles sont peu attendues en France à savoir, la littérature. Mais je ne crois pas que toutes celles qui passent au micro se reconnaissent dans l’afroféminisme.” Elle ne demande pas à ses invitées si elle sont afroféministes. Elle ne cherche pas à n’être écoutée que par des femmes noires. “Ma cible, c’est cette personne qui s’est déjà fait porter pâle parce que qu’elle ne parvenait pas à lâcher un livre passionnant, [...] c’est cette personne qui voyage dans des contrées extraordinaires depuis le fond de son lit.” Dans l’épisode Voici venir les rêveurs, Maly Diallo débute avec une conversation autour d’une recette. Ensuite, on entre dans le vif du sujet: le roman de l’autrice camerounaise Imbolo Mbue. L’enregistrement est hors studio, informel sur la forme comme dans un club de lecture.

Du point de vue de Maly Diallo, il reste encore beaucoup à faire: “Il y a un vernis d'inclusivité dans le paysage podcastique français. Qualitativement parlant, c'est sans commune mesure avec les médias mainstream. Néanmoins, les dynamiques de pouvoirs dans ce monde-là sont peu ou prou les mêmes que celles de la société: des personnes blanches qui construisent leur succès grâce à l'exploitation de thématiques arrivées sur le devant de la scène à la suite de combats acharnés de personnes concerné.e.s (qui, elles, n'en retirent rien)”.

Aujourd’hui, ce que ces femmes interviewées ressentent –sans que d’études ne le démontre– c’est qu’il y aurait une fuite des auditeur.trice.s racisé.e.s vers des médias qui parlent d’eux, qui en parlent sans stéréotype et qui les rendent visibles. Pour Axelle Jah Njiké, le podcast a compris les besoins de ces auditeur.trice.s: “On a été beaucoup plus rapide que les autres médias. [...] On a réussi à mettre sur la table la diversité de la société dans laquelle on est.”

Financièrement, la majeure partie des podcasts afroféministes français sont indépendants. Ils ne sont affiliés à aucune grande plateforme de podcast. Wendie Zahibo de Sexuality matter et Axelle Jah Njiké de Me, My Sex And I®  ont essayé pourtant. Elles ont contacté ces plateformes mais il leur a été rétorqué que leur idée n’était pas assez aboutie ou que le sujet n'intéressait pas suffisamment les auditeur.rice.s. Axelle Jah Njiké est actuellement en pleine recherche de financement pour sa prochaine saison. Les autres créatrices de ces podcasts n’ont même pas songé à se rattacher à une plateforme déjà existante. Elles aiment la totale liberté qu’offre le podcast.

Amel Almia et Maud Benakcha

Le conseil podcast de Rakidd: Les Pieds sur terre de France Culture

Rakidd, que vous connaissez peut-être pour Les gribouillages de Rakidd, de son vrai nom Rachid Sguini, est illustrateur et auteur. Il a publié deux romans graphiques: Gribouillages en 2018 et Le Monde de Rakidd en 2016.

credit : Rachid Sguini

"C’est une émission de radio à la base, sur France Culture. Mais je l’écoute tous les jours aux horaires qui me conviennent, donc en podcast. C’est simplement des gens qui racontent des choses personnelles. Parfois, ils parlent mal, parfois ils parlent bien. Et on se rend compte que tout le monde est passionnant, tout le monde a une histoire à raconter. J’aime beaucoup le principe de poser un micro et de laisser tourner.

Un épisode m'a marqué: 
une nuit avec les péagistes. Comme ça, ça n'a l'air de rien. Les journalistes sont allés interroger les gens qui travaillent où il y a des péages. Je me souviens quand j’étais petit je pensais toujours qu’ils vivaient dans le coin. Et finalement, ils ont tous une histoire et des vies qui les ont amenés là. Je trouve ça important d’humaniser ces personnes qu’on ne voit que 30 secondes dans notre journée et d’apprendre tout ce qu’il y a derrière."


Les Pieds sur terre est une émission de radio sur France Culture, à écouter aussi en podcast sur iTunes.

• Rakidd vous recommande aussi: Kiffe ta race pour déconstruire les préjugés, un podcast produit par Binge Audio.

Comment faire du (bon) reality show en son ?

Plaisir coupable ou passion assumée, la télé-réalité plaît autant qu’elle interroge et ce depuis le début des années 2000 en France. Aujourd’hui, ces programmes ne bénéficient plus de l’attrait de la nouveauté. Mais c’était avant que le podcast s’empare du genre. Nous avons échangé avec les producteurs du podcast anglais d'audio-réalité The Brights pour comprendre comment ce type de programme peut devenir addictif.

De la télé-réalité en son ?

Le podcast The Brights suit la famille du même nom dans son quotidien. Leur particularité? Lydia Bright, l’une des filles, est également star de la télé-réalité britannique.

Si nous nous intéressons à The Brights, c’est d’abord parce que c’est l’une des premières production d’audio-réalité, même si d’autres programmes l’ont précédée, comme The Habitat du studio de podcasts américain Gimlet. On parle d’"audio-réalité" car elle reprend des codes bien définis de la télé-réalité en les adaptant aux contraintes du son.

Steve Ackerman, en charge de la conception et du marketing de l’émission, nous explique que l’enregistrement d’un épisode se fait deux après-midi par semaine - auquel vient s’ajouter le contact quotidien par messages avec l’un des producteurs qui se doit de rester au courant de ce tout qui se trame chez les Bright. L’objectif étant de faire de la série le contenu le plus authentique possible, comme nous l’a expliqué Chris Skinner, producteur de l’émission. Pour cela, lui et son équipe se sont immiscé.e.s chez les Bright: ils repèrent une histoire de cœur ou un début de dispute, leur demandent d’attendre l’arrivée des micros et s’assurent de faire le meilleur enregistrement possible. En tout, six personnes travaillent sur la série et décortiquent les sons des sept micros branchés à chacun des membres de la famille.

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Pour Steve Ackerman, il est important que la narration suive le fil du réel et non l’inverse. Le plus dur est de choisir quelles histoires retenir et lesquelles abandonner. Si, comme on peut le lire dans cet article du Figaro, "a promesse [de la téléréalité] était au départ de montrer dans gens comme nous dans leur vie quotidienne", il reste "très difficile de s'en tenir à la banalité". D’où la nécessité, pour tromper l’ennui, de forcer certaines conversations au sein de la maisonnée Bright. "On ne les force pas à s’adapter à une structure narrative rigide, on les laisse créer leur propre histoire, nous dit Chris Skinner. On leur suggère des idées, mais on finit rarement par diffuser ce à quoi on pensait originellement".

Si la série reste écrite et narrée, elle ne rime pas pour autant avec continuité. Cette absence de logique temporelle est d’ailleurs ce qui fait le succès des séries de télé-réalité - on comprend donc pourquoi The Brights tient à reproduire l’astuce. Dans une étude publiée en 2008, les chercheurs.euse.s Lisa K. Lundy, Amanda M. Ruth et Travis D. Park avaient constaté que les étudiant.e.s interrogé.e.s plébiscitaient l’indépendance des épisodes de télé-réalité les uns par rapport aux autres. "Contrairement aux fictions scénarisées où ils prenaient du retard quand ils rataient un épisode, les séries de télé-réalité semblaient bien s’adapter aux emplois du temps changeants et aux styles de vie denses des étudiants." Steve Ackerman est fier que celles et ceux qui écoutent sa série le fassent d’une traite et dans le désordre. "Environ la moitié de notre public est nouveau chaque semaine, donc on se doute bien qu’ils/elles ne connaissent pas tous les épisodes précédents."

Réinventer le genre

The Brights s’inspire fortement des codes de la télé-réalité pour fidéliser et renouveler son public, mais elle ne se prive pas pour autant d’inventer ses propres pratiques, en évitant les mises en scène artificielles et grossières, par exemple.

En premier lieu, les producteurs ont pris conscience de la sobriété que permet le format du podcast. "On s’est assez vite rendus compte qu’il ne faut finalement que très peu de dialogue pour faire comprendre une histoire. La voix-off de Lydia [Bright] aide énormément le public à se repérer, à se remémorer ce qui s’est passé dans les épisodes précédents et quels sont les rapports qui lient chaque voix l’une à l’autre", explique Steve Ackerman.

Et s’il y a un avantage incontestable à l’audio par rapport à l’image quand on est producteur, c’est le gain de temps. Steve Ackerman nous explique le ratio : ce qui pourrait mettre deux jours à être filmé met une après-midi à être enregistré en audio. Il en va de même pour le montage, beaucoup plus fluide et rapide que pour la télévision. À la lourdeur des caméras et des perches se substituent également la légèreté et la maniabilité des micros-cravate. Une fois les Bright câblés, l’équipe technique peut disparaître.

Parce qu’un autre atout de l’audio, c’est qu’on ne vous voit pas. Une solution pratique lorsqu’il s’agit de faire entendre une grande diversité de personnes, pas forcément à l’aise avec le fait d’être filmées. C’est le cas de Dave Bright, père de Lydia, qui a toujours refusé de participer à l’émission de télé-réalité dans laquelle sa fille évolue - mais qui participe au podcast. Chris Skinner s’en félicite : "On peut maintenant attirer des personnes aux histoires et aux vies intéressantes, qui auraient peut-être été réticentes à l’idée par le passé." Se passer de l’image permet aussi de s’affranchir des questions physiques : "Soyons honnêtes, beaucoup de ces shows de télé-réalité montrent des gens jeunes et beaux et quand vous n’avez plus ces contraintes [...] vous pouvez juste vous intéresser à quiconque a une bonne histoire et une vie intéressante."

Pour accompagner les auditeurs et auditrices, c’est Lydia qui sert de fil conducteur : elle résume les épisodes précédents et décrit la scène. Chris Skinner juge sa voix essentielle, car elle raconte aux auditeur.trice.s ce qu’ils et elles ne peuvent pas voir, en décrivant les personnages par exemple. "Lydia s’est prêtée au jeu – par exemple elle ne disait pas seulement «Dave fait ceci» mais plutôt «Dave, mon père, qui est plutôt comme ça…, fait ceci»." Car il est essentiel, pour créer une histoire, d’avoir des personnages identifiables. "Nous nous sommes rendus compte qu’avoir trop de voix, trop d’histoires pouvait rendre le tout confus", nous explique Chris Skinner. Alors pour éviter la confusion, la production de The Brights a fait le choix de se concentrer sur un ou deux événements centraux par épisode. "Dans l’audio particulièrement, on doit raconter une histoire de façon assez simple car il y a plusieurs voix et surtout, on ne voit rien. Donc la simplicité est cruciale", continue Chris Skinner. Réussir à raconter une histoire simplement en créant une ambiance qui permettra à l’histoire de fonctionner est un art qui ne s’improvise pas. "Quand on prend la peine d’aller enregistrer sur place, il faut que les auditeurs comprennent où ils sont [...] Nous voulions que la série soit aussi réaliste que possible, avec des bruits de bouilloires, des gens qui s’interrompent sans cesse, des oiseaux qui chantent dehors, nous dit Chris Skinner. Au début, on préférait éviter les sons environnants pour privilégier les conversations [...] mais très vite, je me suis dit qu’en discutant, la mère et ses filles feraient probablement bouillir de l’eau pour un thé, donc maintenant, on laisse la bouilloire siffler en fond sonore, on laisse les tasses s’entrechoquer."

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La télé-réalité comme porte d’entrée vers le podcast ? 

Avoir un podcast de qualité ne garantit pas le succès et une large audience. Mais l’équipe de production a pu compter sur la popularité de ses personnages principaux. D’après les centaines de commentaires laissées sur les plateformes spécialisées, Steve a retenu que, pour beaucoup d’auditeurs, ce podcast était le premier qu’ils écoutaient. Un public probablement acquis grâce à Lydia Bright : "notre intuition, c’est qu’ils sont plutôt jeunes et qu’ils ont suivi Lydia et sa famille sur les réseaux", nous explique Steve Ackerman. Lydia Bright a plus d’un million de followers sur Instagram et autant sur Twitter –sa mère se contente de la moitié, ses sœurs de centaines de milliers.

Et les Bright offrent à leur public une échappatoire. Dans le cadre de l’étude publiée en 2008 par Lisa K. Lundy, Amanda M. Ruth et Travis D. Park, des étudiant.e.s d’université ont dit aimer regarder de la télé-réalité car elle leur permettent d’échapper à leur vie quotidienne et de goûter à d’autres vies que la leur. "Les participants disaient vivre par procuration à travers les personnages de ces séries. Pour ces étudiants, la télé-réalité semblait offrir la possibilité d’envisager et de parler de la manière dont ils se comporteraient dans les situations présentées par les séries. Beaucoup des situations rencontrées par les personnages de télé-réalité - vie amoureuse, tensions familiales ou raciales et décisions morales - sont particulièrement parlantes pour des étudiants". C’est d’ailleurs ce que souligne le producteur de The Brights : "Je pense que la bonne audio-réalité marche quand on met en scène des gens pour qui on ressent des émotions fortes - ça peut être de l’amour, de la haine, n’importe, l’important c’est de ressentir des choses, de s’attacher et s’identifier aux personnages", nous dit Chris Skinner. Et selon lui, Lydia est "adorable".
Le producteur reconnaît des ressemblances entre télé-réalité et audio-réalité: les deux nous rappellent notre quotidien. Qu’elle soit sur écran ou dans nos oreilles, la réalité nous permet de nous identifier à des inconnus. D’autres sont plus partisans du fait que la télé-réalité a une vertu cathartique, comme François Jost, sociologue et spécialiste de la télé-réalité. Dans cet article de Libération sur la télé-réalité,  il affirme: "Les Français ont découvert la télé-réalité avec l’émission Loft Story en 2001. Aujourd’hui, ils en consomment encore de nombreuses copies, comme La Ferme des Célébrités ou Les Anges de la Télé Réalité." À en croire François Jost, "ces émissions, c’est le Dîner de cons version télé-réalité. Les candidats pensent qu’ils vont être aimés pour eux alors qu’on aime leur connerie". Selon le sociologue, ce qui rend "heureux" la majorité du public, c’est de regarder ces programmes pour se détendre, se moquer, mais aussi se comparer aux candidat.e.s, pour se rassurer soi-même. Ce qu’on aime, c’est pouvoir s’identifier aux personnages, à leurs vies, tout en ayant conscience de notre plus grande valeur.

Maintenant que The Brights a trouvé la formule qui lui convient, on pourrait s’attendre à ce que la série inspire d’autres à faire de l’audio-réalité. Mais pour l’instant, la prochaine étape pour The Brights est peut-être à la télé: Steve Ackerman estime que "L’audio-réalité permet de créer quelque chose avec peu de moyens - on pourrait très bien imaginer une série comme The Brights à la télévision. Ce basculement fait d’ailleurs partie de notre stratégie idéale, à terme."

Alice Bouleau et Maureen Wilson

Le conseil podcast de Géraldine Dormoy : Bodies de KCRW

Géraldine Dormoy, alias cafemode, est responsable éditoriale life-style du site de "L'Express". Elle est également à l'origine de la newsletter Note de styles

credit : Géraldine dormoy

credit : Géraldine dormoy

"J’aime les podcasts qui font du développement personnel sans en avoir l’air, et plus généralement tout ce qui me permet de mieux comprendre mon corps. Autant dire que j’étais prédestinée à aimer Bodies, d’Allison Behringer. Dans chacun des six épisodes de sa première saison, elle recueille l’histoire d’une femme aux prises d’un organisme qu’elle ne comprend plus. Douleurs pendant l’acte sexuel, ménopause, allaitement difficile… Les troubles paraissent insolubles, mais les personnes s’entêtent, mènent l’enquête jusqu’à, peu à peu, se reconnecter avec elles-mêmes. La mise en scène est très soignée et Allison prend le temps qu’il faut pour percer à jour les personnalités qu’elle présente.

J’ai particulièrement aimé les épisodes 2 (Bleeding), 3 (Anxious Mess) et 4 (Other Than), mais je recommande de tous les écouter, dans l’ordre. Le dernier permet de comprendre la quête qui a animé Allison d’un bout à l’autre. Last but not least, le podcast a une dimension communautaire : les auditeurs sont invités à se connecter à un groupe Facebook fermé pour encore un peu plus dissiper les mystères corporels dont ils peuvent faire l’objet."


• Le podcast Bodies est une production KCRW, à écouter sur iTunes.

Les podcasts vont-ils remplacer les parents ?

Que se passerait-il si les podcasts venaient à prendre le relai de ce moment partagé dans tant de chambres d'enfants le soir, entre un.e petit.e qui ne veut pas dormir et un parent épuisé mais gentiment assis sur le rebord du lit? Les podcasts peuvent-ils remplacer les parents?
 

Les enfants et la voix

Les chiffres font sourire, tant ils nous rappellent de bons souvenirs: d’après un sondage mené par KidsListen (une association américaine œuvrant à l’amélioration du contenu audio pour enfants), quatre enfants américains sur dix écoutent un épisode de podcast quatre fois ou plus. Et surtout, seul un.e enfant sur cinq n’écoute un épisode qu’une seule fois. Ça nous rappelle les K7, que l’on rembobinait à l’infini ou le livre audio du Livre de la Jungle en boucle sur l'autoradio de la voiture familiale sur la route des vacances… Déjà, à l’époque, les parents fatigués pouvaient échapper à leur devoir de conteurs d’histoires le temps d’une bande magnétique. Aujourd’hui, vingt ou trente ans plus tard, les walkman, CD, mp3 et autres iPods ont (presque) disparu. Les enfants, eux, sont toujours là. Leurs demandes incessantes d’histoires du soir aussi.

Que nous soyons né.e.s au siècle dernier ou dans les années 2010, les voix de nos parents restent celles qui nous touchent et nous réconfortent le plus. Une étude menée en 2010 par des chercheurs de l’université du Wisconsin (États-Unis) a démontré que la voix de sa mère au téléphone était aussi rassurante pour l’enfant qu’un câlin. 61 jeunes filles, âgées de 7 à 12 ans, ont été mises dans des conditions de stress (présenter un exposé et résoudre un problème de maths devant des inconnus), avant d’être divisées en trois groupes. Le premier a eu droit à des câlins de leur maman, le deuxième à un coup de fil et le troisième, à un visionnage de La Marche de l’empereur, documentaire jugé émotionnellement neutre. Les jeunes filles des deux premiers groupes ont vu leur niveau d’ocytocine (aussi connue sous le nom «d’hormone du bonheur») augmenter et leur stress baisser. La voix d’une maman, même à travers un combiné, peut donc provoquer les mêmes effets apaisants et rassurants qu’une étreinte. C’est dire le pouvoir de la voix sur les enfants, au-delà même de celles de nos parents. En témoigne le nouveau programme Pieds sur terre et tête en l'air, produit par Audible Original, qui fait le pari de la méditation audio-guidée, destinée aux enfants.

Les podcasts pour enfants, un succès aux États-Unis

Les producteurs et productrices de podcasts ont pressenti cela il y a quelques temps déjà. Ils proposent du divertissement… sans écran. L’année dernière, la plateforme américaine Panoplyavait lancé Pinna, un service payant d’histoires pour enfants, avec pour slogan “Screen free. Ad free. Guilt-free” (comprenez «pas d’écran, pas de pub, pas de sentiment de culpabilité»). Un argument de vente béton, comme l’explique le New York Times. Le fondateur de Pinna, Andy Bowers, nous avait dit à l’époque vouloir répondre à une demande des parents. Face à sa propre réticence à passer des publicités à de jeunes enfants, il a préféré proposer un service payant, mais sans pub (Pinna propose un accès illimité à son contenu pour 7.99$ par mois, soit 7€).
Depuis, le nombre de podcasts et de plateformes (payants ou gratuits) dédiées aux enfants continue de croître. On pense à Chompers (Gimlet), qui propose aux petit.e.s Américain.e.s deux histoires par jour pour les accompagner dans leur brossage de dents, aux P’tits Bateaux(France Inter), qui offre aux curieux et curieuses cinq questions-réponses le dimanche soir, ou au studio Bloom, qui produit La radio des enfants et propose aux jeunes auditeurs des histoires, des réponses à leurs questions, du divertissement pour les trajets en voiture. En avril dernier, une antenne locale de la radio publique américaine (NPR), a même organisé le premier festival dédié aux kidscasts (podcasts pour enfants).

Le pouvoir des histoires

La raison d’un tel essor n’est pas difficile à comprendre, pour peu que vous côtoyiez des enfants. «Un jour, je gardais ma petite nièce de deux ans et [elle] ne voulait pas dormir», se souvient Léonard Billot, réalisateur d’Oli, le podcast de France Inter qui raconte des histoires aux petit.e.s. «Du coup, j’ai commencé à chercher sur Internet ce qui se faisait pour les enfants. Je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas grand chose. Il y avait bien des mises en son de textes sur France Culture, mais qui se sont arrêtées il y a deux ou trois ans.» Il a fini par opter pour une mise en son d’un texte d’Oscar Wilde, mais sans grande conviction. «Je me suis dit qu’il fallait raconter des histoires aux enfants –et ceux qui racontent le mieux les histoires, ce sont les écrivains.» Des écrivain.e.s, Léonard Billot en connaît –et pour cause, il est journaliste littéraire. Quand il leur demande d’écrire pour des enfants, la plupart craignent l’exercice. Il les rassure et leur demande «d’aller chercher l’énergie, la fantaisie et l’imagination des histoires qu’ils racontent ou racontaient à leurs enfants». C’est ainsi qu’on a vu Delphine de Vigan et Yannick Haenel prendre la plume et écrire pour des petit.e.s. «Ils se sont tournés eux-mêmes directement vers la fiction», explique Léonard Billot. Il rêve Oli comme une porte ouverte sur la littérature, avant même que les enfants ne sachent lire.

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À cette écoute solitaire et indépendante, où l’enfant vient construire un imaginaire sur les sons qu’il entend, vient s’ajouter la possibilité d’une écoute en famille. «C’est même conseillé; ça sert à nouer un contact entre l’enfant et le parent, à développer le dialogue. Si l’enfant ne comprend pas des choses, il peut demander à ses parents qui écoutent avec lui. Et puis surtout, ça peut être matière à ouvrir la discussion.» Léonard Billot ne croit pas si bien dire: toujours selon le sondage de KidsListen, trois quarts des parents rapportent que leurs enfants entament une discussion après l’écoute d’un épisode de podcast. «Quand Delphine de Vigan parle de la mort, par exemple, les enfants demanderont peut-être «Papa, Maman, où il va mon poisson rouge quand il est mort ?», «Qu’est-ce que c’est que la mort ?», etc. Ça ouvre le dialogue. C’est le principe même de la littérature: générer de l'imaginaire et du dialogue entre les gens
Si on pousse plus loin, n’y aurait-il pas un risque que les podcasts prennent peu à peu la place des parents? Et que ces derniers, au lieu de se gratter la tête chaque soir pour trouver une histoire, préfèrent la facilité (et souvent la gratuité) des podcasts? Léonard Billot est catégorique: la réponse est non. «Pour tous les parents qui ne peuvent pas mettre leur enfant au lit en leur lisant une histoire, nous sommes là pour prendre le relai. L’idée n’est surtout pas de remplacer, mais de compléter. Il est primordial que les parents racontent des histoires à leurs enfants, mais on sait très bien que ceux-ci en demandent toujours plus. C’est là qu’Oli intervient.» En proposant un stock d’histoires que des parents, en pleine semaine de travail, n'auraient peut-être pas eu le temps de trouver. Et pour accompagner petits et grands dans le temps, Léonard Billot précise qu’Oli a été pensé conjointement avec des albums illustrés des contes. «Ça permettra aux enfants à la fois d’apprendre à lire à partir des histoires qu’ils auront déjà en tête et à leurs parents de leur raconter les histoires

En attendant d’apprendre à lire, les enfants auront le plaisir d’écouter des podcasts. Et pour ceux qui n’auraient pas encore le droit de fouiller dans le portable de leurs parents, les enceintes connectées ont déjà pensé à tout. Le podcast Chompers est ainsi disponible sur Echo d’Amazon, ce qui permet aux enfants de lancer des épisodes tout seuls, en se brossant les dents par exemple.


Alice Bouleau et Maureen Wilson

PS: Si vous avez des recommandations de podcasts à faire écouter aux enfants, nous serons ravies de les relayer.

Le conseil podcast de Lucien Maine: The Adventure Zone

Lucien Maine est acteur, auteur et réalisateur indépendant ayant participé à Golden Moustache, désormais propriétaire de sa propre chaîne YouTube éponyme.

Lucien maine (crédits: pierre lapin)

Lucien maine (crédits: pierre lapin)

«The Adventure Zone est le parfait mélange entre sessions de jeu de rôles et successions de blagues et de voix marrantes en famille.
Trois frères et leur papa se sont lancés dans une épique partie de Donjons et Dragon, pas besoin d'être un expert pour saisir l'histoire. Il faut juste comprendre l'anglais un minimum.»


Il vous recommande particulièrement: «Le tout premier, qui est en réalité un montage des deux premières sessions de jeu. Très bien monté et qui nous met directement dans l'ambiance fantastique et sympathique du podcast.»

• Le podcast The Adventure Zone est à écouter sur iTunesLibsynSpotify, etc.